Lot Essay
"Soulages voué au noir, certes, que ne l'a-t-on répété, tant a surpris ce retour révolutionnaire à une couleur qu'on avait rarement su faire chanter aussi magnifiquement depuis la grande période de l'école hollandaise. Mais quel noir ? Il en a cent. Mat, luisant, onctueux, lisse ou rugueux, froid ou chaleureux, il emprunte aussi bien à l'écorce de l'arbre qu'à la suie, au goudron, à la tourbe qu'à l'humus, au bois calciné des vieilles poutres."
Emmanuelle Stein, "Le chant profond de Soulages", Tribune socialiste, 11 mai 1967, cité in Pierre Encrevé, Soulages, l'oeuvre complet - Peintures, Vol. II: 1959-1978, Paris, 1995, p. 124.
Jouant du contraste entre un jus noir ténébreux et un ocre doré surgissant par endroits, Peinture 65 x 81 cm, 1er septembre 1963 a d'abord appartenu à Madame Niomar Bittencourt, journaliste brésilienne, directrice du quotidien Correio da Manha (journal qui aura joué un grand rôle dans l'opposition à la dictature militaire à partir du coup d'Etat de 1964 et jusqu'à sa fermeture imposée dix ans plus tard) et fondatrice du Musée d'Art Moderne de Rio de Janeiro.
L'oeuvre est à rapprocher de Peinture 159 x 202 cm, 28 octobre 1963, propriété de l'Arts Club de Chicago, qu'elle semble annoncer et dont elle porte en gestation l'ensemble des éléments plastiques: une surface couverte d'une large nappe noire déposée à la brosse, tantôt parfaitement opaque, tantôt si légère qu'elle engendre des transparences voilées générant des effets de profondeur, et d'où sourd en son centre et sur ses marges verticales un lumineux jaune cuivré, couplé au blanc cassé de la toile non-peinte du quart inférieur gauche. L'oeuvre est en ce sens caractéristique de la charnière que représente l'année 1963 dans le travail de Soulages. Au cours de cette année, les raclages disparaissent en effet des peintures de l'artiste; désormais, les oeuvres montrent de larges aplats d'une peinture noire beaucoup plus fluide, non plus raclée à la lame comme les pâtes épaisses des peintures précédentes mais brossée en un ample mouvement ne laissant quasiment pas de trace de son passage sur la surface de la toile.
Cette fluidité de la matière picturale est telle que certaines toiles, à l'instar de Peinture 65 x 81 cm, 1er septembre 1963, présentent des coulures de noir par endroits, phénomène alors inédit dans l'oeuvre de l'artiste. Ces coulures ont dans le cas présent un intérêt supplémentaire en ce qu'elles renseignent sur la façon de peindre de Soulages, tournant autour de sa toile et la retournant volontiers pour mieux la travailler: ainsi, les coulures à la droite de l'oeuvre, étrangement perpendiculaires aux bords latéraux du tableau, montrent que l'artiste a dû redresser la toile à la verticale avant de lui donner son orientation horizontale définitive.
"Soulages is certainly devoted to black, as is often repeated, such was the surprise of this revolutionary return to a colour which has rarely been made to sing so magnificently since the great era of the Dutch School. But which black? He has a hundred. Matte, glistening, unctuous, smooth or rugged, cold or warm, he borrows as much from bark as from soot or tar, peat as from humus or the charred wood of old beams."
Emmanuelle Stein, "Le Chant Profond de Soulages", Tribune Socialiste, 11 May 1967, quoted in Pierre Encrevé, Soulages, l'Oeuvre Complet - Peintures, Vol. II : 1959-1978, Paris, 1995, p. 124.
Playing on the contrast between a shadowy black juice and a golden ochre which emerges in places, Peinture 65 x 81 cm, 1er Septembre 1963 initially belonged to Mrs Niomar Bittencourt, a Brazilian journalist and director of the daily Correio da Manha (a newspaper which played an important role in opposing the military dictatorship after the coup in 1964 and until its enforced closure 10 years later) and the founder of the Museum of Modern Art in Rio de Janeiro.
This work can be compared to Peinture 159 x 202 cm, 28 Octobre 1963, owned by the Arts Club of Chicago, of which it seems to be a precursor, containing all of its technical elements in embryonic form: a surface covered with a wide black layer applied with a brush, sometimes perfectly opaque, sometimes so light that it leaves veiled transparencies generating effects of depth, from which emanates a luminous coppery yellow in its centre and at its vertical margins, coupled with the off-white of the unpainted canvas in the lower left quarter. In this, the work is characteristic of 1963, a pivotal year in Soulages' work. Over the course of that year, scraping disappeared from the artist's paintings, replaced by wide blocks of much more fluid black paint, no longer scraped with a blade like the thick pastes of previous works, but brushed in a broad movement, leaving almost no trace of their passage over the surface of the canvas.
The fluidity of the paint is such that in some canvases, such as Peinture 65 x 81 cm, 1er Septembre 1963, the black paint can be seen to have run in places, a phenomenon previously unseen in the artist's work. These drips are of additional interest in this case since they provide evidence of Soulages' method of painting, moving around his canvas and turning it deliberately to better work on it. This is why the drips to the right of the work, strangely perpendicular on the right of the painting, show that the artist must have stood the canvas vertically before giving it its final horizontal orientation.
Emmanuelle Stein, "Le chant profond de Soulages", Tribune socialiste, 11 mai 1967, cité in Pierre Encrevé, Soulages, l'oeuvre complet - Peintures, Vol. II: 1959-1978, Paris, 1995, p. 124.
Jouant du contraste entre un jus noir ténébreux et un ocre doré surgissant par endroits, Peinture 65 x 81 cm, 1er septembre 1963 a d'abord appartenu à Madame Niomar Bittencourt, journaliste brésilienne, directrice du quotidien Correio da Manha (journal qui aura joué un grand rôle dans l'opposition à la dictature militaire à partir du coup d'Etat de 1964 et jusqu'à sa fermeture imposée dix ans plus tard) et fondatrice du Musée d'Art Moderne de Rio de Janeiro.
L'oeuvre est à rapprocher de Peinture 159 x 202 cm, 28 octobre 1963, propriété de l'Arts Club de Chicago, qu'elle semble annoncer et dont elle porte en gestation l'ensemble des éléments plastiques: une surface couverte d'une large nappe noire déposée à la brosse, tantôt parfaitement opaque, tantôt si légère qu'elle engendre des transparences voilées générant des effets de profondeur, et d'où sourd en son centre et sur ses marges verticales un lumineux jaune cuivré, couplé au blanc cassé de la toile non-peinte du quart inférieur gauche. L'oeuvre est en ce sens caractéristique de la charnière que représente l'année 1963 dans le travail de Soulages. Au cours de cette année, les raclages disparaissent en effet des peintures de l'artiste; désormais, les oeuvres montrent de larges aplats d'une peinture noire beaucoup plus fluide, non plus raclée à la lame comme les pâtes épaisses des peintures précédentes mais brossée en un ample mouvement ne laissant quasiment pas de trace de son passage sur la surface de la toile.
Cette fluidité de la matière picturale est telle que certaines toiles, à l'instar de Peinture 65 x 81 cm, 1er septembre 1963, présentent des coulures de noir par endroits, phénomène alors inédit dans l'oeuvre de l'artiste. Ces coulures ont dans le cas présent un intérêt supplémentaire en ce qu'elles renseignent sur la façon de peindre de Soulages, tournant autour de sa toile et la retournant volontiers pour mieux la travailler: ainsi, les coulures à la droite de l'oeuvre, étrangement perpendiculaires aux bords latéraux du tableau, montrent que l'artiste a dû redresser la toile à la verticale avant de lui donner son orientation horizontale définitive.
"Soulages is certainly devoted to black, as is often repeated, such was the surprise of this revolutionary return to a colour which has rarely been made to sing so magnificently since the great era of the Dutch School. But which black? He has a hundred. Matte, glistening, unctuous, smooth or rugged, cold or warm, he borrows as much from bark as from soot or tar, peat as from humus or the charred wood of old beams."
Emmanuelle Stein, "Le Chant Profond de Soulages", Tribune Socialiste, 11 May 1967, quoted in Pierre Encrevé, Soulages, l'Oeuvre Complet - Peintures, Vol. II : 1959-1978, Paris, 1995, p. 124.
Playing on the contrast between a shadowy black juice and a golden ochre which emerges in places, Peinture 65 x 81 cm, 1er Septembre 1963 initially belonged to Mrs Niomar Bittencourt, a Brazilian journalist and director of the daily Correio da Manha (a newspaper which played an important role in opposing the military dictatorship after the coup in 1964 and until its enforced closure 10 years later) and the founder of the Museum of Modern Art in Rio de Janeiro.
This work can be compared to Peinture 159 x 202 cm, 28 Octobre 1963, owned by the Arts Club of Chicago, of which it seems to be a precursor, containing all of its technical elements in embryonic form: a surface covered with a wide black layer applied with a brush, sometimes perfectly opaque, sometimes so light that it leaves veiled transparencies generating effects of depth, from which emanates a luminous coppery yellow in its centre and at its vertical margins, coupled with the off-white of the unpainted canvas in the lower left quarter. In this, the work is characteristic of 1963, a pivotal year in Soulages' work. Over the course of that year, scraping disappeared from the artist's paintings, replaced by wide blocks of much more fluid black paint, no longer scraped with a blade like the thick pastes of previous works, but brushed in a broad movement, leaving almost no trace of their passage over the surface of the canvas.
The fluidity of the paint is such that in some canvases, such as Peinture 65 x 81 cm, 1er Septembre 1963, the black paint can be seen to have run in places, a phenomenon previously unseen in the artist's work. These drips are of additional interest in this case since they provide evidence of Soulages' method of painting, moving around his canvas and turning it deliberately to better work on it. This is why the drips to the right of the work, strangely perpendicular on the right of the painting, show that the artist must have stood the canvas vertically before giving it its final horizontal orientation.