Auguste Rodin (1840-1917)
Ancienne collection Eugène Rehns La découverte de dizaines de dessins inédits de Rodin provenant d'une collection prestigieuse comme celle d'Eugène Rehns est une occasion unique d'approfondir nos connaissances sur l'insatiable dessinateur que fut le père de la sculpture moderne, à bien des égards aussi un grand précurseur en peinture. Après une première vente des héritiers d'Eugène Rehns chez Christie's en 2013, voici que l'on découvre par la dispersion de la collection d'une autre branche de la famille un aspect nouveau de cet ensemble exceptionnel: sept dessins de la maturité, conservés dans les conditions mêmes de leur acquisition : Femme couchée (lot 50), par exemple, collé sur un carton qui livre une série d'informations permettant d'y reconnaître un dessin retenu pour sa rétrospective parisienne en 1900 au Pavillon de l'Alma, lors de l'Exposition universelle. À cette époque, Rodin a de nombreux assistants qu'il fait travailler aux commandes de sculptures et peut consacrer du temps au dessin, qu'il ne considère pas comme une activité secondaire, mais au contraire comme une synthèse du travail de sa vie. Rodin n'a pas besoin de papiers de grand format pour matérialiser sa puissance créatrice, et c'est là le premier point commun à la sculpture et au dessin. L'autre est bien évidemment la matière. Celle du sculpteur c'est la terre crue, qu'il passa toute sa vie à pétrir avec un évident plaisir. Dans le dessin, cette notion de matière est omniprésente même si elle est plus difficile à percevoir. On la constate dans Lotus ou L'orage (lot 44), dédicacé au peintre Jean-Ernest Sigismond Jeanès (1863-1952), avec le savant réemploi de taches d'aquarelle et des effets de marbrures, habituelles chez l'artiste. Rodin, ne l'oublions pas, est avant tout un modeleur; il laisse au fondeur le soin de traduire son oeuvre dans le bronze et à ses praticiens la taille et le polissage de ses marbres. Son oeuvre dessiné, comme ses terres, est rigoureusement autographe: sa main traduit, souvent très rapidement, ce que voit son oeil. Ses modèles, essentiellement féminins, sont sommés de déambuler librement dans l'atelier: "Soyez en colère, rêvez, priez, pleurez, dansez. C'est à moi de saisir et de retenir la ligne qui me paraît vraie" (Je sais tout, mars 1910). Il en résulte des figures épurées, dessinées dans l'espace abstrait de la feuille qui perdent tout point de repère, comme Deux femmes, l'une se tenant en équilibre sur l'autre (lot 45) ou Femme nue assise (sur un siège absent) et écrivant (lot 49), dédicacé au couple d'écrivains Mardrus ou encore l'aérienne aquarelle d'Aquilon et Zéphir (lot 46) qui s'inspire peut-être de La Fontaine (Le Chêne et le Roseau). Les figures dessinées sont susceptibles d'être retournées comme des sculptures et regardées dans différents sens. Femme ailée soutenant une autre (lot 47), dédicacée à Louis Mullem (1836-1908), journaliste à La Justice de Clemenceau, est un bon exemple de ce processus. Le beau dessin de Mignon (lot 48), enfin, montre un autre aspect plus classique de son travail, lui pour qui la "passion du dessin procurait une délectation sans égale" (Paul Gsell, 1920). Rodin sculptait ou, plutôt, modelait dans la terre, sans faire de dessins préparatoires. Il avait appris à dessiner à la Petite Ecole, sous la férule d'Horace Lecoq de Boisbaudran, qui lui enseignait le dessin de mémoire. Ses dessins sont bien une oeuvre à part entière, qui a non seulement à voir avec le trait ou la représentation des corps, mais aussi avec la peinture et l'univers qu'elle déploie. Si ses dessins sont des dessins de sculpteur, c'est dans la mesure où les interférences dessin-sculpture sont permanentes chez cet artiste complet, qui avait expérimenté avec ses oeuvres sur papier des voies inédites qui allaient triompher dans l'art moderne. Christina Buley-Uribe, février 2014. The discovery of dozens of unpublished drawings by Rodin, coming from a collection as prestigious as Eugene Rehns's is a unique opportunity to develop our knowledge of the insatiable draughtsman considered the father of modern sculpture, and to a great extent also a great precursor in painting. After the first sale by Eugene Rehns's heirs at Christie's in 2013, we discover through the sale of the collection of another branch of the family, a new aspect of this exceptional collection: seven drawings from his mature years, and remaining in their original condition: Femme couchée (Reclining Woman) (lot 50), for example, laid to a board which bears information confirming that this drawing was retained for his Paris retrospective in 1900 at the Pavillon de l'Alma, during the Exposition Universelle. At the time, Rodin had many assistants who worked for him on orders for sculptures and he could spend time working on drawings, which he did not consider as a secondary activity, but on the contrary as a summary of his life's work. Rodin did not require large format drawing sheets in order to embody his creative powers, this being the first element shared by his works both in sculpture and in drawing. The other, of course, is the medium. For the sculptor it is raw clay, which he spent his life kneading with visible pleasure. In drawing, this notion of medium is also pervades, even if it is more difficult to perceive. It can be noted in Lotus or L'orage (The Storm) (lot 44), inscribed to the painter Jean-Ernest Sigismond Jeans (1863-1952), with the expert use of spots of watercolour and marbling effects, typical of the artist. One must not forget that Rodin was above all a modeler; he let the foundary translate his work in bronze and his practitioners do the carving and the polishing of his marbles. However, his drawings, as with his clays, are strictly autograph; his hand translated, often very fast, what his eye saw. His models, often feminine, were commanded to walk around freely in the atelier: "Be angry, dream, pray, cry, dance. It's for me to grasp and retain the line which seems true to me" (Je sais tout, March 1910). The result is stylised figures, drawn on the abstract space of the paper, all points of reference lost, as Deux femmes, l'une se tenant en équilibre sur l'autre (Two women, one balancing on the other) (lot 45) or Femme nue assise (sur un sige absent) (Seated female nude) (on absent chair) and écrivant (lot 49), dedicated to the Mardruses, a writer couple or the aery watercolour, Aquilon and Zéphir (lot 46), maybe inspired by the poet La Fontaine (Le Chne et le Roseau) (The Oak and the Reed). The drawn figures can be turned like sculptures and looked at from different angles. Femme ailée soutenant une autre (Winged woman supporting another) (lot 47), inscribed to Louis Mullem (1836-1908), a journalist at Clemenceau's newspaper La Justice, is a good example of this process. Finally the beautiful drawing of Mignon (lot 48) shows a more classical aspect of his work, for the artist to whom "the passion of drawing offered unequaled delight". Rodin sculpted, or rather modeled clay without recourse to preparatory drawings. He had learned to draw at la Petite Ecole, under Horace Lecoq de Boisbaudran, who taught him how to draw from memory. His drawings are works of art in their own right, not only linked to the line or representation of bodies, but to painting and the universe it deploys. His drawings are sculptor's drawings to the extent that the interactions between drawing and sculpture are constant for Rodin, the all-rounder artist who explored novel routes in his works on paper, and which would later triumph as precursors to modern art. Christina Buley-Uribe, February 2014.
Auguste Rodin (1840-1917)

Lotus ou L'orage

Details
Auguste Rodin (1840-1917)
Lotus ou L'orage
signé, titré et dédicacé 'lotus l'orage au peintre des dolomites a mon ami Jeanès Aug Rodin' (en haut à droite)
gouache, aquarelle, graphite et estompe sur papier
49.2 x 32.2 cm. (19 3/8 x 12¾ in.)
Exécuté vers 1900
Provenance
Jean-Ernest Sigismond Jeanès, Paris (don de l'artiste).
Eugène Rehns, Paris.
Puis par descendance au propriétaire actuel.
Further Details
'Lotus or L'orage'; signed, titled and dedicated upper right; gouache, watercolour, pencil and estompe on paper; executed circa 1900.

Lot Essay

Cette oeuvre sera incluse au catalogue raisonné des dessins et peintures d'Auguste Rodin actuellement en préparation par Christina Buley-Uribe.

Ce très beau dessin est dédicacé au peintre Jean-Ernest Sigismond Jeanès qui publia des propos de Rodin sur le dessin à titre posthume ("Souvenirs d'une époque heureuse - Rodin chez lui", Candide, 6 décembre 1934). Les effets de marbrures et de taches grises transformées en nuages d'orage correspondent bien à ce paysagiste qui affectionnait les vues de montagnes aux sommets nébuleux.


More from Oeuvres Modernes sur papier

View All
View All