SERGE POLIAKOFF (1900-1969)
SERGE POLIAKOFF (1900-1969)

Bleu

Details
SERGE POLIAKOFF (1900-1969)
Bleu
signé 'Serge Poliakoff' (en bas à gauche)
huile sur panneau
73 x 92 cm. (28¾ x 36¼ in.)
Peint en 1952.
Literature
A. Poliakoff, Serge Poliakoff, Catalogue Raisonné 1922-1954 Vol. I, Paris, 2004, No. 52-06 (illustré en couleurs p. 398).
Further Details
'BLEU'; SIGNED LOWER LEFT; OIL ON PANEL.

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Eloïse Peyre
Eloïse Peyre

Lot Essay

Cette oeuvre est inscrite aux Archives Serge Poliakoff sous le No. 952011.

'Maintenant je suis vraiment dans mon cosmos à moi' confie Serge Poliakoff à Julien Alvard pour son livre Témoignages pour l'art abstrait, paru en 1952. Cette confession du peintre souligne un changement, une prise de conscience quant à sa peinture. L'année 1952 marque une étape essentielle dans l'oeuvre de l'artiste, celle de l'accès à une certaine forme de maturité.

En effet, Poliakoff est désormais sous contrat avec la Galerie Bing, ce qui lui permet de se consacrer tout entier à son art et d'abandonner son métier de musicien qui lui permettait jusqu'alors d'assurer son quotidien. Ses compositions sont de plus en plus remarquées et il figure dans plusieurs expositions importantes, notamment sur la scène internationale avec les expositions itinérantes Klar Form en Allemagne, organisée par Denise René, et Abstract Artists of the School of Paris aux Etats-Unis. Il obtient également sa première exposition personnelle à New York à la Circle & Square Gallery. Cette même année, il reçoit une confirmation de ses recherches plastiques sous la forme d'un choc produit par la découverte de Malevitch exposé au Musée d'Art Moderne de Paris: 'Il m'a démontré une fois de plus le rôle capital de la vibration de la matière. Même s'il n'y a pas de couleur, un tableau où la matière vibre reste vivant.' explique-t-il à Michel Ragon (cité in F. Brütsch, Serge Poliakoff 1900-1969, Neuchâtel, 1993, p. 172).

La 'vibration' évoquée par Poliakoff est au coeur de ses préoccupations esthétiques et Bleu en offre une expression particulièrement saisissante. Cette composition est emblématique de l'évolution du peintre au cours de cette période charnière. Ici, Poliakoff se consacre tout entier à la couleur en la libérant du réseau de lignes qui structurait ses toiles. En effet, la forme est désormais déterminée par l'équilibre atteint par l'artiste entre les différentes plages chromatiques. Gérard Durozoi évoque à ce propos la présence, dans son atelier, d'une carte postale reproduisant une gouache découpée de Matisse, soulignant son affinité avec cette volonté de 'dessiner dans la couleur'.
Poliakoff travaille dans cette composition sa palette de bleus, issus de ses recherches picturales à partir de pigments de couleurs broyés qu'il mélange à l'huile, ajoutant différents diluants afin d'obtenir plus ou moins de transparence ou d'intensité dans la matière. L'artiste procède par juxtaposition de couches picturales afin d'atteindre un bleu unique et lumineux dont la palette s'étend du bleu ciel à l'outremer et révèle des jeux de correspondances parfaitement harmonisés. Marcelle Poliakoff confirme cette importance qu'il attache à l'animation de la surface: 'On a peu parlé dans l'oeuvre de Poliakoff de ses recherches sur la transparence. Cette découverte [...] semble essentielle chez lui, et appartient à lui seul.' (cité in M.V. Poliakoff, Serge Poliakoff Mon Grand-Père, 2011, p. 16).

Au regard de la carrière de Poliakoff, Bleu figure parmi les premières oeuvres où l'artiste traite de manière aussi absolue cette couleur. Présent dans certaines compositions, le bleu n'a, jusqu'ici, été que peu utilisé comme couleur dominante de ses tableaux. Par la suite, il décline cette tonalité dans plusieurs séries de compositions, comme en 1956 avec une série de Composition bleu au cercle, parvenant, à partir de 1958, à une véritable harmonie monochrome, à l'image de Bleu de 1958 qui semble trouver son origine dans notre composition de 1952.

L'intensité de la couleur chez Poliakoff confère à ses compositions une force caractéristique, lui permettant de développer une oeuvre dont la richesse provient de ce qu'il appelle la 'vue intérieure', c'est-à-dire une inspiration qui naît du travail de la matière et de la couleur directement sur l'oeuvre et non pas du monde extérieur qui entoure l'artiste. C'est en ce sens que Bleu révèle le 'cosmos' de Poliakoff, trouvant son entière réalisation dans cette approche sensible de la peinture, cette 'vibration' du tableau qui lui est propre.

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