JEAN-PAUL RIOPELLE (1923-2002)
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JEAN-PAUL RIOPELLE (1923-2002)

Composition

Details
JEAN-PAUL RIOPELLE (1923-2002)
Composition
signé 'Riopelle' (en bas à droite)
huile sur toile
120 x 200 cm. (47¼ x 78¾ in.)
Peint en 1951-1952.
Provenance
Collection Dotremont, Bruxelles
Galerie Anne Abels, Cologne
Acquis auprès de celle-ci par le propriétaire actuel en 1960
Literature
Y. Riopelle, Jean-Paul Riopelle, Catalogue raisonné, Tome 1, Montréal, 1999, p. 378, No. 1952.017H.1952 (illustré en couleurs pp. 226-227).
Exhibited
Hanovre, Musée Kestner-Gesellschaft, Jean-Paul Riopelle, 1958, No. 16.
Cologne, Galerie Anne Abels, Jean-Paul Riopelle, 1959, No.1.
Paris, Christie's France, Un art autre? Artistes autour de Michel Tapié, janvier-mars 2012 (illustré en couleurs au catalogue d'exposition pp. 132-133).
Special Notice
" f " : In addition to the regular Buyer’s premium, a commission of 7% (i.e. 7.49% inclusive of VAT for books, 8.372% inclusive of VAT for the other lots) of the hammer price will be charged to the buyer. It will be refunded to the Buyer upon proof of export of the lot outside the European Union within the legal time limit.(Please refer to section VAT refunds)
Further Details
'COMPOSITION'; SIGNED LOWER RIGHT; OIL ON CANVAS.

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Eloïse Peyre
Eloïse Peyre

Lot Essay

'Il regarde tant la nature
Que la nature a disparu'
C'est par ces vers de Victor Hugo que Georges Duthuit choisit de présenter l'oeuvre de Jean-Paul Riopelle, soulignant sa faculté non pas à représenter la nature mais à l'assimiler afin de la transfigurer par la couleur et la matière sous une forme abstraite.
Datée des années 1951-1952, Composition fait partie des oeuvres les plus emblématiques de la peinture de Riopelle. Cette toile de grande dimension est caractéristique du style déjà abouti de l'artiste qui affiche, à partir de 1951, une réelle maturité dans sa conception artistique. L'artiste est en effet installé à Paris depuis 1947 et commence à bénéficier de plusieurs expositions importantes, associé à un petit groupe d'artistes parmi lesquels figurent Georges Mathieu, Vieira Da Silva, Zao Wou-Ki ou encore Jacques Germain. En 1951, à l'initiative du critique d'art Michel Tapié, il obtient une exposition personnelle au Studio Paul Facchetti qui a ouvert ses portes la même année. Il parvient en outre à trouver enfin les ressources nécessaires pour avoir son propre atelier, rue Durantin à Montparnasse, lui permettant une plus grande liberté et intimité dans l'élaboration de ses toiles.
Riopelle a débuté sa pratique artistique par un travail de reproduction de la nature avec la volonté de rester le plus fidèle possible à la réalité. Cependant, au cours des années 1944-1945, un tournant s'opère de manière radicale dans sa conception de la peinture: il prend de conscience de l'incapacité de la figuration à retranscrire toutes les nuances de la nature. C'est à ce moment-là qu'il découvre, lors de l'exposition Cinq Siècles d'art hollandais à Montréal, les oeuvres de Van Gogh. Comme il l'a raconté par la suite, il s'agit d'un véritable choc esthétique: 'C'est là que je me suis mis à mettre en doute tout ce que j'avais fait, toute ma conception de l'art. Je suis retourné les voir quatre-vingt fois.' (cité in Jean-Paul Riopelle Peinture 1946-1977, catalogue d'exposition, Paris, Centre Pompidou - Musée National d'Art Moderne, septembre-novembre 1981, p. 13).

La couleur et la touche rapide de Van Gogh semblent en effet trouver un véritable écho dans l'oeil de Riopelle, elles lui ouvrent une nouvelle voie, beaucoup plus libre et expressive. Patrick Waldberg a ainsi évoqué le tableau Le 14 juillet à Paris du peintre hollandais à la vue des tableaux de Riopelle; l'intensité du rouge, la répartition en touches courtes et larges, qui viennent conférer à la composition un dynamisme et une flamboyance, confirment cette admiration que voue Riopelle à Van Gogh. Par la suite, il se plonge profondément également dans la peinture de Monet, celle des Nymphéas et de la suprématie de la matière et de la couleur pour retranscrire une sensation.
Néanmoins, Riopelle ne tombe pas dans une imitation de ses ainés, il en tire une inspiration qu'il confronte à sa pratique d'une peinture qui se veut automatique, c'est-à-dire libre de toute entrave intellectuelle. Sa virtuosité transparaît dans sa maîtrise parfaite du matériau qu'il applique avec précision afin de créer une harmonie visuelle éclatante, démarche particulièrement impressionnante lorsque l'on sait qu'il refusait toute conceptualisation de sa pratique artistique, affirmant même ne pas prendre de recul par rapport à la toile et estimant au contraire que 'la peinture doit se développer d'elle-même' (cité in M. Waldberg, Riopelle, The Absolute Gap, pp. 39-54). Cette pratique d'une peinture qui envahit l'espace de la toile en laissant libre cours au geste, à l'élan de l'artiste, le rapproche d'un de ses contemporains, Jackson Pollock. Les coulures qui sillonnent Composition rappellent les 'drippings' de l'américain et expliquent en partie pourquoi cette oeuvre fait partie d'un corpus qui contribua à son succès et son accueil favorable par la critique new yorkaise en 1953, lors de l'exposition Young European Painters au Guggenheim Museum. Comme Pollock, Riopelle rejette la grille moderniste qui, par tradition, protégeait et ordonnait la surface de la toile. Ici, elle est rompue par la texture des couleurs appliquées au couteau et homogénéisées par le lacis de lignes qui parcourt la composition. Néanmoins, si les deux artistes possèdent des similitudes dans leur conception de la peinture, leur approche est en réalité radicalement différente. Chez Pollock, la trace de l'intervention du peintre devient le sujet de la toile, conférant à son oeuvre une présence qui met l'homme au coeur de la peinture. Pour Riopelle, au contraire, l'écriture du peintre s'efface au profit de la matière, cherchant avant tout à retranscrire une sensation dictée par sa perception propre de la nature.

Au coeur de la réalisation de Composition se trouve l'emploi du couteau, qu'il a privilégié depuis 1949. Cette technique lui permet la fois d'éliminer la ligne et de fragmenter les masses de couleurs qui prennent corps sur la surface de la toile. Détestant l'idée du vide, Riopelle cherche à inonder son tableau de tonalités qui se répondent par des accords extrêmement forts.

Cette attention portée au chromatisme se traduisait chez lui par une extrême minutie dans le choix des tubes de peintures et des pigments employés soulignant cet amour de la couleur qui ressort de cette oeuvre. Le peintre crée ici un véritable réseau fait de traits de peinture coulés, tirés, qui viennent se croiser, créant ainsi des angles et un dynamisme qui conduisent l'oeil du spectateur de manière éparse à travers la toile. Riopelle supprime volontairement toutes formes de repères dans sa peinture afin d'immerger tout entier le regard dans le tableau et la matière, au gré d'une vibration intense qui trouve son origine dans la mosaïque de touches déposés sur la surface et dans ces diagonales subtiles qui parcourent et animent Composition.

S'attaquant à chaque nouveau tableau comme si c'était le premier, il livre une oeuvre qui se veut résolument libre de toute perspective temporelle, spatiale ou culturelle. Dans cette conception de la peinture, le référent et l'influence à la nature ne sont ainsi jamais loin. Bernard Dorival rappelait à ce sujet: 'Dans une conversation que j'ai eue avec lui [Riopelle] il y a peu de temps, j'ai surtout été frappé par sa sensibilité aux choses de la nature. [...] Liées comme elles le sont à la vie et à la nature, comment ses peintures pourraient être autrement que pleines de vie ?' (B. Dorival, 'Trois Peintres Canadiens', Vie des Arts, No. 10, 1958).

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