Lot Essay
Poulet, verre, couteau, bouteille cache sous la simplicité de la composition et la frugalité des moyens techniques employés - une feuille blanche, quelques traits de fusain et un papier découpé aux formes et aux couleurs d'une volaille rôtie - une oeuvre d'un synthétisme particulièrement suggestif. Ainsi, avec un minimum de moyen Picasso crée un maximum d'effet. Coutumier de la boutade, le peintre espagnol ne perd jamais l'occasion de truffer ses oeuvres d'allusions. C'est le cas ici, où, prétextant la mise en deuil des couleurs, le peintre représente une "poularde demi-deuil"1. Loin d'être un simple repas, ce plat fait partie des mets les plus élaborés qui figurent sur la carte des menus des grands chefs, car certains ingrédients ajoutés sont des plus nobles.
Réalisée au printemps de l'année 1913, Poulet, verre, couteau, bouteille est le fruit de l'adaptation par Picasso des récentes expérimentations techniques du papier collé, développées au milieu du mois de septembre 1912 par son ami Georges Braque. Un intense contraste naît du motif central du poulet rôti dont l'effet plastique rendu par la couleur du papier découpé collé sur le fond blanc, donne à la composition une réalité tout à fait sensible. A tel point qu'il serait presque possible de sentir le fumet savoureux qui s'en dégage. Si le quotidien de l'atelier, et les objets familiers qui le remplissent, participent intimement de la conception de l'oeuvre cubiste (pipe, verre de vin, compotier, journal etc.), l'introduction d'un poulet, qui plus est, bien rôti, donne à la composition une dimension inédite. Picasso trouve ainsi l'occasion de s'échapper du répertoire des objets récurrents du Cubisme tout en faisant allusion à la tradition espagnole du bodegón - terme qui réfère à la fois à la nature morte représentant des aliments ou objets domestiques et à la gargote où l'on peut se nourrir de plats simples - pour réunir ici magnifiquement les deux significations2.
Notes :
1 John Richardson, A Life of Picasso 1907-1917, New York, 1996, vol. II, p. 291.
2 Marie-Laure Bernardac, "La peinture à l'estomac: Le thème de la nourriture dans les écrits de Picasso", in Picasso et les choses. Les natures mortes, catalogue d'exposition, Philadelphia Museum of Art, 1992, p. 23.
Réalisée au printemps de l'année 1913, Poulet, verre, couteau, bouteille est le fruit de l'adaptation par Picasso des récentes expérimentations techniques du papier collé, développées au milieu du mois de septembre 1912 par son ami Georges Braque. Un intense contraste naît du motif central du poulet rôti dont l'effet plastique rendu par la couleur du papier découpé collé sur le fond blanc, donne à la composition une réalité tout à fait sensible. A tel point qu'il serait presque possible de sentir le fumet savoureux qui s'en dégage. Si le quotidien de l'atelier, et les objets familiers qui le remplissent, participent intimement de la conception de l'oeuvre cubiste (pipe, verre de vin, compotier, journal etc.), l'introduction d'un poulet, qui plus est, bien rôti, donne à la composition une dimension inédite. Picasso trouve ainsi l'occasion de s'échapper du répertoire des objets récurrents du Cubisme tout en faisant allusion à la tradition espagnole du bodegón - terme qui réfère à la fois à la nature morte représentant des aliments ou objets domestiques et à la gargote où l'on peut se nourrir de plats simples - pour réunir ici magnifiquement les deux significations
Notes :