Lot Essay
Conçue en 1936, Tête d'Isabel est l'une des premières oeuvres réalisée avec Isabel comme modèle. Peintre d'origine anglaise, Isabel Nicholas (1912-1992) arrive à Paris au milieu des années 30 pour y suivre les cours de l'Académie de la Grande Chaumière. Son physique singulier l'amène rapidement à poser pour André Derain. Alberto Giacometti la remarque à son tour un soir au Dôme, l'une des brasseries les plus fréquentées de Montparnasse, et lui propose de poser pour lui. "J'avais ressenti une étrange sensation pendant que j'étais observée avec une intensité remarquable par un homme aux traits singuliers. Cela continua plusieurs jours durant jusqu'à ce qu'un soir, me levant de table, il se lève aussi et s'avance : " Est-ce qu'on peut parler ? ". A partir de là, nous nous rencontrâmes quotidiennement, toujours à 5 heures du soir. Il se passa des mois avant qu'il me demande de venir à son atelier et poser. Je savais déjà qu'il avait changé ma vie pour toujours " écrira Isabel (cité in V. Wiesinger, Alberto Giacometti, Isabel Nicholas, Correspondances, Paris, 2007, 4ème de couverture). Une étroite amitié les liera jusqu'à la mort du sculpteur et Isabel Nicholas entrera dans le cercle de l'artiste, rencontrant Balthus et Picasso notamment. Partageant sa vie entre la France et la Grande-Bretagne, entre une vie de peintre et de muse - pour Francis Francis Bacon notamment-, elle participe, au lendemain de la guerre, à la reconnaissance de l'oeuvre de Giacometti à Londres et à son influence sur l'école anglaise. C'est aussi avec Isabel comme modèle qu'Alberto Giacometti débutera, dans la seconde moitié des années 30, ses recherches qui le conduiront à ses personnages solitaires.
Tête d'Isabel s'inscrit dans le registre des têtes, un sujet récurrent dans le parcours du sculpteur. Conçue en 1936, Tête d'Isabel marque le retour chez Giacometti au travail d'après modèle. C'est une période incertaine que traverse le sculpteur. Ayant quitté le mouvement de Breton qui lui reprochait son retour à la figuration et au modèle, il travaille avec acharnement à représenter les visages et les hommes tel qu'il les voit. Le surréaliste Marcel Jean se souvient : "A la fin de l'année 1934 nous l'entendâmes déclarer que tout ce qu'il avait fait jusque-là était de la masturbation et qu'il n'avait pour le moment d'autres objectifs que d'essayer de mettre en place une tête humaine. Il commença, en conséquence, à ébaucher à longueur de journée des bustes de son frère Diego" (Cité in Y. Bonnefoy, Giacometti, Paris, 1991, p.241). Notre tête s'inscrit dans cette étape de la carrière du sculpteur. Un peu moins grande que nature, cette oeuvre montre un visage lisse et rond qui trahit une vraie recherche de stylisation. La coiffure et le profil du visage ne sont pas sans évoquer l'Egypte antique, les représentations de Néfertiti en particulier. Par ce rendu lisse, la pose figée et ce regard fixe, Tête d'Isabel est l'une des oeuvres les plus sereines produites par l'artiste depuis son départ du surréalisme. Deux autres études suivront cette première version. Le traitement y sera plus nerveux pour la seconde, lui donnant un aspect torturé dans la troisième version qu'il travaille au canif et au crayon. Editée en plâtre en 1936, Tête d'Isabel se retrouve dans les décors imaginés par Jean-Michel Frank. Deux épreuves en terre cuite sont connues dont la nôtre, l'autre étant conservée au Hirshhorn Museum à Washington.
Tête d'Isabel, executed circa 1936, is one of the first works produced using Isabel as a model. Isabel Nicholas (1912-1992), a painter originally from England, arrived in Paris in the mid-1930s to study at the Académie de la Grande Chaumière. Her unique appearance soon led to her posing for André Derain. Alberto Giacometti noticed her at Le Dôme, in Montparnasse, and asked her to model for him. "I felt a strange sensation while being observed with remarkable intensity by a very unusual looking man. This continued for several days in a row until one evening, as I rose from the table, he got up too and came forward: "Can we talk?" From then on we met daily, always at 5 o'clock in the evening. Months passed before he asked me to come to his studio and pose. I already knew he had changed my life forever," wrote Isabel (quoted in V. Wiesinger, Alberto Giacometti, Isabel Nicholas, Correspondances, Paris, 2007, back cover). Isabel Nicholas joined the artist's circle, meeting Balthus and Picasso in particular, and the pair would be bound by a close friendship until the sculptor's death. Dividing her time between France and England, between a life as a painter and as a muse - notably for Francis Bacon - after the war she helped his work gain recognition in London and increased his influence over the school. It was also with Isabel as a model that Alberto Giacometti would begin the research that would lead to his solitary figures in the second half of the 1930s.
Tête d'Isabel is one of the heads which were a recurrent theme in the sculptor's work. Produced in 1936, Tête d'Isabel marks Giacometti's return to using models. Giacometti was passing through a period of uncertainty. Having left Breton's movement after criticism of his return to figuration and use of models, he worked hard to represent people as he saw them. The Surrealist Marcel Jean recalled: "At the end of 1934 we heard him declare that everything he had done previously was masturbation and that for the moment his sole objective was to put in place a human head. So he began to carve out busts of his brother Diego all day long." (Quoted in Y. Bonnefoy, Giacometti, Paris, 1991, p.241). Our head is from this period in the sculptor's career. Slightly smaller than life, the work shows a smooth, round face revealing true research into stylisation. The hair and profile of the face are reminiscent of Ancient Egypt and particularly representations of Nefertiti. The smooth finish, fixed pose and frozen expression make Tête d'Isabel one of the most serene works produced by the artist since his departure from Surrealism. Two other studies would follow this first version although the treatment of the second would be more tense, and the final version tortured with a knife and pencil. Produced in plaster in 1936, several test pieces can be found in Jean-Michel Frank's interior designs. Two terracotta test pieces are known to exist, including ours, the other being housed at the Hirshhorn Museum in the United States.
Tête d'Isabel s'inscrit dans le registre des têtes, un sujet récurrent dans le parcours du sculpteur. Conçue en 1936, Tête d'Isabel marque le retour chez Giacometti au travail d'après modèle. C'est une période incertaine que traverse le sculpteur. Ayant quitté le mouvement de Breton qui lui reprochait son retour à la figuration et au modèle, il travaille avec acharnement à représenter les visages et les hommes tel qu'il les voit. Le surréaliste Marcel Jean se souvient : "A la fin de l'année 1934 nous l'entendâmes déclarer que tout ce qu'il avait fait jusque-là était de la masturbation et qu'il n'avait pour le moment d'autres objectifs que d'essayer de mettre en place une tête humaine. Il commença, en conséquence, à ébaucher à longueur de journée des bustes de son frère Diego" (Cité in Y. Bonnefoy, Giacometti, Paris, 1991, p.241). Notre tête s'inscrit dans cette étape de la carrière du sculpteur. Un peu moins grande que nature, cette oeuvre montre un visage lisse et rond qui trahit une vraie recherche de stylisation. La coiffure et le profil du visage ne sont pas sans évoquer l'Egypte antique, les représentations de Néfertiti en particulier. Par ce rendu lisse, la pose figée et ce regard fixe, Tête d'Isabel est l'une des oeuvres les plus sereines produites par l'artiste depuis son départ du surréalisme. Deux autres études suivront cette première version. Le traitement y sera plus nerveux pour la seconde, lui donnant un aspect torturé dans la troisième version qu'il travaille au canif et au crayon. Editée en plâtre en 1936, Tête d'Isabel se retrouve dans les décors imaginés par Jean-Michel Frank. Deux épreuves en terre cuite sont connues dont la nôtre, l'autre étant conservée au Hirshhorn Museum à Washington.
Tête d'Isabel, executed circa 1936, is one of the first works produced using Isabel as a model. Isabel Nicholas (1912-1992), a painter originally from England, arrived in Paris in the mid-1930s to study at the Académie de la Grande Chaumière. Her unique appearance soon led to her posing for André Derain. Alberto Giacometti noticed her at Le Dôme, in Montparnasse, and asked her to model for him. "I felt a strange sensation while being observed with remarkable intensity by a very unusual looking man. This continued for several days in a row until one evening, as I rose from the table, he got up too and came forward: "Can we talk?" From then on we met daily, always at 5 o'clock in the evening. Months passed before he asked me to come to his studio and pose. I already knew he had changed my life forever," wrote Isabel (quoted in V. Wiesinger, Alberto Giacometti, Isabel Nicholas, Correspondances, Paris, 2007, back cover). Isabel Nicholas joined the artist's circle, meeting Balthus and Picasso in particular, and the pair would be bound by a close friendship until the sculptor's death. Dividing her time between France and England, between a life as a painter and as a muse - notably for Francis Bacon - after the war she helped his work gain recognition in London and increased his influence over the school. It was also with Isabel as a model that Alberto Giacometti would begin the research that would lead to his solitary figures in the second half of the 1930s.
Tête d'Isabel is one of the heads which were a recurrent theme in the sculptor's work. Produced in 1936, Tête d'Isabel marks Giacometti's return to using models. Giacometti was passing through a period of uncertainty. Having left Breton's movement after criticism of his return to figuration and use of models, he worked hard to represent people as he saw them. The Surrealist Marcel Jean recalled: "At the end of 1934 we heard him declare that everything he had done previously was masturbation and that for the moment his sole objective was to put in place a human head. So he began to carve out busts of his brother Diego all day long." (Quoted in Y. Bonnefoy, Giacometti, Paris, 1991, p.241). Our head is from this period in the sculptor's career. Slightly smaller than life, the work shows a smooth, round face revealing true research into stylisation. The hair and profile of the face are reminiscent of Ancient Egypt and particularly representations of Nefertiti. The smooth finish, fixed pose and frozen expression make Tête d'Isabel one of the most serene works produced by the artist since his departure from Surrealism. Two other studies would follow this first version although the treatment of the second would be more tense, and the final version tortured with a knife and pencil. Produced in plaster in 1936, several test pieces can be found in Jean-Michel Frank's interior designs. Two terracotta test pieces are known to exist, including ours, the other being housed at the Hirshhorn Museum in the United States.