Lot Essay
S’appuyant sur le formidable héritage de son père, Giovanni Battista, l’un des grands peintres du XVIIIe siècle, Domenico Tiepolo bâtit sa propre carrière avec succès, excellant non seulement dans l’art de la peinture mais également dans celui de la gravure et du dessin. C’est en tant que premier assistant de son père qu’il travaille sur de grands projets décoratifs comme ceux de Wurzbourg et d’Espagne, reproduisant également les œuvres de son père dans ses estampes. Mais il traça aussi sa propre voie s’affirmant particulièrement après la mort de Giovanni Battista en 1770. Au grand répertoire de ses compositions religieuses, mythologiques et allégoriques, Domenico y ajoute des œuvres plus légères, plus spirituelles et fantaisistes, certaines d’inspiration religieuse ou mythologique, mais également tirées de la vie quotidienne et de la culture populaire. Beaucoup de ces thèmes, aujourd’hui associés au nom des Tiepolo, ont été exploré à la plume et à l’encre, souvent en série, montrant avec brio l’inventivité de Domenico. L’apogée de ce genre est symbolisée par les cent quatre dessins, précédés d’une page de titre, qui composent la série intitulée ‘Divertimento per li regazzi’ (divertissement pour enfants), également connue sous le nom de série de Polichinelle. La diversité des émotions représentées ainsi que leur exubérance narrative et picturale conservent une certaine homogénéité de par la cohérence stylistique. Richement élaborée elle possède différentes nuances de lavis brun à peine contenues par la plume sur une esquisse préparatoire à la pierre noire, souvent assez sommaire, et parfaitement mis en valeur par l’utilisation brillante du papier blanc.
Inspiré de l’un des personnages principaux du théâtre populaire improvisé napolitain, la commedia dell'arte, il choisit une interprétation plus bon enfant de Pulcinella (pour utiliser son nom commun italien), à l’origine malveillante et grossière. Le Divertimento est le point culminant d’une série de dessins et de peintures de Domenico dans laquelle il présente sa vision joyeuse de la vie. Sur des fresques (aujourd’hui à la Ca’ Rezzonico, Venise) décorant sa villa à Zianigo, Domenico représente sur grand format les frasques de Polichinelle. C’est au cours des dernières années de sa carrière, à la fin du XVIIIe siècle, moment où la République vénitienne fut conquise par les troupes napoléonienne, que Domenico se tourne à nouveaux vers Punchinello et sa famille, pour créer ce qui sera sans doute la plus grande de ses séries. Capturant dans le Divertimento ‘la culture de ce monde disparu’ il traite ce sujet avec nostalgie mais également avec humour (L. Wolk Simon, Domenico Tiepolo. Drawings, Prints, and Paintings in The Metropolitan Museum of Art, New York, 1996, p. 67).
La séquence narrative des dessins peut être reconstituée grâce aux numéros, probablement autographes, en haut à gauche présent sur la plupart des feuilles. L’absence de numéro sur notre dessin ne permet malheureusement pas de comprendre sa place exacte dans le récit de la série. En revanche il semble faire partie d'un ensemble de dessins où l’on peut voir Punchinello marchant ou voyageant en compagnie de femmes (voir notamment, Gealt, op. cit., 1986, nos. 65, 66, 68, 94, ill.). Dans la présente feuille, la femme est précédée de deux enfants très bien vêtus et qui semble bien élevés. Une ombre devant eux indiquent qu’ils suivent eux-mêmes un autre personnage. Derrière eux, un Polichinelle est en train de dormir, tandis qu’un troisième tient un fier destrier. Le chien en bas à droite est similaire à ceux apparaissant dans deux autres dessins de la série (ibid., 1986, nos. 80, 52, ill.). Le motif de paysage au pin parasol ombrageant un édifice circulaire ainsi qu’une maison réapparait dans les dessins de centaures et satyres du British Museum (inv. 1885,0509.9). Alors que les émotions représentées varient considérablement dans cette série et que plusieurs scènes plus sombres nous rappellent que Tiepolo était un contemporain de Francisco Goya, l’atmosphère ici n’est pas sans nous rappeler celle d’Antoine Watteau, une sorte de fête galante à l’italienne.
La série des Polichinelle appelé ‘le dernier chef-d’œuvre de la peinture vénitienne’ (Pierre Rosenberg dans l’édition française de Gealt, op. cit., 1986, p. 9), n’a été redécouverte qu’en 1920, lorsqu’elle est vendu en tant que série non reliée chez Sotheby’s, Londres. Peu de temps après, Richard Owen, marchand britannique vivant à Paris, démembre l’ensemble qui sera exposé pour la dernière fois à l’École des Beaux-Arts en 1921. La plupart se sont retrouvés dans des collections publiques aux États-Unis et notamment dans la collection de Robert Lehman au Metropolitan Museum of Art et au Cleveland Museum of Art. Jusqu’à une vente récente de six dessins, le 3 décembre 2019, Christie’s, Londres, le plus grand groupe encore réuni (douze feuilles) était celui de la collection de feu Sir Brinsley Ford.
Le présent dessin fut acquis par Elsie de Wolfe, actrice new-yorkaise, décoratrice d’intérieure et grande défenseuse des droits homosexuels, probablement directement d’Owen, après qu’un mariage blanc l’amena à Paris, où elle était connue sous le nom de Lady Mendl. C’est dans sa maison à Versailles, la Villa Trianon, décorée par ses soins, et plus particulièrement dans son boudoir (selon l’inscription au dos du cadre), que le dessin se trouvait. En 1933 il devient propriété du grand industriel et mécène français Paul-Louis Weiler, au moment où il acquit la maison avec son contenu et ses vastes jardins, en laissant cependant l’usufruit à Lady Mendl. Ce dessin, dont on ignorait jusqu’ici sa localisation (voir Gealt, op. cit., 1986) réapparait sur le marché pour la première fois depuis près d’un siècle.
Inspiré de l’un des personnages principaux du théâtre populaire improvisé napolitain, la commedia dell'arte, il choisit une interprétation plus bon enfant de Pulcinella (pour utiliser son nom commun italien), à l’origine malveillante et grossière. Le Divertimento est le point culminant d’une série de dessins et de peintures de Domenico dans laquelle il présente sa vision joyeuse de la vie. Sur des fresques (aujourd’hui à la Ca’ Rezzonico, Venise) décorant sa villa à Zianigo, Domenico représente sur grand format les frasques de Polichinelle. C’est au cours des dernières années de sa carrière, à la fin du XVIIIe siècle, moment où la République vénitienne fut conquise par les troupes napoléonienne, que Domenico se tourne à nouveaux vers Punchinello et sa famille, pour créer ce qui sera sans doute la plus grande de ses séries. Capturant dans le Divertimento ‘la culture de ce monde disparu’ il traite ce sujet avec nostalgie mais également avec humour (L. Wolk Simon, Domenico Tiepolo. Drawings, Prints, and Paintings in The Metropolitan Museum of Art, New York, 1996, p. 67).
La séquence narrative des dessins peut être reconstituée grâce aux numéros, probablement autographes, en haut à gauche présent sur la plupart des feuilles. L’absence de numéro sur notre dessin ne permet malheureusement pas de comprendre sa place exacte dans le récit de la série. En revanche il semble faire partie d'un ensemble de dessins où l’on peut voir Punchinello marchant ou voyageant en compagnie de femmes (voir notamment, Gealt, op. cit., 1986, nos. 65, 66, 68, 94, ill.). Dans la présente feuille, la femme est précédée de deux enfants très bien vêtus et qui semble bien élevés. Une ombre devant eux indiquent qu’ils suivent eux-mêmes un autre personnage. Derrière eux, un Polichinelle est en train de dormir, tandis qu’un troisième tient un fier destrier. Le chien en bas à droite est similaire à ceux apparaissant dans deux autres dessins de la série (ibid., 1986, nos. 80, 52, ill.). Le motif de paysage au pin parasol ombrageant un édifice circulaire ainsi qu’une maison réapparait dans les dessins de centaures et satyres du British Museum (inv. 1885,0509.9). Alors que les émotions représentées varient considérablement dans cette série et que plusieurs scènes plus sombres nous rappellent que Tiepolo était un contemporain de Francisco Goya, l’atmosphère ici n’est pas sans nous rappeler celle d’Antoine Watteau, une sorte de fête galante à l’italienne.
La série des Polichinelle appelé ‘le dernier chef-d’œuvre de la peinture vénitienne’ (Pierre Rosenberg dans l’édition française de Gealt, op. cit., 1986, p. 9), n’a été redécouverte qu’en 1920, lorsqu’elle est vendu en tant que série non reliée chez Sotheby’s, Londres. Peu de temps après, Richard Owen, marchand britannique vivant à Paris, démembre l’ensemble qui sera exposé pour la dernière fois à l’École des Beaux-Arts en 1921. La plupart se sont retrouvés dans des collections publiques aux États-Unis et notamment dans la collection de Robert Lehman au Metropolitan Museum of Art et au Cleveland Museum of Art. Jusqu’à une vente récente de six dessins, le 3 décembre 2019, Christie’s, Londres, le plus grand groupe encore réuni (douze feuilles) était celui de la collection de feu Sir Brinsley Ford.
Le présent dessin fut acquis par Elsie de Wolfe, actrice new-yorkaise, décoratrice d’intérieure et grande défenseuse des droits homosexuels, probablement directement d’Owen, après qu’un mariage blanc l’amena à Paris, où elle était connue sous le nom de Lady Mendl. C’est dans sa maison à Versailles, la Villa Trianon, décorée par ses soins, et plus particulièrement dans son boudoir (selon l’inscription au dos du cadre), que le dessin se trouvait. En 1933 il devient propriété du grand industriel et mécène français Paul-Louis Weiler, au moment où il acquit la maison avec son contenu et ses vastes jardins, en laissant cependant l’usufruit à Lady Mendl. Ce dessin, dont on ignorait jusqu’ici sa localisation (voir Gealt, op. cit., 1986) réapparait sur le marché pour la première fois depuis près d’un siècle.