Lot Essay
"Jusqu'à présent le nu avait toujours été représenté dans les poses qui supposent un public. Mais mes femmes sont des gens simples, honnêtes, qui ne s'occupent de rien d'autre que leur occupation physique. Et voilà une autre, elle se lave les pieds ; c'est comme si vous regardiez à travers le trou de la serrure" Edgar Degas (Je veux regarder par le trou de la serrure, Paris, 2012, p. 133).
A la fin des années 1880 et au cours des années 1890, la technique employée par Edgar Degas subit de profondes transformations. Bien que subtiles, elles n'en demeurent par moins fondamentales et très révélatrices. Ses nus deviennent alors un véritable terrain d'expérimentation, tant au niveau du style et de la technique employés que de leur impact visuel. Ses estampes précises et méthodiques évoluent vers d'expressives lithographies. Pierre angulaire de sa pratique, ses dessins se transforment, de méticuleuses académies au crayon, en de puissantes études de baigneuses nues au fusain et à la pierre noire. La précision anatomique cède la place à l'expression des émotions et au rendu d'une atmosphère, qui deviennent palpables dans ses oeuvres.
Les nus des années 1890 s'opposent à bien des égards aux danseuses de ballet auxquelles l'artiste rend hommage au cours des décennies précédentes, mais égalent ces dernières en importance au sein de son oeuvre. Alors que les danseuses sont par essence destinées au regard du public et aux feux de la scène, les baigneuses, présentées par l'artiste dans l'environnement le plus intime qui soit, semblent libérées des regards extérieurs, inconscientes de la présence d'un observateur, absorbées par leur tâche. Ce thème totalement nouveau permet à Degas de libérer son style. La solide structure servant autrefois ses compositions semble soudain superflue. Des courbes douces et sensuelles remplacent désormais les lignes verticales et horizontales, tant dans le traitement des corps que de leur environnement. Le décor, composé de tentures souples, de baignoires arrondies et de fauteuils confortables, projette le spectateur au plus près de l'intimité du modèle.
Dans le présent dessin, l'application libre et puissante du fusain renforce encore la modernité qui caractrise l'évolution artistique du maître impressionniste. La serviette, le bras droit et la poitrine du modèle sont définis au moyen d'un jeu d'espaces pleins et vides alors que la solide diagonale du dos affirme la perspective. Degas explore ce sujet à plusieurs reprises, repoussant toujours les limites de son travail sur la ligne. Ce processus artistique n'est pas sans rapport avec celui mené un demi-siècle plus tard par Matisse, avec ses Thèmes et variations (voir lot 20 de cette vente). Mais si Matisse put aisément publier ses dessins, immédiatement après leur exécution, ceux de Degas furent de leur temps bien trop révolutionnaires pour être acceptés du public. Ainsi le présent fusain, comme nombre de dessins de femmes à leur toilette, demeura dans l'atelier de Degas jusqu'à sa mort et ne fut révélé au grand jour qu'à l'occasion de la vente de sa succession, en 1919.
"Hitherto the nude has always been represented in poses which presuppose an audience. But my women are simple, honest creatures who are concerned with nothing beyond their physical occupations... Here is another one, washing her feet; it is as if you were looking through a keyhole" Edgar Degas (Je veux regarder par le trou de la serrure, Paris, 2012, p. 133).
In the late 1880s and 1890s, Edgar Degas's art making underwent a transformation-one that was subtle, but also completely revelatory. His nudes became a vehicle for experimentation, in style and method, as well as impact. His earlier, methodical etchings gave way to expressive lithography. Drawing, the cornerstone of his practice, shifted from the careful academic pencil studies to strokes of charcoal or black chalk for forceful images of nude bathers. Anatomical accuracy became less important to the artist than expressing emotion and feeling that were palpable in the work.
Degas' late nudes stand opposite to the ballet dancers he celebrated in previous years, yet they equally became protagonist themes in the artist's oeuvre. If his dancers, by essence contrived and posed, were destined to a public audience and setting; the bathers, presented by Degas in the most intimate environments, were free from the public gaze, unaware of the viewer's presence, absorbed in daily tasks. The change of theme allowed Degas to free himself stylistically. The sharp underlying structures required by his earlier compositions were no longer necessary. Sensuous curves now replaced horizontal and vertical lines, not only in the treatment of the female body, but in its environment as well. Soft drapery, bathtubs, and armchairs create a new busy and confined space, imposing the viewer an unprecedented sense of immediacy.
Throughout the present composition, Degas' liberated application of charcoal further reveals the modernity of his artistic evolution. The towel as well as the figure's breast and right arm are simultaneously entangled in negative and positive space. It is now the strong diagonal of her back that anchors the perspective. Degas would explore this subject numerous times, pushing his treatment of the line to new boundaries. This artistic process is not dissimilar to Henri Matisse's Themes et Variations drawings executed half a century later (see lot 20 of this sale). If Matisse was able to publish his drawings as soon as 1943, only a few years after the series were executed, it was far too innovative in Degas' time to be shared publicly. The present drawing (as did most of the series) remained in the Degas' studio only to be shown for the first time in 1919 on the occasion of his posthumous Estate sale.
A la fin des années 1880 et au cours des années 1890, la technique employée par Edgar Degas subit de profondes transformations. Bien que subtiles, elles n'en demeurent par moins fondamentales et très révélatrices. Ses nus deviennent alors un véritable terrain d'expérimentation, tant au niveau du style et de la technique employés que de leur impact visuel. Ses estampes précises et méthodiques évoluent vers d'expressives lithographies. Pierre angulaire de sa pratique, ses dessins se transforment, de méticuleuses académies au crayon, en de puissantes études de baigneuses nues au fusain et à la pierre noire. La précision anatomique cède la place à l'expression des émotions et au rendu d'une atmosphère, qui deviennent palpables dans ses oeuvres.
Les nus des années 1890 s'opposent à bien des égards aux danseuses de ballet auxquelles l'artiste rend hommage au cours des décennies précédentes, mais égalent ces dernières en importance au sein de son oeuvre. Alors que les danseuses sont par essence destinées au regard du public et aux feux de la scène, les baigneuses, présentées par l'artiste dans l'environnement le plus intime qui soit, semblent libérées des regards extérieurs, inconscientes de la présence d'un observateur, absorbées par leur tâche. Ce thème totalement nouveau permet à Degas de libérer son style. La solide structure servant autrefois ses compositions semble soudain superflue. Des courbes douces et sensuelles remplacent désormais les lignes verticales et horizontales, tant dans le traitement des corps que de leur environnement. Le décor, composé de tentures souples, de baignoires arrondies et de fauteuils confortables, projette le spectateur au plus près de l'intimité du modèle.
Dans le présent dessin, l'application libre et puissante du fusain renforce encore la modernité qui caractrise l'évolution artistique du maître impressionniste. La serviette, le bras droit et la poitrine du modèle sont définis au moyen d'un jeu d'espaces pleins et vides alors que la solide diagonale du dos affirme la perspective. Degas explore ce sujet à plusieurs reprises, repoussant toujours les limites de son travail sur la ligne. Ce processus artistique n'est pas sans rapport avec celui mené un demi-siècle plus tard par Matisse, avec ses Thèmes et variations (voir lot 20 de cette vente). Mais si Matisse put aisément publier ses dessins, immédiatement après leur exécution, ceux de Degas furent de leur temps bien trop révolutionnaires pour être acceptés du public. Ainsi le présent fusain, comme nombre de dessins de femmes à leur toilette, demeura dans l'atelier de Degas jusqu'à sa mort et ne fut révélé au grand jour qu'à l'occasion de la vente de sa succession, en 1919.
"Hitherto the nude has always been represented in poses which presuppose an audience. But my women are simple, honest creatures who are concerned with nothing beyond their physical occupations... Here is another one, washing her feet; it is as if you were looking through a keyhole" Edgar Degas (Je veux regarder par le trou de la serrure, Paris, 2012, p. 133).
In the late 1880s and 1890s, Edgar Degas's art making underwent a transformation-one that was subtle, but also completely revelatory. His nudes became a vehicle for experimentation, in style and method, as well as impact. His earlier, methodical etchings gave way to expressive lithography. Drawing, the cornerstone of his practice, shifted from the careful academic pencil studies to strokes of charcoal or black chalk for forceful images of nude bathers. Anatomical accuracy became less important to the artist than expressing emotion and feeling that were palpable in the work.
Degas' late nudes stand opposite to the ballet dancers he celebrated in previous years, yet they equally became protagonist themes in the artist's oeuvre. If his dancers, by essence contrived and posed, were destined to a public audience and setting; the bathers, presented by Degas in the most intimate environments, were free from the public gaze, unaware of the viewer's presence, absorbed in daily tasks. The change of theme allowed Degas to free himself stylistically. The sharp underlying structures required by his earlier compositions were no longer necessary. Sensuous curves now replaced horizontal and vertical lines, not only in the treatment of the female body, but in its environment as well. Soft drapery, bathtubs, and armchairs create a new busy and confined space, imposing the viewer an unprecedented sense of immediacy.
Throughout the present composition, Degas' liberated application of charcoal further reveals the modernity of his artistic evolution. The towel as well as the figure's breast and right arm are simultaneously entangled in negative and positive space. It is now the strong diagonal of her back that anchors the perspective. Degas would explore this subject numerous times, pushing his treatment of the line to new boundaries. This artistic process is not dissimilar to Henri Matisse's Themes et Variations drawings executed half a century later (see lot 20 of this sale). If Matisse was able to publish his drawings as soon as 1943, only a few years after the series were executed, it was far too innovative in Degas' time to be shared publicly. The present drawing (as did most of the series) remained in the Degas' studio only to be shown for the first time in 1919 on the occasion of his posthumous Estate sale.