Fernand Léger (1881-1955)
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Fernand Léger (1881-1955)

Composition en noir et jaune

Details
Fernand Léger (1881-1955)
Composition en noir et jaune
signé et daté '42 F.LEGER' (en bas à droite); signé, daté et titré 'composition en noir et jaune F.LEGER.42' (au revers)
huile sur toile
92 x 73.6 cm. (36¼ x 29 in.)
Peint en 1942
Provenance
Valentine Gallery, New York (acquis auprès de l'artiste).
Collection Colin, New York (acquis auprès de celle-ci le 13 février 1945); vente, Christie's, New York, 6 mai 2008, lot 10.
Acquis au cours de cette vente par le propriétaire actuel.
Literature
G. Bauquier, Fernand Léger: Catalogue raisonné de l'oeuvre peint 1938-1943, Paris, 1998, p. 182, no. 1092 (illustré en couleurs, p. 183).
Exhibited
New York, Knoedler and Co., Inc., The Colin Collection: Paintings, Watercolors, Drawings and Sculpture, avril-mai 1960, no. 42 (illustré).
Special Notice
" f " : In addition to the regular Buyer’s premium, a commission of 7% (i.e. 7.49% inclusive of VAT for books, 8.372% inclusive of VAT for the other lots) of the hammer price will be charged to the buyer. It will be refunded to the Buyer upon proof of export of the lot outside the European Union within the legal time limit.(Please refer to section VAT refunds)
Further Details
'Composition in black and yellow'; signed and dated lower right, signed, dated and titled on the reverse; oil on canvas.

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Jeanne Rigal
Jeanne Rigal

Lot Essay




Composition en noir et jaune fait partie d'une série d'oeuvres réalisées entre 1941 et 1942 que Fernand Léger qualifiait de porteuses d'une "nouvelle énergie" en raison de l'utilisation particulière de couleurs vives et de formes très contrastées. Cette série est la réponse visuelle que l'artiste tira de son expérience de l'Amérique, expérience qui captiva au plus haut point son imagination et le poussa à entretenir une relation profonde avec le continent, sa culture et ses idéologies.

Contrairement à ses visites antérieures dans les années 1930 destinées à élargir le nombre de ses mécènes américains et à constituer un réseau de galeries, Léger était un exilé quittant une Europe déchirée par la guerre quand il débarqua à New York en 1940. Ce séjour américain qui allait durer cinq ans dans des conditions bien différentes est celui qui eut le plus de répercussions sur son travail. Bien que résidant toujours à New York, il put, en effet, profiter de la durée de son séjour pour voyager à travers tout le continent, y enseigner et exécuter des commandes destinées à de vastes projets en extérieur. Le fait de se trouver face à l'immensité des étendues sauvages des Etats-Unis fit naître en lui un intérêt nouveau pour la réalité physique du continent américain. Composition en noir et jaune, avec sa palette inhabituelle de jaune, d'ocre et de brun roux, est l'une des oeuvres les plus remarquables de sa série de paysages américains.

La série, qui consiste à concevoir des oeuvres liées par l'utilisation de formes, d'éléments et de dispositifs compositionnels habituels disposés de différentes façons, est l'une des clés de l'art du XXème siècle. La méthodologie de la série permet à l'artiste d'explorer en profondeur l'essence de la forme et de la couleur par la variation. A première vue Composition en noir et jaune ressemble beaucoup au format plus large de La forêt, oeuvre datée de la même année (voir Fig. 1) qui fait partie de la collection du Centre Georges Pompidou à Paris. Les deux toiles présentent une forme centrale sur un fond d'éléments organiques assemblés et juxtaposés selon leur forme, leur couleur et leur densité. Avant de les peindre, Léger avait passé l'été dans le New Hampshire où il avait découvert de vastes forêts peuplées d'immenses arbres endémiques. Étrangement le motif central de La forêt n'est pas un arbre mais plutôt une forme ressemblant à un poteau de bois muni d'une traverse vraisemblablement construite à la main étant donné la précision de ses contours. Le motif principal de Composition en noir et jaune possède une qualité plus organique, pas seulement par sa mise en couleur plus naturelle mais aussi par sa forme; les deux membres sont très représentatifs des branches et les zones d'ombre soigneusement appliquées à coups de pinceau, reproduisent l'effet de l'écorce d'un arbre. L'arbre en tant qu'objet occupe une place particulière dans le corpus visuel de Léger: l'arbre et ses racines est un thème constant qu'il reprendra à intervalles réguliers dans toute son oeuvre de 1930 aux années 1950 (voir Troncs d'arbres, 1931, La Forêt 1936, L'Arbre dans l'échelle, 1943-44). Plus précisément, l'arbre représente une force étonnante de vitalité et de puissance, incarnant le jaillissement de la vie. Sur le pourtour de La Foret et de Composition en noir et jaune on remarque des formes sombres évocatrices de racines, s'étalant jusqu'à leur plus petites ramifications, en quête de vie.

Composition en noir et jaune est construit selon un réseau savant de formes biomorphiques. Les formes organiques sont d'abord apparues dans l'oeuvre de Léger à la fin des années 1920, résultat de son intérêt nouveau pour la nature. Après avoir hérité de la ferme familiale en Normandie il se mit à arpenter la campagne pour y trouver des objets de la nature - cailloux, insectes, feuilles - qui suscitaient sa curiosité. Il les rapportait chez lui pour les utiliser comme des éléments centraux de ses compositions (voir Composition à la feuille, 1926; La Feuille de Houx, 1928; La Branche, 1928). En suivant cette méthodologie Léger expliqua plus tard qu'il adoptait l'habitude qu'ont les paysans français d'utiliser les ressources naturelles à leur disposition. Aux États-Unis, Léger avait trouvé des pratiques rurales à l'opposé de cette façon de faire: les fermes étaient littéralement jonchées de machines à l'abandon et de pièces détachées; dans les forêts les arbres abattus pourrissaient sur place sans que quiconque n'éprouve le besoin de mettre de côté ou d'utiliser ces ressources.

"J'ai été frappé par la différence entre la forêt américaine et celle de Normandie. Chez nous, le bois est précieux et le paysan rassemble toutes les branches, comme il ramasse chaque clou. Dans la forêt américaine les troncs d'arbres pourrissent sur place. Personne ne les utilise." (Fernand Léger: The Later Years, Whitechapel Art Gallery, London, mars 1987-juin 1988, p. 52).
Ce sentiment d'abandon et de rejet est renforcé ici par l'utilisation que l'artiste fait de la forme et de la couleur. La forme jaune centrale, plutôt que d'être décrite de façon isolée et autonome au sein de l'espace, est dévorée par des éléments enchevêtrés, formant ainsi un élément d'un puzzle complexe de pièces entremêlées. La composition a été soigneusement conçue, chaque forme étant placée avec précision pour former un contrepoids adéquat dans ce contexte. Des contours nets contrastent avec les formes arrondies, les formes pesantes sont traversées de vrilles délicates. Ce n'est pas un paysage surréaliste créé par accident, mais au contraire une construction née d'une orchestration réfléchie.
Comme la forme, les couleurs jouent un rôle central dans le langage pictural de Léger. Avec le choix délibéré de la couleur, Léger unifie ces formes contrastées et disparates de la composition.
"J'ai dissocié la couleur du dessin. J'ai libéré la couleur de la forme en la disposant par larges zones sans l'obliger à épouser les contours des objets: elle garde ainsi toute sa force et leur dessin aussi" (Extrait d'un entretien de Fernand Léger par André Warnod, "Amérique is not a Country, it is a World" in Arts, 4 janvier 1964, pp. 1-2).

Les tonalités de Composition en noir et jaune sont syncopées avec soin: le jaune est sur l'ocre qui à son tour donne naissance à une terre d'ombre brûlée et des éclairs de rouge calciné. Le noir des contours et des formes complète la qualité des tons arides de la palette. Le système des couleurs résume l'expérience que Léger a ressenti devant les immensités rudes et désertiques de l'Ouest américain:

"L'un des plus beaux souvenirs de voyage restera mon parcours en car - Texas et Arizona... Dans la fournaise, on criait, on hurlait devant un défilé épique de cactus géants, de rochers, de sable et de puits de pétrole." (C. Lancher, Fernand Léger: American Connections, catalogue d'exposition, The Museum of Modern Art, New York, 1998, p. 53).

Composition en noir et jaune est une image dont la construction naît d'une exploration minutieuse de la forme et de la couleur. A ce titre, c'est un paysage de l'impossible, un paysage qui ne saurait exister en dehors du monde de la peinture. C'est aussi la réponse la plus convaincante que Léger tire de ses expériences personnelles face aux paysages de l'Amérique de l'Ouest si étrangers et si impressionnants pour un regard européen.



Composition en noir et jaune forms part of a series of works Léger executed between 1941 and 1942 and which he characterised as exhibiting a "new energy" due to their distinctive use of bold colour and strongly contrasted forms. The series was Léger's response in visual form to the experience of living in America which had captivated his imagination and led him to develop a profound relationship with the continent, its culture and ideologies. In contrast to his prior visits of the 1930s where his goal had been to develop an American patron base and gallery network, Léger arrived in New York in 1940 as an exile from war-torn Europe. What was to turn in to a five year stay in America, and under these rather different circumstances, would prove by far the most impactful of his American voyages. In particular, although Léger was again based in New York City, the duration of this visit allowed him to travel across the continent to teach and execute commissions for large-scale outdoor projects. Exposure to the vastness of the American wilderness through cross-country travel led the artist to develop a newfound interest in the physicality of the American continent. Composition en noir et jaune, with its signature palette of yellow, ochre and russet, is one of the outstanding works in the American landscape series.
Léger's interest in working in series, that is the conception of related works through the use of stock forms, elements and compositional devices to be arranged in varying combinations, is one of his key contributions to the art of the 20th Century. The methodology of series allows the artist to explore in depth the essence of form and color through variation. At first glance Composition en noir et jaune most closely resembles the larger format La forêt executed the same year (Fig. 1) and now in the collection of the Centre Georges Pompidou, Paris. Both compositions display a central form traversing a background of assembled organic elements which are juxtaposed according to form, color and density. Prior to their execution, Léger had spent the summer in New Hampshire where he encountered vast woodlands populated by enormous rampant trees. Paradoxically, La forêt does not feature a tree as its central motif, but rather a form resembling a wooden post with a cross-strut, most probably man-made given its carefully delineated edges. The central motif in Composition en noir et jaune possesses a more organic quality, not just in its more natural coloring but also its form; the two limbs here are distinctly suggestive of branches and the dark shading, with carefully applied brushstrokes, visually replicates the effect of a tree's bark. Trees as objects occupied a specific place in Léger's visual repertoire: both the tree and the root represented a constantly rewarding theme to which he would return at regular intervals throughout his work of the 1930s-1950s (see Tree Trunks, 1931, The Forest 1936, The Tree in the Ladder, 1943-44). Specifically, the tree represented an incredible force of vitality and strength, embodying a dynamic expression of a surging life force. At the periphery of both La fret and Composition en noir et jaune one finds dark forms indicative of tree roots, spreading out their tendrils, groping for life. Composition en noir et jaune is constructed of a careful array of indefinite biomorphic forms. Organic forms first appeared in Léger's works of the late 1920s as a con4equence of a newfound interest in the natural world. Following his inheritance of the family farm in Normandy he spent time there foraging the land for objects from nature - stones insects, leaves - which appealed to his curiosity. These he would bring home to be used as centerpieces in his compositions (see Composition à la feuille, 1926; La Feuille de Houx, 1928; La Branche, 1928). Through this methodology Léger later identified himself with the French peasant's habitual use of all natural resources at their disposal. What Léger found in his travels across the States however was a country at odds with this concept of land husbandry: farms littered with abandoned machinery and spare parts; forests whose fallen trees rotted where they lay, undisturbed by any human need to accumulate or to put to use: I was struck by the difference between the American Forest and that of Normandy. At home wood is precious and the peasant gathers each branch, like he picks up each nail. In the American forest tree trunks are left to rot. No one uses them. (Fernand Léger: The Later Years, Whitechapel Art Gallery, London, 26 March 1987 - 19 June 1988, p. 52)
This sense of abandonment and waste is heightened in the present work by the artist's use of form and color. The central yellow form, rather than depicted isolated and free to exist within space, has here been consumed by entangling elements, thereby forming a component of a complex puzzle of interlocking parts. The composition has been carefully designed with each shape placed precisely to form the appropriate counterweight within its context. Straight edges contrast with rounded forms, weighty shapes are crisscrossed by fragile tendrils. This is not a surrealist landscape created through mishap, but rather one built up through purposeful orchestration. Just as with form, color plays a central role in Léger's pictorial language. Through the deliberate choice of color Léger unifies these contrasted and disparate compositional forms: "J'ai dissocié la couleur du dessin. J'ai libéré la couleur de la forme en la disposant par larges zones sans l'obliger à épouser les contours des objets: elle garde ainsi toute sa force et leur dessin aussi" (Extract of an interview of Fernand Léger by André Warnod, Amérique is not a country, it is a world, Arts, 4 January 1964, p . 1-2). The color tones in Composition en noir et jaune are carefully synchopated: yellow sits on ochre, which in turn gives way to burnt umber and flashes of seared red. Black edges and forms in the background add to the roasted quality of the palette. The color scheme here is a summation of Léger's experience of the vast ruggedness deserts of the American West: One of the most beautiful memories of travelling will be my bus trip - Texas and ArizonaIn an oven of heat, you would have screamed, yelled before an epic parade of giant cactus, rocks, sand, oil wells.. (C. Lancher, Fernand Léger: American Connections, exh. Cat., the Museum of Modern Art, New York, 1998, pp. 53) Composition en noir et jaune is an image constructed through a pain-staking investigation into form and color, and as such is a landscape of the impossible, one which could not exist outside of the pictorial world. However, it is also Léger's most compelling response his distinct and impactful experiences of the Western American landscape so alien and impressive to his European eyes.

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