Lot Essay
Au moment de l'invasion allemande en juin 1940, Braque se trouve dans sa maison de campagne à Varengeville. Cette année là, il cesse de peindre pour ne reprendre que l'année suivante. Après la reddition de la France, il revient avec sa femme à Paris où ils s'installent rue de Douanier dans la maison qu'avait bâtie pour eux en 1924 l'architecte Auguste Perret. D'une beauté funèbre, les natures mortes de ces années de guerre reflètent parfaitement l'état d'esprit méditatif et calme de l'artiste en ces temps troublés.
En mai 1941, un rationnement est instauré, suivi par des coupures d'approvisionnement de biens de toute sorte. Cependant, Braque réussit, lors de ses voyages à Varengeville, à obtenir de ses amis quelques fruits de leurs vergers. Les natures mortes aux fruits et légumes faites pendant la guerre sont souvent présentées dans un décor austère, à l'exception de la présente oeuvre, exceptionnelle, qui se démarque par l'exubérance de sa palette de couleurs et le traitement vigoureux de la surface. En cela Nature morte à la théière noire se rapproche davantage des natures mortes des années 1930. Toutefois les relations spatiales complexes que l'on remarque dans les compositions d'avant-guerre sont réduites ici à une plus grande simplicité, proche du naturalisme. "Chaque tableau est vierge de toute décoration et d'ornement. Tout y est décrit avec une sévérité froide et franche, tant dans les lignes que dans les couleurs, comme si le lyrisme (même en imagination) n'avait pas sa place dans ce climat de tension..." (E. Mullins, Braque, Londres, 1968, p. 144).
Nature morte à la théière noire fait partie des peintures que Braque a peintes très tôt durant l'Occupation. L'artiste installe une théière, une poire et deux pommes sur une table. La surface du tableau est extrêmement travaillée: avec le dos de son pinceau, Braque reproduit les veines du bois du plateau de la table, tandis que les contours de la nature morte centrale, contrastant avec ses habituels contours noirs, sont également grattés révèlant ainsi la toile blanche en-dessous. La table est placée devant des fenêtres noircies, et le sujet empreint d'une intensité et une luminosité incroyables rappelant la simplicité et la dévotion des natures mortes du peintre Francisco de Zurbaran au XVIIème siècle.
L'oeuvre présentée ici appartient à l'origine à l'illustre collection Henri Hoppenot. Elle était accrochée à côté d'un chef-d'oeuvre fauve de Braque, et parmi des tableaux de Picasso, Modigliani, Gris, Klee, Villon, Calder et d'oeuvres chinoises en bronze et terre cuite. Henri Hoppenot débuta sa brillante carrière dans la diplomatie, en entrant au ministère des Affaires Etrangères. Après avoir occupé des postes à Téhéran, Santiago, Rio de Janeiro, Berlin, Beyrouth et Pékin, il fut nommé en 1943 directeur du Service Civil de la Mission Militaire de la France libre et parti s'installer à Washington D.C. C'est à ce poste qu'il put démontrer l'étendue de ses qualités diplomatiques, et ce, jusqu'en 1945, date à laquelle il fut nommé Ambassadeur. En 1948, il devint le représentant de la France aux Nations Unies. Son épouse, Hélène, fut une photographe de talent dont l'oeuvre a été publiée dans de nombreux ouvrages.
Braque was in his country house in Varengeville when the Germans invaded France in June 1940. He and his wife returned to Paris after France surrendered, and stayed in the house on the rue de Douanier which the architect Auguste Perret had designed for them in 1924. Braque had ceased to paint in 1940, but resumed the following year, and the artist's gravely beautiful still-life paintings of the war years reflect the thoughts of a quiet and meditative intellect in troubled times.
Rationing was instituted in May 1941, and shortages of all kinds followed. However, on his trips to Varengeville and from friends Braque could obtain fruit from the countryside. The present work is exceptional in its exultant colour palette and vigourous handling of the surface, for the fare shown in his wartime paintings is often meager and their settings are appropriately austere. In this sense, Nature morte à la théière noire is more closely related to the lavish still-lives of the 1930s, however the complex spatial relationships of the prewar compositions here yield to greater simplicity and naturalism. "Each canvas is stripped bare of decoration and ornament. Everything is depicted with cold and unequivocal severity of line and colour, as if lyricism - imagination even - deserved no place in this climate of discomfort..." (E. Mullins, Braque, London, 1968, p. 144).
Nature morte à la théière noire is among the pictures Braque painted early during the Occupation. The artist arranged on a table a teapot, a pear and two apples, and the surface is highly worked. With the back of his paintbrush, Braque mimics the wood grain of the tabletop and the contours of the central still-life, in contrast to his usual black outlines, are also left bare, revealing the white canvas beneath. The table is placed in front of blackened windows, and the subject possesses a powerful, glowing intensity that recalls the devotional simplicity of the still-lives of the 17th century painter Francisco de Zurbaran.
The present work, part of the great Hoppenot Collection, once where hung next to a Fauve masterpiece by Braque as well as works by Picasso, Modigliani, Gris, Klee, Villon and Calder, and Chinese works in bronze and terracotta. Hoppenot began what would become an illustrious career as a diplomat in 1914 when he entered into the Ministry of Foreign Affairs. With posts that included Tehran, Santiago, Rio de Janeiro, Berlin, Beirut and Peking, in 1943 Hoppenot was named Director of Civil Service in the Military Mission of a Free France and moved to Washington, D.C. It was his work in this post that allowed him to hone his diplomatic skills, which he drew upon in 1945 when he was named French Ambassador, and in 1948, as the French representative to the United Nations. His wife, Hélène, was an outstanding photographer whose work was published in a series of photography books.
Henri Hoppenot et le Président Charles de Gaulle, juillet 1944.
Les pinceaux de Braque, dans son atelier, Paris.
En mai 1941, un rationnement est instauré, suivi par des coupures d'approvisionnement de biens de toute sorte. Cependant, Braque réussit, lors de ses voyages à Varengeville, à obtenir de ses amis quelques fruits de leurs vergers. Les natures mortes aux fruits et légumes faites pendant la guerre sont souvent présentées dans un décor austère, à l'exception de la présente oeuvre, exceptionnelle, qui se démarque par l'exubérance de sa palette de couleurs et le traitement vigoureux de la surface. En cela Nature morte à la théière noire se rapproche davantage des natures mortes des années 1930. Toutefois les relations spatiales complexes que l'on remarque dans les compositions d'avant-guerre sont réduites ici à une plus grande simplicité, proche du naturalisme. "Chaque tableau est vierge de toute décoration et d'ornement. Tout y est décrit avec une sévérité froide et franche, tant dans les lignes que dans les couleurs, comme si le lyrisme (même en imagination) n'avait pas sa place dans ce climat de tension..." (E. Mullins, Braque, Londres, 1968, p. 144).
Nature morte à la théière noire fait partie des peintures que Braque a peintes très tôt durant l'Occupation. L'artiste installe une théière, une poire et deux pommes sur une table. La surface du tableau est extrêmement travaillée: avec le dos de son pinceau, Braque reproduit les veines du bois du plateau de la table, tandis que les contours de la nature morte centrale, contrastant avec ses habituels contours noirs, sont également grattés révèlant ainsi la toile blanche en-dessous. La table est placée devant des fenêtres noircies, et le sujet empreint d'une intensité et une luminosité incroyables rappelant la simplicité et la dévotion des natures mortes du peintre Francisco de Zurbaran au XVIIème siècle.
L'oeuvre présentée ici appartient à l'origine à l'illustre collection Henri Hoppenot. Elle était accrochée à côté d'un chef-d'oeuvre fauve de Braque, et parmi des tableaux de Picasso, Modigliani, Gris, Klee, Villon, Calder et d'oeuvres chinoises en bronze et terre cuite. Henri Hoppenot débuta sa brillante carrière dans la diplomatie, en entrant au ministère des Affaires Etrangères. Après avoir occupé des postes à Téhéran, Santiago, Rio de Janeiro, Berlin, Beyrouth et Pékin, il fut nommé en 1943 directeur du Service Civil de la Mission Militaire de la France libre et parti s'installer à Washington D.C. C'est à ce poste qu'il put démontrer l'étendue de ses qualités diplomatiques, et ce, jusqu'en 1945, date à laquelle il fut nommé Ambassadeur. En 1948, il devint le représentant de la France aux Nations Unies. Son épouse, Hélène, fut une photographe de talent dont l'oeuvre a été publiée dans de nombreux ouvrages.
Braque was in his country house in Varengeville when the Germans invaded France in June 1940. He and his wife returned to Paris after France surrendered, and stayed in the house on the rue de Douanier which the architect Auguste Perret had designed for them in 1924. Braque had ceased to paint in 1940, but resumed the following year, and the artist's gravely beautiful still-life paintings of the war years reflect the thoughts of a quiet and meditative intellect in troubled times.
Rationing was instituted in May 1941, and shortages of all kinds followed. However, on his trips to Varengeville and from friends Braque could obtain fruit from the countryside. The present work is exceptional in its exultant colour palette and vigourous handling of the surface, for the fare shown in his wartime paintings is often meager and their settings are appropriately austere. In this sense, Nature morte à la théière noire is more closely related to the lavish still-lives of the 1930s, however the complex spatial relationships of the prewar compositions here yield to greater simplicity and naturalism. "Each canvas is stripped bare of decoration and ornament. Everything is depicted with cold and unequivocal severity of line and colour, as if lyricism - imagination even - deserved no place in this climate of discomfort..." (E. Mullins, Braque, London, 1968, p. 144).
Nature morte à la théière noire is among the pictures Braque painted early during the Occupation. The artist arranged on a table a teapot, a pear and two apples, and the surface is highly worked. With the back of his paintbrush, Braque mimics the wood grain of the tabletop and the contours of the central still-life, in contrast to his usual black outlines, are also left bare, revealing the white canvas beneath. The table is placed in front of blackened windows, and the subject possesses a powerful, glowing intensity that recalls the devotional simplicity of the still-lives of the 17th century painter Francisco de Zurbaran.
The present work, part of the great Hoppenot Collection, once where hung next to a Fauve masterpiece by Braque as well as works by Picasso, Modigliani, Gris, Klee, Villon and Calder, and Chinese works in bronze and terracotta. Hoppenot began what would become an illustrious career as a diplomat in 1914 when he entered into the Ministry of Foreign Affairs. With posts that included Tehran, Santiago, Rio de Janeiro, Berlin, Beirut and Peking, in 1943 Hoppenot was named Director of Civil Service in the Military Mission of a Free France and moved to Washington, D.C. It was his work in this post that allowed him to hone his diplomatic skills, which he drew upon in 1945 when he was named French Ambassador, and in 1948, as the French representative to the United Nations. His wife, Hélène, was an outstanding photographer whose work was published in a series of photography books.
Henri Hoppenot et le Président Charles de Gaulle, juillet 1944.
Les pinceaux de Braque, dans son atelier, Paris.