HENRI MATISSE (1869-1954)
No VAT will be charged on the hammer price, but VA… Read more Né dans une région marquée par l'industrie textile, fréquentant assidûment depuis son plus jeune âge les ateliers de tisserands et de créateurs de tissus, Henri Matisse collectionna des tissus dès ses premières années aux Beaux-Arts, parcourant les éventaires des brocantes parisiennes en quête d'échantillons, et cela jusqu'aux dernières années de sa vie, transformant son atelier en trésor recelant quantité de paravents, tentures, rideaux, jetés de lit, costumes, broderies arabes, tapis d'Orient et nattes en raphia africaines. Il appelait cette collection sa "bibliothèque de travail"1, dans laquelle il puisait des échantillons qu'il emportait avec lui lors de ses voyages. Les tissus enflammaient l'imagination de Matisse, et ne l'enflammèrent jamais autant qu'au cours des dix années qui précédèrent la Première guerre mondiale, durant lesquelles, pour la première fois, il construisit directement ses toiles à partir de couleurs pures. Il disait que le matériau lui-même -"fresque, gouache, aquarelle, étoffe de couleur"- importait peu2. Ce qui comptait, c'était la texture de la couleur et l'émotion qu'elle dégageait. Les Coucous, tapis bleu et rose, peint au cours du printemps 1911, fait partie d'une longue suite d'expériences qu'il mena à cette époque sur les fleurs ou les fruits et les tissus. Cette série particulière s'inspire de Nature morte au geranium de 1910 (fig. 1), tableau qui suscita un enthousiasme si fervent chez Vassily Kandinsky que ce dernier convainquit le collectionneur russe Serguei Shchukin, de commander cet hiver-là deux autres natures mortes de mêmes dimensions et traitant du même thème3. Ce qui fit impression sur Kandinsky, Chtchoukine et le baron de Tschudi, directeur des musées impériaux d'Allemagne qui avait acquis l'oeuvre, c'était la témérité des couleurs utilisées par Matisse et l'indiscutable modernité de sa construction abstraite. Il composa son tableau autour d'un ruban de toile de Jouy, tissu que Matisse affectionnait et utilisait abondamment, et qu'il qualifiait de "volume important dans ma bibliothèque de peintre"4. Dans Nature au geranium, la toile de Jouy décrit une oblique qui traverse le tableau avec la puissance d'une cascade ou d'un tourbillon, entraînant les véritables fleurs dans le rythme effréné de son motif floral, incorporant le pot ou le coussin peints au centre de la composition, aérant et aplanissant de conserve le plan entier de l'image, tout en absorbant les murs blancs de l'atelier dans sa propre combinaison chromatique de turquoise, bleu et rose. Les Coucous, tapis bleu et rose, basé sur un autre volume important de la bibliothèque de tissus de Matisse, est en comparaison un modèle de lucidité et d'équilibre. Il a été peint exactement une année plus tard, en même temps que le superbe Atelier rose (fig. 2), autre toile pleine de fraîcheur, de lumière, linéaire, dont la conception générale est centrée sur les "étoffes de couleur" déployées à travers la toile comme une palette: tapis d'ocre pâle, paravent en tissu turquoise parsemé de motifs floraux roses et, au centre, ce qui paraît être le même tissu que celui figurant dans la partie inférieure des Coucous, tapis bleu et rose. Il s'agit d'un tapis en laine bleu et blanc, tissé main, décoré de feuillage, fleurs, pommes-grenades et de petits animaux, motifs dont la forme et la couleur changeaient au gré des tableaux de Matisse, passant par le rose ou le jaune velouté avant de revenir au blanc. Ce tapis, disait-il, avait attiré son oeil dans la boutique d'un antiquaire à Madrid, lors d'un voyage en Espagne en 1910. "[Il n'est] pas en très bon état mais je vais travailler beaucoup avec, je crois" écrivit-il à sa femme5. Il eut une véritable révélation en visitant le palais de l'Alhambra, à Grenade, avant de peindre pour la première fois la nouvelle étoffe, en l'associant à un canapé à motifs, quelques fichus espagnols et le pot de géraniums acheté spécialement pour réaliser les deux natures mortes commandées par Shchukin6 (fig. 3): des toiles qui transforment les éléments classiques des natures mortes, fleurs, fruits et tissus, en une tumultueuse frise orientale toute en arabesques et couleurs chaudes et intenses. Le tapis bleu recouvra équilibre et aplomb dans L'Atelier rose, que Matisse débuta dès son retour en France à la fin du mois de janvier 1911. Il s'agissait du premier d'une série de quatre panneaux muraux monumentaux sur le thème symphonique (également commandés par Shchukin)7, dont l'influence sur la peinture occidentale allait se propager lentement mais profondément au cours du demi-siècle qui suivit, et plus longtemps encore. Les Coucous, tapis bleu et rose, avec ses surfaces de couleurs pures nettement délimités, est le pendant de l'Atelier rose8, et peut-être même, une sorte d'épure destinée à clarifier le chaotique processus de création. A cette croisée des chemins déterminante, où Matisse abandonna définitivement les lois désuètes de la perspective et de l'illusion tridimensionnelle pour les nouveaux espaces intériorisés, purement imagés, du futur, il peignit de manière instinctive, s'efforçant de dégager clarté et ordre d'un tourbillon tumultueux d'élans contradictoires. Il déclara n'avoir réalisé qu'après-coup l'irrégularité imprimée aux coups de pinceau et à la peinture, de sorte que la surface au-dessous "jouait plus ou moins en transparence et jetait un moiré soyeux assez précieux"9. Dans Les Coucous, des reflets roses sous-jacents animent le mur turquoise qui occupe la moitié supérieure de la toile, alors que les motifs roses du tissu bleu foncé de la moitié inférieure sont, eux, ourlés de turquoise. Il semble qu'à un certain moment Matisse ait inversé sa combinaison de couleurs, troquant le rose contre le turquoise, procédure empruntée aux tisserands de sa jeunesse, qu'il employa régulièrement tout au long de sa vie et désorientait ses pairs10. "Ce n'est pas un autre tableau, expliqua-t-il lorsqu'on lui demanda pourquoi il avait repeint le vaste fond saturé de couleur de Harmonie en rouge (1908), qui était au départ bleu foncé. Je cherche des forces, et un équilibre des forces"11. Ces tensions formelles s'équilibrent tout naturellement dans Les Coucous, tapis bleu et rose. Sans doute le vase de coucous en est-il le sujet évident, mais en fait, ce bouquet figé, fiché dans un long vase, sert avant tout d'élément stabilisateur, de pilier qui fixe et tient à l'oeil les motifs agités du tissu sur lequel il est posé. Il émane une énergie de ces formes vigoureuses, vaguement anthropomorphiques, aux courbes et ailerons saillants, que l'on pourrait assimiler à des bras, jambes, seins, hanches et drapés tourbillonnant de danseurs, ou à l'écorce dentelée de pommes-grenades. Cette impression d'élan naissant est fortement jugulée par le vase, fermement planté sur son pied arrondi, les rayures roses et rouge-oranger occupant la gauche de la toile, et la grille horizontale qui court le long de la bordure supérieure, où l'on aperçoit un petit paysage de jeunesse, suspendu à une corniche de plâtre moulé qui semble se détacher du mur, projeté par sa propre ombre rose. Matisse inversa ces deux mêmes couleurs un an plus tard dans la Corbeille aux oranges (Musée Picasso, Paris), où, une fois de plus, un lumineux agencement de violet, orange, prune et bleu foncé s'articule autour d'une étoffe plus ou moins transparente - cette fois, rose sur fond bleu, à motif de bouquets pendants- si vibrante de vie qu'elle semble presque flotter, emportant avec elle la corbeille de fruits qui la maintient en place12. Dans La famille du peintre (fig. 4), second panneau mural monumental, peint dans le sillage de L'Atelier rose, le tissu central est un tapis afghan, maintenu en place par la fille du peintre, que suggère une gracieuse silhouette noire, dont la taille svelte et les bras graciles rappellent le vase à double anse des Coucous. Dans ces extraordinaires tableaux, les éléments distincts - tissus, fleurs, fruits, poteries, et même la silhouette- transcendent leurs identités respectives dans des compositions semi-abstraites dont toute la portée ne sera mesurée que dans les années 50 et 60, quand une entière génération de peintres expressionnistes abstraits américains, menée par Jackson Pollock, s'enflammera pour L'Atelier rouge de Matisse présenté à New York, oeuvre qui fait pendant à L'Atelier rose peint en 1911. "Expression et décoration ne sont qu'une seule et même chose", déclara Matisse13, qui provoquait l'ire de ses contemporains en refusant d'admettre l'existence de barrières supposées infranchissables entre de traditionnels Beaux-arts moribonds et des arts décoratifs traversés par une énergie expérimentale qui faisait feu de tout bois. Ce n'est pas un hasard si les plus grands collectionneurs de ses oeuvres radicales d'avant la Première guerre mondiale étaient deux négociants en tissu moscovites, Shchukin et Ivan Morozov, tous deux aussi à l'aise que Matisse à manier le langage de la décoration. C'était une langue dénuée de mystère pour un couturier comme Paul Poiret (qui fournit un atelier et une équipe à Matisse en 1919 pour produire les costumes du ballet de Diaghilev, Le Rossignol), et sa soeur Germaine Bongard (qui conçut des vêtements destinés à être peints par Matisse, au début des années 1920). En 1923, Jacques Doucet acheta à Matisse l'influent Poisson rouge pour aller de paire avec Les Demoiselles d'Avignon dans ce qui, s'il avait vécu plus longtemps, aurait pu devenir la première collection d'art moderne de France. "J'ai de tout temps été passionné par la peinture" affirmait Yves Saint Laurent14, en citant Matisse parmi la demi-douzaine de peintres dont le travail avait influencé ses propres créations tout au long de sa carrière. L'unique fois où Yves Saint Laurent dévoila sa collection, on le photographia devant Les Coucous, tapis bleu et rose, l'un de ces tableaux où, sous le pinceau de Matisse, les tissus eux-mêmes sont devenus la véritable trame de sa peinture. Par Hilary Spurling, novembre 2008. Ce texte a été traduit de l'anglais. Notes: 1 Lettre de Henri Matisse à Marguerite Duthuit, 29.11.43, Archives Matisse, Paris. 2 Lettre de Henri Matisse à Alexandre Romm, 17.3.34, édition établie par Dominique Fourcade, Henri Matisse. Ecrits et propos sur l'art, Paris, 1972, p. 149. 3 A. Kostenevich et N. Semyonova, Collecting Matisse, Paris, 1993, p. 168. 4 Henri Matisse à Marguerite Duthuit, 10.8.42, Archives Matisse, Paris. Pour l'histoire illustrée de ce tissu, voir H. Spurling, " Material World: Matisse, His Art and His Textiles" in Matisse. His Art and His Textiles, catalogue d'exposition, Royal Academy of Arts, Londres, 2005, pp. 23-24 & 192, note (p. 8). Ce catalogue a été publié en France sous le titre Matisse et la couleur des tissus, Musée Matisse, Le Cateau-Cambrésis, 2004. 5 Lettre de Henri Matisse à Amélie Matisse, 11.12.10, Archives Matisse, Paris. 6 Nature morte (Espagne) et Nature morte, Séville, Musée de l'Ermitage, Saint Petersbourg. 7 Les autres étant La famille du peintre, L'Atelier rouge (Musée de l'Ermitage, Saint Petersbourg) et Nature morte aux aubergines (Musée des Beaux Arts, Grenoble). 8 Matisse rentra à Paris fin janvier 1911, Chtchoukine lui ayant passé commande en Espagne de L'Atelier rose, qu'il présenta au Salon des Indépendants le 26 avril, voir H. Spurling, Matisse the Master. A Life of Henri Matisse1909-1954, Londres, 2005, vol.2, pp. 72-73. Les Coucous a été acheté par Bernheim-Jeune le 15 mai 1911. 9 D. Fourcade, op. cit., p. 149. 10 J'exprime ma reconnaissance à Mr Thomas Seydoux qui a attiré mon attention sur cette inversion dont on trouve d'autres illustrations dans, par exemple, La Rêverie, 1911, La Table de marbre rose, 1916, et Interior with dog, 1934, voir H. Spurling, "Material World' in Matisse. His Art and His Textiles", pp. 17 et 33, notes 12 & 13. 11 D. Fourcade, op. cit., p. 129, no. 96. 12 Pablo Picasso acheta ensuite ce tableau. 13 D. Fourcade, op. cit., p. 308. 14 Yves Saint Laurent, dialogue avec l'art, catalogue d'exposition, Fondation Pierre Bergé Yves Saint Laurent, Paris, 2004, p. 8.
HENRI MATISSE (1869-1954)

Les coucous, tapis bleu et rose

Details
HENRI MATISSE (1869-1954)
Les coucous, tapis bleu et rose
signé et daté 'Henri-Matisse 1911-' (en bas à droite)
huile sur toile
81 x 65.5 cm. (31 7/8 x 25¾ in.)
Peint en 1911
Provenance
Galerie Bernheim-Jeune, Paris (acquis auprès de l'artiste, 15 mai 1911).
Galerie Tanner, Zurich.
Hans Mettler, Saint-Gall (acquis auprès de celle-ci, octobre 1918); vente, Christie's, Londres, 2 juillet 1979, lot 19.
Galerie Tarica, Paris.
Acquis auprès de celle-ci par Yves Saint Laurent et Pierre Bergé, juillet 1981.
Literature
H. Kiel, "La Collection de Hans Mettler à Saint-Gall", L'amour de l'Art, 8e année, juillet 1927, p. 234 (illustré; titré 'Coquelicots').
"La passion de l'art: Yves Saint Laurent", in Du, no. 10, octobre 1986, p. 18 (illustré en couleur).
G.-P. et M. Dauberville, Matisse, Poitiers, 1995, vol. I, p. 478, no. 104 (illustré, p. 479).
Exhibited
Londres, Grafton Gallery, Second Post-Impressionism Exhibition: British, French and Russian Artists, octobre-décembre 1912, p. 39, no. 34.
Rome, Prima esposizione internazionale d'Arte della "Secessione", mars-juin 1913, no. 66 (h.c.).
Bâle, Kunsthalle, Henri Matisse, août-septembre 1931, no. 26 (titré 'Sous les jonquilles').
Lucerne, Musée des Beaux-Arts, Henri Matisse, juillet-octobre 1949, p. 28, no. 39 (titré 'Nature morte').
Paris, Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, Yves Saint Laurent, dialogue avec l'art, mars-octobre 2004, p. 27 (illustré en couleur, pp. 8 et 26).
Special Notice
No VAT will be charged on the hammer price, but VAT payable at 19.6% (5.5% for books) will be added to the buyer’s premium which is invoiced on a VAT inclusive basis ''For lots subject to the artist''s resale right, and marked with the ''Artist''s Resale Right symbol'' will collect from the buyer, on behalf of and in the name of the seller, a sum equal to the resale right payable on the lot. Christie''s will pay this sum on to the collecting agency, or if applicable, directly to the artist.''
Further Details
'THE COWSLIPS, BLUE AND ROSE FABRIC'; SIGNED AND DATED LOWER RIGHT; OIL ON CANVAS.

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Lot Essay

Madame Wanda de Guébriant a confirmé l'authenticité de cette oeuvre.

Born in a textile region, surrounded from birth by weavers' and designers' workshops, Matisse collected fabrics from his earliest beginnings as a poor art student, scouring Parisian junk-stalls for scraps of threadbare tapestry, to the last years of his life when his studio became a treasure-house stocked with screens and hangings, curtains, coverlets, costumes, Arab embroideries, oriental carpets and African raffia mats. His collection was strictly practical. He called it his "working library"1, and packed samples from it to take with him when he travelled. Textiles fired Matisse's imagination, and never more so than in the decade leading up to World War I when for the first time he constructed his canvases directly from pure colour. He said that the medium itself - "fresco, gouache, watercolour, coloured stuff" - was not important2. What mattered was the texture of the colour, and the emotion it discharged.

Les coucous, tapis bleu et rose, painted in the spring of 1911, belongs to a long experimental sequence based in these years on flowers or fruit and textiles. This particular sub-series was inspired by the Nature morte au géranium of 1910 (fig. 1), a canvas which aroused such passionate enthusiasm in Wassily Kandinsky that he persuaded the Russian collector, Sergei Shchukin, to commission two more still-lifes of the same size on the same theme that winter3. What impressed Kandinsky, Shchukin and the painting's owner, Baron Tschudi, the director of Germany's imperial museums, was the boldness of Matisse's colour, and the unequivocal modernity of his abstract construction. He built his picture round a length of printed cotton known as the toile de Jouy, a favourite and much-painted textile, what Matisse called 'a key volume from my painter's library'4. In Nature morte au géranium the toile de Jouy plunges diagonally across the canvas with the momentum of a waterfall or whirlwind, sweeping the real flower-heads into the careering rhythms of its floral print, assimilating the painted bowl or cushion at the centre of the composition, simultaneously aerating and flattening out the entire picture plane while absorbing the white walls of Matisse's studio within its own chromatic scheme of turquoise, blue and pink.
Les Coucous, based on another key volume from Matisse's textile library, is by comparison a model of lucidity and balance. It was painted exactly a year later, at the same time as the great Atelier rose (fig. 2), another cool, light-filled, linear canvas whose overall design centres on the "coloured stuffs" laid out across it like a palette: pale ochre rug, turquoise fabric screen with pink flower blobs, and at the centre what seems to be the same fabric that occupies the lower part of Les Coucous. This was a blue-and-white, hand-woven, woollen rug with a pattern of foliage, flowers, pomegranates and little animals, motifs that would change shape and colour on Matisse's canvases, shifting to pink or creamy yellow and back again to white. He said that the carpet had caught his eye in an antique shop in Madrid on a trip to Spain in the winter of 1910. "It's not in a very good state, but I'll be able to work a lot with it, I think," he told his wife5. He paid a revelatory visit to the Alhambra Palace in Granada before painting his new textile for the first time, combining it with a patterned sofa, a batch of Spanish shawls and the pot of geraniums specially purchased to fulfill Shchukin's order for a pair of still lifes6 (fig. 3): Canvases which transpose the standard still-life components of flowers, fruit and fabric into a riotous oriental frieze of swirling line and rich hot colour. The blue carpet regained stability and composure in the Atelier rose, which Matisse started as soon as he got back to France at the end of January, 1911. This was the first of four huge symphonic wall panels (also commissioned by Shchukin)7, whose influence would seep slowly and powerfully into Western painting over the next half century and more.

Les Coucous, with its flat, hard-edged expanses of pure colour, is a companion to Atelier rose8, perhaps even a kind of blueprint designed to clarify the chaotic process of creation. At this crucial juncture when Matisse turned away definitively from the old laws of perspective and three-dimensional illusion to the new, internalised, purely pictorial spaces of the future, he painted instinctively, struggling to extract clarity and order from a seething turmoil of conflicting urges. He said he realised only in retrospect that he had unconsciously varied the pressure of his brushstrokes and the thickness of the paint so that the surface underneath "shone through more or less transparently, giving the impression of a precious moir silk"9. In Les Coucous gleams of underlying pink animate the turquoise wall filling the upper part of the canvas, while the pink motifs on the dark blue textile in the lower part are edged in turn by turquoise. At some point Matisse seems to have reversed his entire colour scheme, switching pink and turquoise, a procedure borrowed initially from the weavers of his childhood which he employed at intervals throughout his life to the bewilderment of fellow painters10. "It's not a different picture," he explained, when asked his reason for repainting the vast colour-saturated ground of Harmonie en rouge (1908), which had originally been deep blue. "I'm seeking forces, and a balance of forces"11.

These formal tensions are effortlessly balanced in
Les Coucous. The ostensible subject may be a vase of cowslips but in effect the stiff florist's bouquet jammed into its tall pot functions primarily as a stabilising device, a solid column that pins down and holds in check the agitated motifs of the textile on which it stands. Energy radiates from these vigorous, vaguely anthropomorphic shapes with their protuberant curves and flippers that might be identified as a dancer's limbs, breasts, hips and whirling draperies, or as a pomegranate's spiky crown. The sense of incipient flux is forcibly restrained by the vase so firmly planted on its rounded plinth, by the vertical strips of pink and orangey-red on the left side of the canvas and by the horizontal grid running along its upper edge, where a small early landscape hanging against the moulded plaster cornice appears to be propelled forward from the wall by its own pink shadow.
Matisse reversed the same two colours a year later in the majestic
Corbeille aux oranges (Musée Picasso, Paris), where once again a radiant orchestration of purple, orange, plum-pink and deep blue revolves around a more or less transparent textile - pink this time with turquoise underlay, and a pattern of floppy flower bouquets - so full of vibrant life that it seems almost to float upwards, bearing with it the fruit bowl that holds it down12. In La famille du peintre (fig. 4), a second huge wall panel painted immmediately after the Atelier rose, the central textile is an Afghan rug pinned in place by the figure of the painter's daughter, reduced to an elegant impersonal black silhouette whose long narrow waist and slender arms echo the two-handled vase in Les Coucous. In these extraordinary paintings the separate components - textiles, flowers, fruit, ceramics, even the human figure - submerge their individual identities in semi-abstract compositions whose implications would not be systematically explored until the 1950s and 60s, when a whole generation of American Abstract Expressionists, led by Jackson Pollock, found itself galvanised by the arrival in New York of Matisse's Atelier rouge, painted as a counterpart to his Atelier rose in 1911.

"Expression and decoration are one and the same thing," said Matisse13, who infuriated his contemporaries by refusing to acknowledge the supposedly impassable barriers separating a moribund Beaux-Arts tradition from the freebooting experimental energy of the decorative arts. It was no accident that the greatest collectors of the radical canvases he produced before the First World War were two textile merchants from Moscow, Shchukin and Ivan Morozov, both as familiar as Matisse himself with the vocabulary and syntax of decoration. It was a language that held no secrets from couturiers like Paul Poiret (who loaned his workshop and a team of assistants to Matisse in 1919 to work on costumes for Diaghilev's ballet,
Le Rossignol), and his sister Germaine Bongard (who designed clothes for Matisse to paint in the early 1920s). In 1923 Jacques Doucet bought Matisse's seminal Poisson rouge to pair with Picasso's Demoiselles d'Avignon in what might have become France's first great pioneering collection of modern art if Doucet had lived longer. "Painting has always been a passion with me," said Yves Saint Laurent14, citing Matisse among the half dozen painters whose work reverberated down the years in his own creations. On the only occasion when he showed his collection in his lifetime, Saint Laurent was photographed beneath Les Coucous, one of the canvases in which the fabrics Matisse painted became themselves the actual fabric of his painting.

Hilary Spurling, November 2008.


Notes:
1 Lettre de Henri Matisse à Marguerite Duthuit, 29.11.43, Archives Matisse, Paris.
2 Lettre de Henri Matisse à Alexandre Romm, 17.3.34, D. Fourcade, Henri Matisse. Ecrits et propos sur l'art, Paris, 1972, p.149.
3 A. Kostenevich et N. Semyonova, Collecting Matisse, New York, 1993, p.168.
4 Lettre de Henri Matisse à Marguerite Duthuit, 10.8.42, Archives Matisse, Paris.
5 Henri Matisse à Amélie Matisse, 11.12.10, Archives Matisse, Paris.
6 Nature morte (Espagne) et Nature morte, Séville, Musée de l'Ermitage, St Petersbourg.
7 Les autres étant La famille du peintre, l'Atelier rouge (Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg) et Nature morte aux aubergines (Musée des Beaux Arts, Grenoble).
8 Matisse rentra à Paris fin janvier 1911, Shchukin lui ayant passé commande en Espagne de L'atelier rose, qu'il présenta au Salon des Indépendants le 26 avril (voir H. Spurling, Matisse the Master. A Life of Henri Matisse, Londres, 2005, vol. II, pp. 72-73. 9 D. Fourcade, p. 149.
10 J'exprime ma reconnaissance à M. Thomas Seydoux qui a attiré mon attention sur cette inversion dont on trouve d'autres illustrations dans, par exemple, La Rêverie, 1911, La Table de marbre rose, 1916 et Intérieur au chien, 1934.
11 D. Fourcade, op. cit., p. 129, no. 96.
12 Pablo Picasso acheta ensuite ce tableau.
13 D. Fourcade, op. cit., p. 308.
14 Yves Saint Laurent, dialogue avec l'art, catalogue d'exposition, Paris, Fondation Yves Saint Laurent et Pierre Bergé, Paris, 2004, p. 8.

(fig. 1) Henri Matisse, Naure morte au géranium, 1910.
Staatsgalerie Moderner Kunst, Munich.

(fig. 2) Henri Matisse, L'atelier rose, 1911.
The Pouchkine Museum, Moscou.

(fig. 3) Henri Matisse, Nature morte (Espagne), 1910.
Musée de L'Hermitage, Saint-Pétersbourg.

(fig. 4) Henri Matisse, La famille du peintre, 1911.
Musée de L'Hermitage, Saint-Pétersbourg.

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