Lot Essay
Peint en 1888, ce très bel autoportrait d'Edouard Vuillard est l'expression annonciatrice du talent intimiste qui singularisa le peintre nabi parmi ses contemporains. Jeune élève de François Flameng à l'Académie Julian, l'artiste livre ici un portrait naturaliste qui révèle son admiration d'alors pour les grandes figures du Salon officiel, notamment Jules Bastien-Lepage ou Jean André Rixens, célèbre portraitiste dont Vuillard admirait le "côté nature et la parfaite réalisation de ses tableaux"1, et son goût pour les maîtres anciens, tels que Chardin ou Fantin-Latour, qu'il étudie au Musée du Louvre. Dès ses débuts, Vuillard s'inspire de son propre visage. Il exécute plusieurs autoportraits entre 1888 et 1890 caractérisés par une certaine forme d'académisme imprégné à la fois de discrétion et de franchise.
Dans Vuillard au col blanc, l'artiste se représente en buste, la barbe rousse naissante et disciplinée, émergeant avec réalisme d'une profonde pénombre. Malgré la fraîcheur et l'éclat du teint, son visage dévoile un regard d'une vibrante intensité, témoignant d'un caractère paradoxalement à la fois anxieux et plein d'assurance, un regard qui n'est plus celui d'un jeune homme de vingt ans. "Tout ce feu, il ne pouvait le taire comme ses sentiments, qui brûlait peut-être davantage mais secrètement,"2 dira joliment de lui son ami et collectionneur Thadée Natanson, fondateur de La Revue Blanche.
Vuillard s'inscrit ici dans la tradition française du portrait et fait usage d'une technique toute particulière. Ayant probablement travaillé la carnation du visage au doigt,3 il parvint à faire naître un modelé d'une grande et intense subtilité qui annonce déjà ses dons de coloriste. Attachante autant que singulière, cette oeuvre fait honneur à sa réputation de peintre intimiste.
Notes :
1 J. Salomon, Vuillard, Paris, 1945, p. 19.
2 T. Natanson, Peints à leur tour, Paris, 1948, cité in J. Salomon, Vuillard, Paris, 1968, p. 101.
3 A. Salomon et G. Cogeval, Vuillard, le regard innombrable: Catalogue critique des peintures et pastels, Paris, 2003, vol. I, p. 46.
Dans Vuillard au col blanc, l'artiste se représente en buste, la barbe rousse naissante et disciplinée, émergeant avec réalisme d'une profonde pénombre. Malgré la fraîcheur et l'éclat du teint, son visage dévoile un regard d'une vibrante intensité, témoignant d'un caractère paradoxalement à la fois anxieux et plein d'assurance, un regard qui n'est plus celui d'un jeune homme de vingt ans. "Tout ce feu, il ne pouvait le taire comme ses sentiments, qui brûlait peut-être davantage mais secrètement,"
Vuillard s'inscrit ici dans la tradition française du portrait et fait usage d'une technique toute particulière. Ayant probablement travaillé la carnation du visage au doigt,
Notes :