ANDY WARHOL (1928-1987)
PROVENANT D'UNE COLLECTION PRIVÉE PARISIENNE
ANDY WARHOL (1928-1987)

Jackie

Details
ANDY WARHOL (1928-1987)
Jackie
signé et daté 'Andy Warhol 64' (sur le revers)
acrylique et encre sérigraphique sur toile
50.8 x 40.6 cm. (20 x 16 in.)
Peint en 1964.
Provenance
Galerie Leo Castelli, New York
Ferus Gallery, Los Angeles
Acquis auprès de celle-ci par le propriétaire actuel
Literature
G. Frei et N. Printz, The Andy Warhol Catalogue Raisonné, Paintings and Sculptures 1964-1969, Volume 02A, No. 1154, p. 216 (illustré en couleurs p. 207).
Further Details
'JACKIE'; SIGNED AND DATED ON THE OVERLAP; ACRYLIC AND SILKSCREEN ON CANVAS.

Brought to you by

Valentine Legris
Valentine Legris

Lot Essay

Dans les années 1960, Andy Warhol se mit à décrire la mort et la violence avec distanciation, comme si l'artiste exploitait le filon d'une apathie singulière caractéristique du public moderne face à la tragédie et la mort. Il dupliqua les collisions de voitures de façon abstraite, condensa les unes accrocheuses des journaux en simples légendes de comic strips comme si elles étaient des sérigraphies et non plus des titres de journaux. Le 22 novembre 1963, tout cela bascula lorsqu'à Dallas des tirs mortels ébranlèrent le monde. L'assassinat du Président John F. Kennedy sembla signer la mort de l'idéalisme, de l'espérance, et annoncer la lente émergence dans le monde d'un désespoir et d'un cynisme nouveaux. Immédiatement après l'effroyable assassinat Warhol sélectionna avec soin huit photographies de ce tragique meurtre parues dans la presse et les utilisa dans sa série Jackie. En 1964, Warhol exécuta une série de portraits saisissants de la First Lady désormais veuve, avant et après les tirs assassins.

Dans cette oeuvre, Warhol dépeint le sombre portrait de la First Lady, inondé d'un bleu céruléen étincelant. L'image dont Warhol a fait un portrait montre Jackie Kennedy lors des funrailles du Président. Les images des funérailles saturrent les médias pendant des jours et des jours. Warhol, fasciné par le traitement médiatique, saisit en elles la folie et l'exigence de chagrin national et international qui s'ensuivit. Des amis évoquèrent sa fascination pour le cirque médiatique organisé autour de l'évènement, quand il regardait tous les programmes qu'il pouvait à la télévision, et qu'en très peu de temps il conçut la série Jackie et The Week That Was.

Avec Jackie, Warhol adapta la formule qu'il avait expérimentée et testée avec la Campbell's Soup et le Coca-Cola, à savoir utiliser une célébrité mais, dans ce cas précis, une célé brité dont l'image fût porteuse d'une force émotionnelle sans précédent. La veuve iconique du Président attirait la compassion de millions de personnes, alors que les autres sujets qu'il avait décrits n'étaient que des pinups prenant la pose. Bien que rappelant des oeuvres antérieures, Jackie associe dans une fusion complexe émotion et image, Pop et popularité. Très proche de sa série Death and Disaster, le portrait de Jackie par Warhol synthétise l'éclairage omniprésent qui inonde une célébrité plongée dans une tragédie personnelle.

Warhol s'immergea à l'évidence dans ce thème, et en observant ses différentes façons de traiter la mort avant et après l'assassinat de JFK, on peut avancer qu'il est présent dans toute sa production liée la mort. Après ses oeuvres sur Jackie Kennedy, Warhol pré senta la mort comme quelque chose d'admis, de non explicite ; il décrivit des explosions atomiques et des chaises électriques, autant d'oeuvres qui suggèrent plus qu'elles ne présentent. Dans un sens, ses portraits de Marilyn Monroe avaient déjà montré le chemin mais ils étaient trop explicites, car Marilyn était morte, et très célèbre lorsqu'il entreprit d'en faire des images ; même le décès d'Elizabeth Taylor semblait imminent quand il se lança dans sa série Liz.

Warhol rend l'expérience de la représentation de Jackie d'autant plus intense que son visage, laissé clair en comparaison avec l'arrière-plan, occupe la plus grande partie de la toile. Comme des icônes orthodoxes, son visage de Madone recouvre chaque zone. L'image de Warhol est ainsi remplie de tristesse, dans une exploration méditative de la douleur. Cela est accentué par le choix du bleu comme couleur principale de Jackie, couleur d'emblée froide mais captivante. Ce n'est pas un hasard si le bleu est par tradition la couleur de la Madone dans la peinture de la Renaissance. Qu'elle soit vêtue de rouge, représentant la terre, ou de bleu, représentant le ciel - la Madone est un lien fort entre le Ciel et la Terre. Bien qu'il ait créé plusieurs variations de couleurs différentes, ses représentations de Jackie en bleu sont sans conteste les plus réussies.

De son oeuvre, Warhol a déclaré 'Je me suis aperçu que tout ce que je faisais devait tourner autour de la mort... Mais quand vous voyez une image violente sans arrêt elle ne fait plus vraiment aucun effet'. (Warhol, cité in Andy Warhol Death and Disasters, cat. expo, Houston 1988, p. 19). La répétition à l'envi de cette image, et d'autres similaires, émoussait la douleur de la mort pour le public. Chaque titre sensationnel, chaque une de journal ou couverture accablante et spectaculaire de mort et de catastrophe aidaient à insensibiliser les lecteurs et les spectateurs, procédé qui connaît son paroxysme aujourd'hui avec les chaînes d'information en continu couvrant les conflits dans des contrées lointaines. Dans une certaine mesure, l'éblouissante Gold Jackie est une image de luxe et d'élégance qui réduit la mort au statut de décoration, renvoyant l'ambivalence exacerbée du monde moderne sur ces questions. En se concentrant dans cette oeuvre sur les traits poignants et touchants de Jackie Kennedy et en la présentant sur un fond saturé de bleu évocateur des anciennes peintures religieuses, Warhol a cré pour le monde moderne une pietà fascinante et qui suscite la réflexion.


During the early 1960s, Andy Warhol's depictions of death and violence were marked by a sense of distance, as though the artist had tapped into the vein of distinct apathy that seemed to characterize the modern public's understanding of tragedy and death. Car crashes were presented repeating themselves into abstraction, dramatic headlines becoming mere comic-strip captions as they were presented in silkscreens, not in newspapers. On 22 November 1963, all this changed when, in Dallas, a shot rocked the world. The assassination of President John F. Kennedy appeared to represent a death of idealism, a death of hope, and heralded a new slowly emerging despair and cynicism in the world. Immediately following the shocking assassination Warhol handpicked eight photographs from the mass media coverage of his tragic murder to use in his Jackie series. In 1964, Warhol executed a series of striking portraits depicting the widowed First Lady, both before and after the fateful shot.

In the present work, Warhol depicts a somber portrait of the First Lady, awash in a bright vivid cerulean blue. The image Warhol portrayed of this particular work shows the First Lady during President Kennedy's funeral. The images from the funeral would saturate the media for days and days after the president's funeral. Warhol soon seized upon them, fascinated by the media process, the frenzy and the demand for national and international grief that ensued. Friends recalled his being fascinated by the media circus around the event, watching all the programs he could on television, and within a very short time conceiving the Jackie series and The Week That Was.

With Jackie, Warhol adapted the formula he had already tried and tested on Campbell's Soup and Coca-Cola to use on a celebrity, but in this case one whose image had unprecedented emotional strength. The president's glamorous widow had the intense sympathies of millions, whereas the other characters he had depicted were posturing pinups. While reminiscent of his earlier works, Jackie creates a complex fusion between emotion and image, between Pop and popularity. Standing on the brink of his "Death and Disaster" series, Warhol's portrait of Jackie encapsulates the pervasive glare of celebrity in the midst of personal tragedy.

The theme clearly involved Warhol, and by looking at the different treatments of death he created before and after JFK's assassination, one could argue that it affected his entire output relating to death. After his Jackie works, Warhol presented death as something understood, not explicit, by portraying atomic explosions and electric chairs, implying more than presentating. In a sense his portraits of Marilyn Monroe had already done this. However, they too were more explicit, as Marilyn was dead, and famously so, when Warhol began his images of her and indeed even Elizabeth Taylor's demise was considered imminent when he created his Liz series.

Warhol makes the experience of viewing Jackie more intense by allowing her face, left bright in comparison with the backgrounds, to occupy the large part of the canvas. Like some Orthodox icons, her almost Madonna-like face occupies the large part of each area. Warhol's picture is thereby filled with her sorrow, a meditative exploration of grief. This is emphasized by Warhol's choice of blue as the main color in Jackie, at once cold yet absorbing. It is also no coincidence that blue is traditionally the color of Madonna in Renaissance painting, where he gown was red, representing the earth, and her robe was blue, indicating the heavens--Madonna thus representing a poignant link between Heaven and Earth. Although he created several variations in different colors, his blue Jackie works are arguably the most successful.

About his work, Warhol said that he 'realized that everything I was doing must have been Death... But when you see a gruesome picture over and over again, it doesn't really have any effect' (Warhol, quoted in Andy Warhol Death and Disasters, exh. cat., Houston, 1988, p. 19). The fact that this image, and others like it, were so endemic dulled the sting of death for the public. Each sensational headline, every shocking and dramatic headline and front cover photo of death and disaster, was helping to numb readers and viewers, a process that has culminated in the present day world of 24 hour television coverage of conflicts in far flung lands. To an extent, then, the shining Gold Jackie is a ritzy, stylish image that reduces death to the status of decoration, echoing the increasing ambivalence of the modern world to such matters. However, by focusing on the poignant, engaging features of Jackie Kennedy in this picture and presenting it her against a saturated blue background that recalls old religious paintings, Warhol has created an absorbing and thought-provoking pietà for the modern world.

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