Lot Essay
On trouvera aussi au nombre de ces tableaux ceux qui, sous le nom de Pierres philosophiques présentent seulement une grande pierre. Ils procèdent de l'idée, que les mouvements de l'esprit, si on entreprend de leur donner corps par le moyen de les peindre - et d'autant plus quand c'est par le truchement d'une substance aussi matérielle que sont ces lourdes pâtes - ont quelque chose à voire - un très proche cousinage peut être - avec les concrétions physiques de toutes les sortes: comme s'il n'y avait pas là deux ordres différents mais plutôt deux différents modes relevant d'un seul ordre, et qui rendent lisibles toutes les combinaisons de l'un avec l'autre.
Il m'est apparu que les faits - les purs et simples faits - que présentent les formes et textures de ces grosses pierres pourraient faire de ces tableaux, au moins à la longue, des compagnons auxquels il serait possible de s'attacher fortement. Qu'ils pourraient être aptes à fonctionner, au moins dans certains cas, comme des supports à une cristallisation de la pensée, à la manière du grain de sable sur lequel l'huitre fait sa perle. Je suis frappé par le grand prix que peut prendre pour un homme un indifférent fait permanent comme telle vue sur laquelle s'ouvre chaque jour sa fenêtre, et par le rôle important que cette vue, par elle même insignifiante, peut à la longue jouer dans sa vie. Souvent me vient à la pensée que la plus haute destination que puisse viser un tableau est de prendre cette fonction dans la vie quotidienne de celui qui en fait usage. Et il me semble que le tableau aura plus de chance d'y parvenir quand il sera sommaire, peu insistant, proche de l'informe, et ne proposera rien de plus que de faits tout purs, et surtout pas d'idées formelles. Le domaine des idées formelles m'apparaît doué de peu de vertu auprès de l'empire seigneurial des pierres.
(Dubuffet, Catalogue des travaux de Jean Dubuffet, Tables paysagées, paysages du mental, pierres philosophiques, Lausanne, 1979, pp. 192- 193).
'One will also find, among these pictures, certain ones called Stones of Philosophy, which represent only a large stone. These come from the idea, expressed before, that the movements of the mind, if one undertakes to give them body by means of painting - and particularly when it is done in the ways of such a material substance as these heavy pastes - have something in common - are close relatives perhaps - with physical concretions of all sorts, as if there were not there two different orders, but rather two different modes of the same order, with possibilities of all combinations from one to the other.
'It appeared to me that the facts - the pure and simple facts - presented by the form and the texture of these big stones, could make of these pictures, at least with time, companions to which one could become strongly attached. That they should be capable of taking, in certain cases, the funcion of supports on which one can crystallise one's thoughts, as does the grain of sand on which the oyster makes its pearl. I am struck by the high value, for a man, of a simple permanent fact, like the miserable vista on which the window of his room opens daily, that comes, with the passing of time, to have an important role in his life. I often think that the highest destination at which a painting can aim is to take on that function in someone's life. And it seems to me that it will do it more readily if it is summary, effaced, close to the formless, and if it presents nothing but facts in their purity, and no formal ideas above all. The kingdom of formal ideas always appears to me of very little virtue beside the seigniorial kingdom of stones' (Dubuffet, Landscaped Tables, Landscapes of the Mind, Stones of Philosophy, exh. cat., New York, 1952, quoted in Peter Selz, The Work of Jean Dubuffet, New York, 1962, p. 72).
Il m'est apparu que les faits - les purs et simples faits - que présentent les formes et textures de ces grosses pierres pourraient faire de ces tableaux, au moins à la longue, des compagnons auxquels il serait possible de s'attacher fortement. Qu'ils pourraient être aptes à fonctionner, au moins dans certains cas, comme des supports à une cristallisation de la pensée, à la manière du grain de sable sur lequel l'huitre fait sa perle. Je suis frappé par le grand prix que peut prendre pour un homme un indifférent fait permanent comme telle vue sur laquelle s'ouvre chaque jour sa fenêtre, et par le rôle important que cette vue, par elle même insignifiante, peut à la longue jouer dans sa vie. Souvent me vient à la pensée que la plus haute destination que puisse viser un tableau est de prendre cette fonction dans la vie quotidienne de celui qui en fait usage. Et il me semble que le tableau aura plus de chance d'y parvenir quand il sera sommaire, peu insistant, proche de l'informe, et ne proposera rien de plus que de faits tout purs, et surtout pas d'idées formelles. Le domaine des idées formelles m'apparaît doué de peu de vertu auprès de l'empire seigneurial des pierres.
(Dubuffet, Catalogue des travaux de Jean Dubuffet, Tables paysagées, paysages du mental, pierres philosophiques, Lausanne, 1979, pp. 192- 193).
'One will also find, among these pictures, certain ones called Stones of Philosophy, which represent only a large stone. These come from the idea, expressed before, that the movements of the mind, if one undertakes to give them body by means of painting - and particularly when it is done in the ways of such a material substance as these heavy pastes - have something in common - are close relatives perhaps - with physical concretions of all sorts, as if there were not there two different orders, but rather two different modes of the same order, with possibilities of all combinations from one to the other.
'It appeared to me that the facts - the pure and simple facts - presented by the form and the texture of these big stones, could make of these pictures, at least with time, companions to which one could become strongly attached. That they should be capable of taking, in certain cases, the funcion of supports on which one can crystallise one's thoughts, as does the grain of sand on which the oyster makes its pearl. I am struck by the high value, for a man, of a simple permanent fact, like the miserable vista on which the window of his room opens daily, that comes, with the passing of time, to have an important role in his life. I often think that the highest destination at which a painting can aim is to take on that function in someone's life. And it seems to me that it will do it more readily if it is summary, effaced, close to the formless, and if it presents nothing but facts in their purity, and no formal ideas above all. The kingdom of formal ideas always appears to me of very little virtue beside the seigniorial kingdom of stones' (Dubuffet, Landscaped Tables, Landscapes of the Mind, Stones of Philosophy, exh. cat., New York, 1952, quoted in Peter Selz, The Work of Jean Dubuffet, New York, 1962, p. 72).