JEAN DUBUFFET (1901-1985)
COLLECTION RODOLPHE STADLER, PARIS
JEAN DUBUFFET (1901-1985)

Michel Tapié, petit théâtre de rides

Details
JEAN DUBUFFET (1901-1985)
Michel Tapié, petit théâtre de rides
signé et daté 'J. Dubuffet 46' (en bas à droite); titré 'MICHEL TAPIÉ' (dans le quart inférieur droit)
fusain et gouache sur papier
41 x 32.5 cm. (16 1/8 x 12¾ in.)
Réalisé en 1946.
Provenance
Ancienne collection Michel Tapié, Paris
Literature
D. Cordier, Les dessins de Jean Dubuffet, Paris, 1960, No. 32 (illustré, non paginé).
D. Cordier, The drawings of Jean Dubuffet, New York, 1960, No. 32 (illustré, non paginé).
A. Franzke, Dubuffet Zeichnungen, Munich, 1980 (illustré p. 49). M. Paquet, Dubuffet, Paris, 1993, No.54 (illustré p. 54).
J.-M. Tasset, "Michel Tapié le jardinier exultant", Le Figaro, 26 avril 1994 (illustré).
M. Loreau, Catalogue des travaux de Jean Dubuffet, fascicule III: Plus beaux qu'ils croient (portraits), Paris, 2003, No. 24 (illustré p. 24).
Exhibited
Paris, Galerie René Drouin, Portraits à ressemblance extraite, à ressemblance cuite et confite dans la mémoire, à ressemblance éclatée dans la mémoire de M. Jean Dubuffet, peintre, octobre 1947, No. 40.
Paris, Galerie Berggruen, Les dessins de Jean Dubuffet, octobre-novembre 1960.
Paris, Musée des Arts Décoratifs, Jean Dubuffet 1942-1960, décembre 1960-février 1961, No. 239, pl. 113 (illustré au catalogue d'exposition p. 354).
Paris, Galerie Artcurial, UN ART AUTRE/UN AUTRE ART, avril-juillet 1984, No. 36 (illustré au catalogue d'exposition p. 8).
Vence, Château de Villeneuve, Chambres pour Dubuffet, juillet-octobre 1995, No. 3 (illustré en couleurs p. 42).
Paris, Galerie Artcurial, Quelque chose de très mystérieux - Intuitions esthétiques de Michel Tapié, mars-mai 1994 (illustré au catalogue d'exposition, non paginé).
Amiens, Musée de Picardie; Périgueux, Espace Culturel François Mitterrand, Hommages: hommes illustres, héros et hommes du commun, mars-septembre 1997 (illustré en couleurs au catalogue d'exposition p. 33).
Villeneuve d'Ascq, Musée d'Art Moderne Lille Métropole, Dubuffet et l'Art brut, octobre 2005-janvier 2006.
Séoul, National Museum of Art Deoksugung, Jean Dubuffet 1901-1985: rétrospective, novembre 2006-janvier 2007 (illustré en couleurs au catalogue d'exposition p. 76).
Munich, Kunsthalle der Hypo-Kulturstiftung, Jean Dubuffet, ein Leben im Laufschritt - Retrospektive, juin-septembre 2009, No. 35 (illustré en couleurs au catalogue d'exposition p. 34).
Further Details
'MICHEL TAPIÉ, PETIT THÉÂTRE DE RIDES'; SIGNED AND DATED LOWER RIGHT, TITLED IN THE LOWER LEFT QUADRANT; CHARCOAL AND GOUACHE ON PAPER.

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Valentine Legris
Valentine Legris

Lot Essay

Si Jean Dubuffet n'a jamais été à proprement parler un artiste de la galerie Rodolphe Stadler, ce Michel Tapié, petit théâtre de rides n'en est pas moins une des oeuvres les plus emblématiques de la collection du marchand. Il s'attache à ce portrait une double histoire d'amitié, celle d'une part de l'artiste et son modèle, et celle d'autre part du galeriste et de son conseiller artistique, Michel Tapié. Ce dernier a fait la connaissance de Jean Dubuffet en 1945 et, rapidement conduits par leurs goûts communs pour la musique et la peinture, les deux hommes se lient d'amitié, le critique signant la plupart des préfaces des expositions de Jean Dubuffet chez René Drouin.

La rencontre entre Michel Tapié et Rodolphe Stadler fut décisive car elle permit au galeriste de donner une ligne esthétique et une identité propre à sa programmation. Les deux hommes se complètent parfaitement dans cette activité et ce portrait de Michel Tapié - conservé toute sa vie par Rodolphe Stadler en souvenir de cette collaboration - rappelle à quel point Michel Tapié fut un personnage hors normes dans le paysage artistique parisien de ces années-là: 'En soi, son histoire personnelle était déjà un roman épique: petit neveu de Toulouse-Lautrec, élevé chez les Jésuites, il avait commencé par dilapider sa fortune personnelle dans une usine de traitement d'algues marines, puis il s'était tourné vers le vitrail et la sculpture dans l'atelier de Amédée Ozenfant avant de s'investir totalement dans la défense de la modernité en peinture sans cesser de s'intéresser de très près à la musique, ni de jouer de la contrebasse. Lorsque nous nous rencontrons, il est clair, pour l'un comme l'autre, qu'une aventure commune débute.'
(Rodolphe Stadler in Galerie Stadler: 30 ans de rencontres, de recherches, de partis pris 1955-1985, Paris, 1985, p. 7)



Rodolphe Stadler,
gentleman galeriste

Lorsqu'il ouvre sa galerie du 51 de la rue de Seine, le 7 octobre 1955, Rodolphe Stadler ne se doute pas qu'il engage un long dialogue de plus de quarante années avec une bonne partie de la création et de l'histoire de l'art de la deuxième moitié du XXème siècle.

Il s'affiche d'emblée comme un véritable, un inlassable découvreur dans un panorama où rares sont les musées d'art moderne dynamiques, et encore inexistants les centres d'art contemporains. Il ne s'offusque pas du déplacement du marché de l'art de Paris vers New York et reste attentif aux développements des mouvements qui s'imposent, peu à peu, face à l'École dite de Paris, tant en Europe qu'aux Etats-Unis ou au Japon: Art Informel, Tachisme, Action Painting, Expressionnismes abstrait, lyrique ou gestuels

Mais, plus que les tendances ou la recherche délibérée de 'la nouveauté considérée en soi comme une valeur absolue', c'est la quête d'indéniables personnalités, la révélation de talents encore inconnus qui mobilise Rodolphe Stadler. Ses expositions de la rue de Seine seront toujours plus prospectives que rétrospectives.

Pour ce faire, il s'appuiera, de 1955 à 1970, sur les talents de Michel Tapié (son portrait par Jean Dubuffet dans cette vente est parfaitement emblématique de leur amitié), personnalité reconnue des milieux artistiques internationaux, avec lequel il partage le goût des aventures individuelles, des expériences émotionnelles, ainsi qu'un fort intérêt pour la nouveauté des cheminements les plus inattendus, dans la liberté des engagements et des choix revendiqués: en témoigne la longue liste des expositions de la Galerie, six à huit par an quarante quatre ans durant ! C'est sur ces bases que le 51 rue de Seine s'impose comme une galerie de recherche et non comme une simple galerie d'actualité, sans concession aucune aux compromis des temps et des modes.

'Mon rôle, confie-t-il, n'était pas d'accueillir des peintres ayant déjà fait leurs preuves. Pour les plus connus je me voyais encore moins dans le rôle d'un imprésario. C'est peut-être une (in)suffisance personnelle, mais j'aime découvrir les choses par moi-même et les imposer, même si cela doit prendre du temps'. Ainsi en fût-il de la reconnaissance des artistes du groupe Gutai, ainsi en est-il des peintres de la deuxième génération des expressionnistes abstraits (Budd ou Bluhm) et encore aujourd'hui des acteurs de l'Art Corporel, si appréciés dans les années 70, très bien représentés dans les collections des Fracs et des Musées (Lüthi, Rainer, Gina Pane) , moins bien chez les collectionneurs privés.

Très lié aux artistes qu'il estimait et défendait, Rodolphe portait une attention pertinente au devenir des tableaux qu'il vendait, l'intelligence du choix de l'acquéreur qu'il savait conseiller et qu'il engageait, ainsi, dans une sorte de responsabilité quasi historique. Il aimait partager ses goûts et ses choix. Rappelons-les à l'occasion de cette manifestation qui fait honneur à ses partis pris: sensibilité à la matière et à la texture de la toile, qui emporte sa totale adhésion lorsqu'elle est soutenue par une structure, ce qui lui permet d'accrocher côte à côte Kline et Shiraga, Mathieu, Tàpies et Saura, et, dès 1963, au mépris du conflit réducteur abstraction figuration, Pollock, Jorn, Dubuffet, Fautrier, Appel, Burri, Bryen, Tobey, Sam Francis, Mathieu, Riopelle, Fontana, Leslie, Goldberg et Capogrossi. Enfin, plus visuel que critique ou théoricien, Rodolphe n'aimait guère que l'idée prenne trop manifestement le pas sur la peinture et ses contenus, ce qui l'éloignera des oeuvres de Tàpies qui incrustent 'sciemment' des objets dans la toile, et, plus que tout, de la froide abstraction.

J'ai rencontré Rodolphe Stadler au milieu des années 70, alors que j'étais conservateur du Musée de l'Annonciade à Saint-Tropez, où il passait ses vacances d'été. J'ai bien sûr beaucoup fréquenté sa galerie de la rue de Seine. Comme beaucoup, j'ai été séduit par son élégance, par son charme et sa distinction naturelle. Il m'a fait le cadeau de son amitié. J'ai peu à peu compris que, fort de ses qualités humaines et professionnelles, cet homme discret, réfléchi, clairvoyant, avisé et décidé, avait joué un rôle fondamental dans les développements historiques et les trajectoires de la création durant la deuxième moitié du XXème siècle.

Alain Mousseigne
Fondateur et directeur, Conservateur en chef des Abattoirs, Musée d'art moderne et contemporain de Toulouse de 1995 à 2012


Les citations de Rodolphe Stadler sont extraites de son entretien avec Marcel Cohen dans le catalogue de l'exposition 30 ans de rencontres, de recherches, de partis pris, 1955-1985, Paris, Galerie Stadler, 1985.



When he opened his gallery at 51 Rue de Seine on 7 October 1955, Rodolphe Stadler was unaware he would enter into a long dialogue lasting more than forty-four years with a significant proportion of the artists and art history of the latter half of the 20th century.

He immediately established himself as a genuine and tireless talent scout at a time when dynamic modern art museums were rare and contemporary art centres did not yet exist. He remained undaunted when the modern art market moved from Paris to New York and continued to track the movements which sprang up to rival the School of Paris, both in Europe, the United States and Japan: Informal Art, Tachism, Action Painting, Abstract Expressionism, Lyrical Abstraction, Gestural Abstraction, etc.

More than following trends, however, or searching for 'novelty considered as an absolute value in its own right', Rodolphe Stadler was driven by the search for imposing personalities and the discovery of unknown talent. His exhibitions Rue de Seine were always more forward-looking than retrospective.

To help him achieve this, from 1957 to 1970 he employed the talents of Michel Tapié - whose portrait by Jean Dubuffet (featured in this sale) perfectly illustrates their friendship - a well-known figure in international art circles. The pair shared a passion for individual adventure, emotional experience, as well as a deep interest in the novelty of unexplored paths and the freedom to make commitments and choices, as demonstrated by the long list of exhibitions hosted by the gallery - six to eight a year each year for forty-four years! This is what made 51 Rue de Seine a gallery revealing new artists rather than simply exhibiting them, without any concession or compromise to times and fashions.

'My role' he said 'was not to exhibit painters who had already proved themselves. I saw myself even less in the role of impresario for the better known. It may be (overly) conceited, but I like discovering things for myself and introducing them, even if it takes time.' That is certainly true of recognition of the Gutaï group, as well as the painters in the second generation of Abstract Expressionists (Budd and Bluhm) and even today of Body Art, which was so popular in the 1970s and is well represented in the collections of regional contemporary art funds and museums (Lüthi, Rainer, Gina Pane, etc.), but less so in private collections.

Rodolphe has close links with the artists he admired and promoted and paid special attention to what became of the paintings he sold and to understanding the choices of the purchasers he advised and on whom he thereby bestowed a sort of quasi-historic responsibility. He liked sharing his taste and his choices. We should remember them at this event which pays tribute to his preferences: sensitivity to the materials and textures of the work, to which he gave his total commitment when it was supported by a structure, allowing him to hang side by side works by Kline and Shiraga, Mathieu, Tàpies and Saura and, from 1963 - rejecting the reductive conflict between abstraction and figuration - Pollock, Jorn, Dubuffet, Fautrier, Appel, Burri, Bryen, Tobey, Sam Francis, Mathieu, Riopelle, Fontana, Leslie, Goldberg and Capogrossi. Finally, being more visual than critical or philosophical, Rodolphe was not fond of ideas too clearly taking over from the painting and its contents, which distanced him from the work of Tàpies, who 'consciously' planted objects in his paintings, and, above all, cold abstraction.

I met Rodolphe Stadler in the mid-1970s, when I was curator of the Musée de l'Annonciade in Saint-Tropez, where he spent his summer holidays. Of course, I often visited his gallery in the Rue de Seine. I was attracted, as were many people, by his elegance, his charm and his natural distinction. He honoured me with his friendship. I gradually came to understand that the professional and human qualities of this discreet, considered, prescient, shrewd and determined man had allowed him to play a fundamental role in the historic developments and directions taken by art in the second half of the XXth century.

Alain Mousseigne


The quotations by Rodolphe Stadler are taken from his interview with Marcel Cohen in the catalogue 30 Ans de Rencontres, de Recherches, de Partis Pris, 1955-1985 Paris, Galerie Stadler, 1985


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