Lot Essay
Cette oeuvre est enregistrée dans les archives de la galerie Jean Fournier sous le No. CF.3.1.1.
Exposée lors de la rétrospective que le Centre Pompidou consacrait cette année à Simon Hantaï - la première depuis celle de 1976 au Musée National d'Art Moderne - Étude est issue d'une série d'oeuvres commencées en 1968 et présentées pour la première fois chez Jean Fournier en juin 1969. Oeuvre monumentale, offrant au spectateur la vision fragmentée d'un bleu tranchant et d'un blanc vif, elle est emblématique des recherches menées par l'artiste depuis le tournant des années 1960 autour du pliage.
Simon Hantaï définissait lui-même le pliage comme une méthode: non pas une technique artistique, impliquant une maîtrise des moyens utilisés et un champs de compétences ayant fait l'objet d'un apprentissage préalable, mais davantage un procédé, un protocole d'actions successives sans contrôle sur le résultat qu'il engendrera. 'Matisse disait aux peintres: 'Coupez-vous la langue!' Moi j'ajoute: 'Crevez-vous les yeux!' (Hantaï cité in Simon Hantaï, catalogue d'exposition, Centre Pompidou, mai-septembre 2013, p. 11). En optant pour le pliage, Hantaï s'est choisi une méthode aveugle, produisant un résultat nécessairement imprévisible, où le hasard seul régit la répartition des formes et des couleurs sur la toile.
Le pliage s'inscrit en cela dans la prolongation de l'écriture automatique des Surréalistes, dont Hantaï fut l'un des compagnons de route dans les années 1950, après sa première exposition à l'Étoile Scellée organisée par André Breton en 1953. Même si elles empruntent l'une et l'autre des canaux différents, ces deux méthodes cherchent en effet à s'affranchir de la subjectivité et de la volonté de contrôle de l'artiste. Avec le pliage, les seules décisions prises sciemment par l'artiste se cantonnent au choix des matériaux: dimensions de la toile et couleurs utilisées. Le reste s'exécute sans dessin préconçu: l'artiste plie, tord, noue, peint, déplie et aplatit sa toile, puis accepte ou rejette le résultat.
Ce faisant, Hantaï opère une remise en cause radicale de ce que doit être la peinture et de la place que doit occuper l'artiste, à l'heure où le Pop Art connaît son apogée et où émerge la Nouvelle Figuration en Europe. En s'effaçant derrière l'oeuvre, l'artiste renonce à tout forme d'esthétisme, s'abandonne à un geste pauvre et primitif qui renoue avec les origines mêmes de la peinture: chez Hantaï, 'peindre, c'est étaler la couleur, uniment.' (François Mathey, préface du catalogue de l'exposition Hantaï, New York, Pierre Matisse Gallery, août 1970).
La série des Études est probablement celle qui pousse le plus loin cette entreprise de retrait de la figure de l'artiste derrière son eouvre. En effet, à la différence des Mariales, les Études sont dépourvues du moindre effet de texture (coups de pinceaux, épaisseurs liées au pliage), empêchant dès lors le spectateur de saisir complètement leur processus de fabrication. La déclinaison strictement monochrome des Études - bleues, noires, rouges, jaunes, violettes, vertes - ajoute au vertige: 'On est interdit. Il semble qu'il veuille que ça ait l'air fait par personne' souligne Dominique Fourcade (Simon Hantaï, catalogue d'exposition, op. cit., p. 160). Et contrairement à la série des Meuns, qui précède celle des Études, l'oeil n'est plus ici en mesure de distinguer le moindre plan (formes arrondies peintes au centre et réserves sur les marges aves les Meuns): recouvrant l'intégralité de la toile et constituant un tout uniforme où les zones peintes et non-peintes s'équilibrent de façon équivalente, la peinture échappe à la rigidité classique du tableau enfermé dans son cadre.
Égaré, aveuglé à son tour comme le fut l'artiste en réalisant l'oeuvre, le spectateur d'Étude est contraint finalement lui aussi de s'abandonner à la vibration du tableau et à cette alternance ciselée du bleu profond (comme un écho lointain aux papiers découpé de Matisse, référence récurrente chez Hantaï) et du blanc immaculé. 'Couleur pure, fond blanc et de nouveau le vaste espace pollockien retrouvé - le all over qui remplit la toile à ras bord. Aiguës, déchiquetées, les formes retrouvent un peu celles des mariales et des milliers d'oiseaux blancs semblent battre des ailes dans l'atelier soudain trop petit.' (Geneviève Bennefoi, Hantaï, Beaulieu-en-Rouergue, 1973, pp. 19-20).
Exhibited at the retrospective dedicated to Simon Hantaï at the Pompidou Centre this year - the first since that of 1976 at the Museum National d'Art Moderne - Étude is part of a series of works started in 1968 and presented for the first time by Jean Fournier in June 1969. A monumental work, offering the spectator the fragmented vision of a sharp blue and bright white, it is emblematic of the artist's research, begun in the early 1960s, into pliage (folding).
Simon Hantaï defined pliage as a method. Not an artistic technique, implying a mastery of the materials used and expertise developed through an initial apprenticeship, but more a procedure, a series of successive actions with no control over the end result. "Matisse told painters: 'Cut off your tongue!' I add: 'Gouge out your eyes!'" (Hantaï quoted in Simon Hantaï, exhibition catalogue, Pompidou Centre, May-September 2013, p. 11). By opting for pliage, Hantaï chose a "blind" method, producing a necessarily unforeseeable result, in which chance alone would decide the distribution of shapes and colours on the canvas.
In this sense, pliage is an extension of the automatic writing practiced by the Surrealists, with whom Hantaï was a fellow traveller during the 1950s, after his first exhibition at André Breton's Étoile Scellée in 1953. Although they followed different paths, these two methods both sought to break free of subjectivity and the artist's desire for control. With pliage, the only decisions consciously taken by the artist are limited to the choice of materials: the dimensions of the canvas and the colours used. The rest occurs without any preconceived plan. The artist folds, twists, ties, paints, unfolds and flattens the canvas, then accepts or rejects the result.
In so doing, Hantaï generates a radical questioning of what painting should be and the role played by the artist, at a time when Pop Art was at its height and New Figuration was emerging in Europe. By concealing himself behind the work, the artist renounces any form of aestheticism and abandons himself to a pure and primitive action, evoking the very origins of painting. For Hantaï, "painting means spreading the colour, nothing more."(Franois Mathey, foreword to the exhibition catalogue, Hantaï, New York, Pierre Matisse Gallery, August 1970).
The Études series probably represents the most advanced exploration of this withdrawal of the figure of the artist behind his work. Unlike Mariales, Études are without any textural effects (brushstrokes or thicknesses resulting from pliage), preventing the spectator from fully understanding how they were produced. The strictly monochrome rendering of Études - blues, blacks, reds, yellows, purples and greens - adds to the disorientation: "We are forbidden. It seems he wants it to appear as if it were made by nobody," emphasises Dominique Fourcade (Simon Hantaï, exhibition catalogue, op. cit., p. 160). And unlike the Meuns series preceding Études, here the eye is no longer able to distinguish any perspective (rounded shapes painted in the centre and blank areas at the edges in Meuns). The painting, covering the entire canvas and presenting a uniform whole in which painted and non-painted areas are balanced equally, escapes from the traditional rigidity of the canvas enclosed in its frame.
Disorientated and blinded in turn, as the artist was when producing the work, the spectator of Étude is finally also forced to give in to the emotion of the painting and this sharp alternation between deep blue (like a distant echo of the Matisse's paper cut-outs, a recurring reference with Hantaï) and immaculate white. "Pure colour, white background and again the return of the vast Pollockian space - the 'all over' which fills the canvas to overflowing. The sharp, torn apart shapes are reminiscent of those in Mariales and thousands of white birds seem to be beating their wings in the studio, which is suddenly too small." (Geneviève Bonnefoi, Hantaï, Beaulieu-en-Rouergue, 1973, pp. 19-20)."
Exposée lors de la rétrospective que le Centre Pompidou consacrait cette année à Simon Hantaï - la première depuis celle de 1976 au Musée National d'Art Moderne - Étude est issue d'une série d'oeuvres commencées en 1968 et présentées pour la première fois chez Jean Fournier en juin 1969. Oeuvre monumentale, offrant au spectateur la vision fragmentée d'un bleu tranchant et d'un blanc vif, elle est emblématique des recherches menées par l'artiste depuis le tournant des années 1960 autour du pliage.
Simon Hantaï définissait lui-même le pliage comme une méthode: non pas une technique artistique, impliquant une maîtrise des moyens utilisés et un champs de compétences ayant fait l'objet d'un apprentissage préalable, mais davantage un procédé, un protocole d'actions successives sans contrôle sur le résultat qu'il engendrera. 'Matisse disait aux peintres: 'Coupez-vous la langue!' Moi j'ajoute: 'Crevez-vous les yeux!' (Hantaï cité in Simon Hantaï, catalogue d'exposition, Centre Pompidou, mai-septembre 2013, p. 11). En optant pour le pliage, Hantaï s'est choisi une méthode aveugle, produisant un résultat nécessairement imprévisible, où le hasard seul régit la répartition des formes et des couleurs sur la toile.
Le pliage s'inscrit en cela dans la prolongation de l'écriture automatique des Surréalistes, dont Hantaï fut l'un des compagnons de route dans les années 1950, après sa première exposition à l'Étoile Scellée organisée par André Breton en 1953. Même si elles empruntent l'une et l'autre des canaux différents, ces deux méthodes cherchent en effet à s'affranchir de la subjectivité et de la volonté de contrôle de l'artiste. Avec le pliage, les seules décisions prises sciemment par l'artiste se cantonnent au choix des matériaux: dimensions de la toile et couleurs utilisées. Le reste s'exécute sans dessin préconçu: l'artiste plie, tord, noue, peint, déplie et aplatit sa toile, puis accepte ou rejette le résultat.
Ce faisant, Hantaï opère une remise en cause radicale de ce que doit être la peinture et de la place que doit occuper l'artiste, à l'heure où le Pop Art connaît son apogée et où émerge la Nouvelle Figuration en Europe. En s'effaçant derrière l'oeuvre, l'artiste renonce à tout forme d'esthétisme, s'abandonne à un geste pauvre et primitif qui renoue avec les origines mêmes de la peinture: chez Hantaï, 'peindre, c'est étaler la couleur, uniment.' (François Mathey, préface du catalogue de l'exposition Hantaï, New York, Pierre Matisse Gallery, août 1970).
La série des Études est probablement celle qui pousse le plus loin cette entreprise de retrait de la figure de l'artiste derrière son eouvre. En effet, à la différence des Mariales, les Études sont dépourvues du moindre effet de texture (coups de pinceaux, épaisseurs liées au pliage), empêchant dès lors le spectateur de saisir complètement leur processus de fabrication. La déclinaison strictement monochrome des Études - bleues, noires, rouges, jaunes, violettes, vertes - ajoute au vertige: 'On est interdit. Il semble qu'il veuille que ça ait l'air fait par personne' souligne Dominique Fourcade (Simon Hantaï, catalogue d'exposition, op. cit., p. 160). Et contrairement à la série des Meuns, qui précède celle des Études, l'oeil n'est plus ici en mesure de distinguer le moindre plan (formes arrondies peintes au centre et réserves sur les marges aves les Meuns): recouvrant l'intégralité de la toile et constituant un tout uniforme où les zones peintes et non-peintes s'équilibrent de façon équivalente, la peinture échappe à la rigidité classique du tableau enfermé dans son cadre.
Égaré, aveuglé à son tour comme le fut l'artiste en réalisant l'oeuvre, le spectateur d'Étude est contraint finalement lui aussi de s'abandonner à la vibration du tableau et à cette alternance ciselée du bleu profond (comme un écho lointain aux papiers découpé de Matisse, référence récurrente chez Hantaï) et du blanc immaculé. 'Couleur pure, fond blanc et de nouveau le vaste espace pollockien retrouvé - le all over qui remplit la toile à ras bord. Aiguës, déchiquetées, les formes retrouvent un peu celles des mariales et des milliers d'oiseaux blancs semblent battre des ailes dans l'atelier soudain trop petit.' (Geneviève Bennefoi, Hantaï, Beaulieu-en-Rouergue, 1973, pp. 19-20).
Exhibited at the retrospective dedicated to Simon Hantaï at the Pompidou Centre this year - the first since that of 1976 at the Museum National d'Art Moderne - Étude is part of a series of works started in 1968 and presented for the first time by Jean Fournier in June 1969. A monumental work, offering the spectator the fragmented vision of a sharp blue and bright white, it is emblematic of the artist's research, begun in the early 1960s, into pliage (folding).
Simon Hantaï defined pliage as a method. Not an artistic technique, implying a mastery of the materials used and expertise developed through an initial apprenticeship, but more a procedure, a series of successive actions with no control over the end result. "Matisse told painters: 'Cut off your tongue!' I add: 'Gouge out your eyes!'" (Hantaï quoted in Simon Hantaï, exhibition catalogue, Pompidou Centre, May-September 2013, p. 11). By opting for pliage, Hantaï chose a "blind" method, producing a necessarily unforeseeable result, in which chance alone would decide the distribution of shapes and colours on the canvas.
In this sense, pliage is an extension of the automatic writing practiced by the Surrealists, with whom Hantaï was a fellow traveller during the 1950s, after his first exhibition at André Breton's Étoile Scellée in 1953. Although they followed different paths, these two methods both sought to break free of subjectivity and the artist's desire for control. With pliage, the only decisions consciously taken by the artist are limited to the choice of materials: the dimensions of the canvas and the colours used. The rest occurs without any preconceived plan. The artist folds, twists, ties, paints, unfolds and flattens the canvas, then accepts or rejects the result.
In so doing, Hantaï generates a radical questioning of what painting should be and the role played by the artist, at a time when Pop Art was at its height and New Figuration was emerging in Europe. By concealing himself behind the work, the artist renounces any form of aestheticism and abandons himself to a pure and primitive action, evoking the very origins of painting. For Hantaï, "painting means spreading the colour, nothing more."(Franois Mathey, foreword to the exhibition catalogue, Hantaï, New York, Pierre Matisse Gallery, August 1970).
The Études series probably represents the most advanced exploration of this withdrawal of the figure of the artist behind his work. Unlike Mariales, Études are without any textural effects (brushstrokes or thicknesses resulting from pliage), preventing the spectator from fully understanding how they were produced. The strictly monochrome rendering of Études - blues, blacks, reds, yellows, purples and greens - adds to the disorientation: "We are forbidden. It seems he wants it to appear as if it were made by nobody," emphasises Dominique Fourcade (Simon Hantaï, exhibition catalogue, op. cit., p. 160). And unlike the Meuns series preceding Études, here the eye is no longer able to distinguish any perspective (rounded shapes painted in the centre and blank areas at the edges in Meuns). The painting, covering the entire canvas and presenting a uniform whole in which painted and non-painted areas are balanced equally, escapes from the traditional rigidity of the canvas enclosed in its frame.
Disorientated and blinded in turn, as the artist was when producing the work, the spectator of Étude is finally also forced to give in to the emotion of the painting and this sharp alternation between deep blue (like a distant echo of the Matisse's paper cut-outs, a recurring reference with Hantaï) and immaculate white. "Pure colour, white background and again the return of the vast Pollockian space - the 'all over' which fills the canvas to overflowing. The sharp, torn apart shapes are reminiscent of those in Mariales and thousands of white birds seem to be beating their wings in the studio, which is suddenly too small." (Geneviève Bonnefoi, Hantaï, Beaulieu-en-Rouergue, 1973, pp. 19-20)."