Lot Essay
Les collections d'oeuvres d'art français de Harewood House sont dues principalement à deux célèbres collectionneurs : Edward, Vicomte Lascelles et au treizième Duc de Clanricarde. L'essentiel du mobilier, des porcelaines et des bronzes d'ameublement viennent d'Edward dit "Beau", Vicomte Lascelles, surnommé ainsi pour sa ressemblance avec le Prince de Galles. Après le Traité d'Amiens en 1802 qui met fin aux hostilités entre la France et l'Angleterre, Lascelles se rend à Paris pour y acquérir des oeuvres provenant de familles aristocratiques dispersées suite à la Révolution. Son goût très éclectique, illustré notamment par les oeuvres figurant dans la vente de Christie's Londres du 1 juillet 1965, est un parfait exemple du choix de monter de bronze doré les porcelaines chinoises et européennes. En 1806, à son retour à Londres, Lascelles mandate Benjamin Vuilliamy (1747-1815) pour monter trois vases Chinois acquis à Paris. En 1815, la Reine Charlotte et le Prince Régent visitent la collection de Harewood et admirent particulièrement la collection d'objets montés. Quant au treizième Duc de Clanricarde (1744-1808), il est issu d'une famille aristocratique irlandaise célèbre pour avoir acheté du mobilier Regency avec un goût avant-gardiste. Sa collection est néanmoins nettement moins documentée que celle de Lascelles. Ces candélabres pourraient être ceux mentionnés dans l'inventaire de Harewood établi en 1892 par la firme Lofts and Warner. lls sont ainsi décrits : A pair of vases of Chinese Porcelain covered with lac burgauté on a black ground decoration representing landscapes with water on ormolu. Bases and rims and loose marble stands. En février 1922, la présente paire de vases en laque burgauté figure dans la collection d'Henry Charles George Lascelles (1882 - 1947) et de sa femme Son Altesse La Princesse Mary (1897- 1965) Comtesse d'Harewood, fille du Roi George V, à Chesterfield House, Mayfair, Londres. Ils ont été photographiés dans le hall ouest vers 1930 par Country Life mais non publiés dans la revue éponyme. En 1948, les vases étaient à Frogmore House, dans le parc de Windsor Castle, propriété de Son Altesse La Princesse Royale, veuve du sixième Comte d'Harewood. Ces importants candélabres passèrent une première fois en vente à Christie's Londres. Ils restèrent alors invendus, les enchères s'arrêtant à 100 guinées. Ils repassèrent en vente en 1965 et furent alors vendus pour 1.155 guinées. Soulignons que les bouquets de lumière de ces candélabres sont à rapprocher de ceux de la paire de candélabres aux fûts en forme de vases Médicis provenant également de Harewood House et apparus sur le marché ces dernières décennies. Ces derniers candélabres furent probablement acquis par Edward, Vicomte Lascelles, pour Harewood House, sur Hanover Square, à Londres. Ces candélabres d'abord été vendus, Christie's House Sales, Harewood House, 3 octobre 1988, lot 23 puis, Christie's Londres, 10 juin 1993, lot 61. Parmi les candélabres surmontés de bouquets de lumière proches de ceux des présents candélabres, citons notamment ceux de la collection du baron Ferdinand de Rothschild et aujourd'hui à Waddesdon Manor (illustrés dans Geoffrey de Bellaigue, The James A. de Rothschild Collection at Waddesdon Manor. Furniture, Clocks and Gilt Bronzes, Vol. II, Office du Livre, 1974, pp. 696-697). Ce type de bouquet de lumière, avec en particulier ces bras qui associent torsades et cannelures, fût très populaire à partir de la fin du XVIIIème siècle. Il est assez difficile de savoir avec certitude si ce modèle doit être attribué à François Rémond ou à Pierre Gouthière. Plusieurs paires de candélabres avec des bouquets comparables, associant torsades et cannelures, sont visibles dans des collections publiques. Citons par exemple la paire de la collection Frick à New York (illustrés dans Hans Ottomeyer et Peter Pröschel, Vergoldete Bronzen. Die Bronzearbeiten des Spätbarock und Klassizismus, Klinkhardt et Biermann, Munich, 1986, p. 237. Le motif de masque ornant la base des poignées des présents vases est un ornement que l'on retrouve sur un certain nombre d'appliques et de bras de montés que l'on rencontre à partir de l'époque Transition. Citons à titre d'exemple, la paire de vases de la collection Meyer (vente Christie's, New York, 26 octobre 2001, lot 90). Le laque burgauté - du nom du coquillage "burgau" - est une technique de décor consistant à insérer dans du laque préparé des petits éléments de nacre teintée et de la poudre de la nacre. Les objets - tels que boîtes, bols, plateaux - en laque burgauté revêtent alors un caractère précieux dû notamment au jeu de reflets de nacre contrastant avec la profondeur du laque en fond. Ce procédé semble avoir été inventé en Chine, sous la dynastie Ming (1368-1644) puis diffusé plus largement - principalement sur de la porcelaine non émaillée - sous la dynastie Qing. Très prisés par les Européens aux XVIIe et XVIIIe siècle, la Chine exportera ses objets à décor de paysages, de scènes de palais ou de jeux. Influencé, le Japon produit également ce type de décor sous la période Edo (1603-1867). A son tour, l'Europe créera d'étonnants objets en papier mâché incrusté de nacre directement inspiré du laque burgauté, comme cette extraordinaire paire de vases montés de bronze doré de la marquise d'Herford probablement livrée par Edward Holmes Baldock avant 1827 (toujours conservée à Temple Newsam) et imitant la porcelaine de la famille noire chinoise (cf. Apollo, Juin 2004, p. 78).