JEAN-AUGUSTE-DOMINIQUE INGRES (MONTAUBAN 1780-1867 PARIS)
COLLECTION PARTICULIERE FRANCAISE
JEAN-AUGUSTE-DOMINIQUE INGRES (MONTAUBAN 1780-1867 PARIS)

Portrait d'homme en buste, tourné vers la gauche

Details
JEAN-AUGUSTE-DOMINIQUE INGRES (MONTAUBAN 1780-1867 PARIS)
Portrait d'homme en buste, tourné vers la gauche
signé, localisé et daté 'Ingres Rome 1814'
mine de plomb
230 x 170 mm.

Brought to you by

Hélène Rihal
Hélène Rihal

Check the condition report or get in touch for additional information about this

If you wish to view the condition report of this lot, please sign in to your account.

Sign in
View condition report

Lot Essay

Ingres signe le présent portrait à Rome en 1814. Si le séduisant modèle masculin de ce dessin inédit demeure encore aujourd'hui anonyme, il est néanmoins très intriguant. Dans un habit dégagé à double boutonnage, le gilet à col relevé, la chemise ornée d'une haute cravate nouée sous le menton, ce portrait révèle un homme séduisant de moins de trente ans, qui par tradition familiale serait un membre d'une famille sarthoise: les Triger. Si les documents et correspondances du maître restent muets vis-à-vis de ce nom, il est fort possible d'imaginer que le personnage ait été présenté à l'artiste par des connaissances communes, car la même année, Ingres n'exécute que des portraits officiels pour la famille Murat et son entourage, ainsi que des portraits plus personnels, comme ceux de son épouse et des amis ou connaissances faisant partie des artistes de la Villa Médicis et du cercle des français à Rome (voir H. Naef, Die Bildniszeichnungen von J.-A.D. Ingres, Berne, 1977-1980, IV, nos. 107-130).

Depuis son arrivée à Rome en 1806, le peintre choisit de rester en Italie. Comme il le déclare : "J'aime mieux mourir de misère, s'il le faut, que de vivre à Paris comme au milieu d'une forêt d'assassins et de voleurs" (lettre de 1807 ; dans H. Lapauze, Le Roman d'amour de M. Ingres, Paris, 1910, pp.170-1). 1814 n'est guère une année facile pour Ingres qui depuis 1811, ne séjournant plus à la Villa Médicis, vit dans un appartement au premier étage du numéro 34 de la Via Gregoriana.
Sur le plan personnel l'année est riche, mais pas toujours en événements heureux. Après plusieurs déceptions amoureuses, les mariages manqués avec Julie Forestier et Laure Zoëga, Ingres rencontre Madeleine Chapelle par l'intermédiaire de Mme Maizony de Lauréal, et l'épouse le 4 décembre 1813 dans l'église San Martino ai Monti Rome. L'année qui suit est pour lui cause de joie et de tristesse en même temps : pendant l'été il annonce triomphant à son ami Charles Marcotte la naissance prochaine d'un enfant qui quelque mois plus tard arrive mort-né (lettre du 7 juillet ; voir D. Ternois, Lettres d'Ingres Marcotte d'Argenteuil, Nogent-le-Roi, 1999, p. 63). Toujours en 1814, Ingres perd son père qui décède le 14 mars en lui laissant de nombreux soucis sur l'avenir peu prometteur de ses deux soeurs restées en France.
Au printemps 1814, Ingres quitte Rome pour la première fois depuis son arrivée, pour se rendre trois mois à Naples, en visite à la cour du roi Murat. L'artiste avait connu le roi Murat à Rome en 1808, lorsque ce dernier s'y était arrêté, descendant vers Naples pour prendre possession de son royaume. Pendant cette étape romaine, Murat avait acheté le célèbre tableau d'Ingres, la Dormeuse de Naples (tableau perdu depuis 1815). C'est lors de ce séjour napolitain de 1814, qu'Ingres commence le Portrait de la reine Caroline Murat (voir Ingres 1780-1867, cat. expo. Paris, Musée du Louvre, 2006, no. 49). A cette occasion, le roi lui commande le pendant de la Dormeuse, La grande Odalisque (Paris, Musée du Louvre).

Politiquement et historiquement l'année 1814 est caractérisée par des turbulences qui finissent par avoir un impact sur la carrière de l'artiste et sur ses commandes officielles. Napoléon abdique le 11 avril et le 3 mai le roi Louis XVIII entre dans Paris. Ingres -comme beaucoup d'autres artistes- s'adapte astucieusement et rapidement au changement de direction. Pour l'exposition annuelle de novembre 1814, l'artiste envoie d'Italie des tableaux pouvant l'aider à promouvoir sa carrière au sein du pouvoir actuel, tels que le Pape Pie VII tenant chapelle (Paris, Musée du Louvre).

Si en 1818 Ingres déclare "Je suis obligé d'adopter un genre de dessins portraits au crayon, métier que j'ai fait à Rome près de deux ans" (lettre du 7 juillet 1818 ; dans D. Ternois, Lettres d'Ingres à Gilibert, Paris, 2005 p. 156), pouvons-nous alors déduire que le présent portrait, exécuté quatre ans plus tôt, faisait davantage partie des feuilles qu'Ingres réalisa pour ses amis, ou ses proches, ou pour l'entourage de Murat, plutôt que pour une commande officielle, genre qui deviendra ensuite son gagne-pain? Si Hans Naef avait répertorié plus de 450 portraits dessinés (op. cit.), ceux de 1814 ne sont que vingt-trois. Depuis la publication de Naef, de nouveaux portraits sont réapparus ; en 2001, Eric Bertin en recensait quinze, mais seulement un exécuté en 1814, celui de l'épouse de l'artiste, Madeleine Chapelle ('Premier état du supplément au catalogue Naef des portraits dessins par Ingres', Bulletin du Musée Ingres, no. 73, 2001, pp. 27-31).

More from Dessins Anciens et du XIXème Siècle

View All
View All