Lot Essay
Année clé dans la carrière de Nicolas de Staël, 1950 voit son oeuvre évoluer tant dans son approche esthétique de la peinture que dans sa réception auprès du public. En effet, sa première exposition personnelle chez Jacques Dubourg-avec qui il entretiendra un rapport de confiance tout au long de sa carrière-a lieu en juin et quelques mois plus tard il est pour la première fois exposé au Musée National d'Art Moderne qui se porte acquéreur d'une de ses toiles. Cette reconnaissance ne se limite cependant pas à la France car il trouve en la personne du marchand d'art américain Theodore Schempp-rencontré par l'entremise de Georges Braque-un intermédiaire privilégié pour promouvoir sa peinture outre-Atlantique. Il participe ainsi à l'exposition Young painters from U.S. and France chez Sidney Janis, en novembre 1950, où il est accroché aux côtés de Rothko, De Kooning ou encore Dubuffet.
Composition s'inscrit donc dans cet élan de 1950. Exposée chez Jacques Dubourg, elle est achetée par le critique d'art Patrick Waldberg, époux de l'artiste Isabelle Waldberg, sculpteur qui fut proche de Staël. Waldberg a d'ailleurs décrit sa première visite à l'atelier de la rue Gauguet: "L'atelier de Staël tient du puits, de la chapelle et de la grange par ses proportions démesurées, sa blancheur austère et son atmosphère d'activité intense, mais recluse. Les visiteurs qui, non prévenus, y pénètrent se trouvent dès le seuil en perte d'équilibre, leur habitude de voir se trouve déjouée, [...] et les plus prompts au commentaire se trouvent momentanment à court de mots." (P. Walberg, Transition Fifty, No.6, 1950).
Comme très souvent chez Staël, la composition de cette oeuvre sera reprise et retravaillée pour réaliser une oeuvre de grand format, Abstraction (Sans titre), qui sera vendue la même année aux Etats-Unis par Theodore Schempp et exposée à plusieurs reprises, notamment au Cincinnati Art Museum. Staël, pour cette oeuvre, conserve la structure originale de Composition mais ajoute plusieurs éléments formels dans la partie supérieure de la toile, sans doute pour élaborer un espace picturale nécessairement plus structuré lié aux dimensions importantes de la toile.
Révélatrice des nouvelles orientations picturales amorcées à partir de 1949 par Staël, Composition montre sa volonté de clarifier, d'aérer la composition en passant de structures construites sur des réseaux de lignes à des pans de couleurs. Comme le souligne Daniel Abadie, "entre 1949 et 1950 la peinture de Staël va développer en surfaces et plans les éléments linéaires de ses compositions antérieures" (Antibes, Musée Picasso, Nicolas de Staël, un automne, un hiver, 2 juillet-16 octobre 2005, p. 17). Ici la surface s'épure pour laisser le champ à des plans de couleurs où la matière picturale est lissée au couteau, jouant sur la juxtaposition des couches et révélant, par endroit, la couche inférieure pour jouer sur les contrastes ainsi produits. Cette superposition de la matière permet une historicisation de l'oeuvre créant une profondeur picturale que Staël aime révéler lorsqu'il délimite ses formes sur la toile, "à la manière de braises, lumineuses sous leur couvert de cendres, ou de gemmes encore enchâssées dans une épaisse gangue", selon la formule de Daniel Abadie (ibid., p. 17). Ainsi, le rouge surgit des couches inférieures pour mettre en valeur les gris et les bleus créant une composition bipartite où l'angle inférieur de la toile se partage des tons foncés et chauds en opposition aux tons plus clairs et plus froids de l'angle supérieur. Jean-Claude Schneider a parfaitement décrit cette caractéristique de la peinture de Staël: "Les couleurs s'exaltent mutuellement lorsque la couche profonde remonte sous la patine des surfaces. L'oeil s'interroge. Se trouble, si les tons froids et distants des bleus, chevauchant la vibration des rouges, viennent en avant. Comme pour raviver l'inextricabilité de la matière." (J.C. Schneider, Nicolas de Staël, peintures et dessins, 15 mars-19 juin 1994, Hôtel de Ville de Paris, p. 16).
Ce travail de la matière est déterminant pour Staël qui, dans un mouvement horizontal, construit sa peinture en y impliquant son corps pour donner une force, imprimer un passage sur la toile, lui qui considère que "le métier de maçon est probablement le plus noble de tous les métiers" (Lettre à Pierre Lecuire, 10 décembre 1950). Composition est ainsi particulièrement représentative de cette quête sans cesse renouvelée de Staël:
"La peinture, la vraie, tend toujours à tous les aspects, c'est-à-dire à l'impossible addition de l'instant présent, du passé et de l'avenir." (Antibes, Musée Picasso, Nicolas de Staël, un automne, un hiver, op. cit., p. 22).
Composition s'inscrit donc dans cet élan de 1950. Exposée chez Jacques Dubourg, elle est achetée par le critique d'art Patrick Waldberg, époux de l'artiste Isabelle Waldberg, sculpteur qui fut proche de Staël. Waldberg a d'ailleurs décrit sa première visite à l'atelier de la rue Gauguet: "L'atelier de Staël tient du puits, de la chapelle et de la grange par ses proportions démesurées, sa blancheur austère et son atmosphère d'activité intense, mais recluse. Les visiteurs qui, non prévenus, y pénètrent se trouvent dès le seuil en perte d'équilibre, leur habitude de voir se trouve déjouée, [...] et les plus prompts au commentaire se trouvent momentanment à court de mots." (P. Walberg, Transition Fifty, No.6, 1950).
Comme très souvent chez Staël, la composition de cette oeuvre sera reprise et retravaillée pour réaliser une oeuvre de grand format, Abstraction (Sans titre), qui sera vendue la même année aux Etats-Unis par Theodore Schempp et exposée à plusieurs reprises, notamment au Cincinnati Art Museum. Staël, pour cette oeuvre, conserve la structure originale de Composition mais ajoute plusieurs éléments formels dans la partie supérieure de la toile, sans doute pour élaborer un espace picturale nécessairement plus structuré lié aux dimensions importantes de la toile.
Révélatrice des nouvelles orientations picturales amorcées à partir de 1949 par Staël, Composition montre sa volonté de clarifier, d'aérer la composition en passant de structures construites sur des réseaux de lignes à des pans de couleurs. Comme le souligne Daniel Abadie, "entre 1949 et 1950 la peinture de Staël va développer en surfaces et plans les éléments linéaires de ses compositions antérieures" (Antibes, Musée Picasso, Nicolas de Staël, un automne, un hiver, 2 juillet-16 octobre 2005, p. 17). Ici la surface s'épure pour laisser le champ à des plans de couleurs où la matière picturale est lissée au couteau, jouant sur la juxtaposition des couches et révélant, par endroit, la couche inférieure pour jouer sur les contrastes ainsi produits. Cette superposition de la matière permet une historicisation de l'oeuvre créant une profondeur picturale que Staël aime révéler lorsqu'il délimite ses formes sur la toile, "à la manière de braises, lumineuses sous leur couvert de cendres, ou de gemmes encore enchâssées dans une épaisse gangue", selon la formule de Daniel Abadie (ibid., p. 17). Ainsi, le rouge surgit des couches inférieures pour mettre en valeur les gris et les bleus créant une composition bipartite où l'angle inférieur de la toile se partage des tons foncés et chauds en opposition aux tons plus clairs et plus froids de l'angle supérieur. Jean-Claude Schneider a parfaitement décrit cette caractéristique de la peinture de Staël: "Les couleurs s'exaltent mutuellement lorsque la couche profonde remonte sous la patine des surfaces. L'oeil s'interroge. Se trouble, si les tons froids et distants des bleus, chevauchant la vibration des rouges, viennent en avant. Comme pour raviver l'inextricabilité de la matière." (J.C. Schneider, Nicolas de Staël, peintures et dessins, 15 mars-19 juin 1994, Hôtel de Ville de Paris, p. 16).
Ce travail de la matière est déterminant pour Staël qui, dans un mouvement horizontal, construit sa peinture en y impliquant son corps pour donner une force, imprimer un passage sur la toile, lui qui considère que "le métier de maçon est probablement le plus noble de tous les métiers" (Lettre à Pierre Lecuire, 10 décembre 1950). Composition est ainsi particulièrement représentative de cette quête sans cesse renouvelée de Staël:
"La peinture, la vraie, tend toujours à tous les aspects, c'est-à-dire à l'impossible addition de l'instant présent, du passé et de l'avenir." (Antibes, Musée Picasso, Nicolas de Staël, un automne, un hiver, op. cit., p. 22).