Eugène Boudin (1824-1898)
Eugène Boudin (1824-1898)

Venise, la Salute, la Douane et le début du Grand Canal

Details
Eugène Boudin (1824-1898)
Venise, la Salute, la Douane et le début du Grand Canal
signé, daté et situé 'Venise E. Boudin 95' (en bas à droite)
huile sur toile
36.3 x 58.3 cm.
Peint à Venise en 1895

signed, dated and located 'Venise E. Boudin 95' (lower right)
oil on canvas
14 x 22 7/8 in.
Painted in Venice in 1895
Provenance
Collection Reichard, New York.
Galeries Durand-Ruel, New York (acquis auprès de celle-ci, le 2 juin 1899).
Collection M. Cremetti, Londres (acquis auprès de celles-ci, le 10 juillet 1925).
Collection E. Cremetti, Londres (par descendance).
E.-J. van Wisselingh & Co., Amsterdam.
Vente, Mes Millon et Jutheau, Paris, 2 juillet 1986, lot 53.
Collection particulière, France (acquis au cours de cette vente).
Puis par descendance au propriétaire actuel.
Literature
R. Schmit, Eugène Boudin, Paris, 1973, vol. III, p. 299, no. 3394 (illustré).

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Natacha Muller
Natacha Muller

Lot Essay

En recherche de nouveaux motifs, Eugène Boudin se rend pour la première fois à Venise en 1892. Dès la fin des années 1860, il se plait copier au Louvre les oeuvres du vénitien Francesco Guardi, qu'il décrit en ces termes: "habileté prodigieuse des Guardi. Légèreté de leur exécution. Esprit de la touche jusque dans les moindres dtails" (cité in Boudin, aquarelles et pastels, XXXVe Exposition du cabinet des dessins du musée du Louvre, Paris, 1965, p. 78).

Après une seconde visite en 1894, il séjourne pour la troisième et dernière fois dans la Sérénissime au cours de l'été 1895. C'est à cette occasion qu'est peint Venise, la Salute, la Douane et le début du Grand Canal, restituant avec vivacité l'activité bouillonnante de la ville à l'entrée des canaux. Avec une maîtrise parfaite, le père de l'impressionnisme rend sur la toile l'atmosphère si particulière du port éclaboussé de lumière. L'horizon bas offre à la créativité du peintre une large bande de ciel aux infinies nuances. Les bleus profonds et lumineux, ponctués de l'éclat blanc des nuages et de l'écume, et les tons ocre contrastés des façades, marquent l'aboutissement de la recherche picturale de Boudin, qui capture la lumière comme nul autre à l'issue de sa carrière.

Fort de sa propre expérience, il porte bientôt un regard plus critique sur l'art de Canaletto et Guardi autrefois encensé, et écrit dans une lettre à Paul Durand-Ruel datée du 20 juin 1895: "je suis pris par la peinture des vues de Venise, une ville superbe, nul besoin de vous le dire, mais j'ai quelque répulsion à l'encontre des peintres de cette contrée, qui l'ont, dans une certaine mesure, défigurée en la montrant comme une région éclairée par le plus chaud des soleils...Venise, néanmoins, comme tous les pays lumineux est d'un coloris gris et l'atmosphère en est douce et brumeuse...et le ciel s'y pare de nuages, tout comme un ciel de nos contrées normande ou hollandaise (cité in J. Selz, Eugène Boudin, Naefels, 1982, p. 85).

Les vues de Venise de Boudin constituent à n'en pas douter le point culminant de son art, et sont aux années 1890 ce que les célè bres crinolines à Trouville sont aux années 1860. Le choix de la ville n'est pas anodin, et marque l'intention du peintre de s'inscrire dans une prestigieuse lignée d'artistes des XVIIIe et XIXe siècles. Si la vision que nous offre Boudin emprunte aux maîtres de la vedutta un souci de réalisme architectural, permettant d'identifier précisment le lieu de la représentation, elle évoque déjà par sa touche l'Impressionnisme en devenir, rendant magnifiquement l'atmosphère constamment changeante et le miroitement irisé de l'eau.

Boudin fut particulièrement satisfait des toiles réalisées à Venise. De retour à Paris, il en sélectionna neuf pour l'exposition au Salon de 1897. Plus significatif encore: il refusa jusqu'à sa mort, l'année suivante, de s'en défaire. L'attachement du peintre semble avoir trouvé un écho chez les collectionneurs de l'époque, puisqu'elles atteignirent les plus hauts prix de la vente posthume des oeuvres de son atelier organisée en 1899.

In his quest for new subject matter, Eugène Boudin found himself traveling to Venice for the first time in 1892. Since the late 1860's, he had found inspiration in the Louvre by copying works by the Venetian artist Francesco Guardi, commenting: "Guardi was a man of tremendous skill. The lightness of execution. The attention he gave even to the smallest details" (cited in Boudin, aquarelles et pastels, XXXVe Exposition du cabinet des dessins du Musée du Louvre , Paris, 1965, p. 78).

After a second visit in 1894, Boudin stayed a third and final time in Venice during the summer of 1895. It was during this visit that he painted
Venise, la Salute, La Douane et le début du Grand Canal, capturing the exuberant liveliness of the city at the entry to the canals.
With perfect mastery of his art, the father of Impressionism captures the very particular light of the port bathed in sunlight. The low horizon offered the artist a great expanse across which to record the infinite nuances of the sky. Deep blues and bright blues are punctuated by radiant white clouds, in turn echoed below in the surf and the reflexions in the water which resonate against the varying tones of the ochre facades. Boudin achieves here towards the end of his career the summit of his endeavors to capture light.

With the benefit of his of his own experience, Boudin began to adopt a more critical outlook as to the works of Canaletto and Guardi, who he once held in high esteem, expressing in a letter he wrote to Paul Durand-Ruel: "I am overcome by wish to paint Venice, its a magnifcent city, no need to convince you. However I am somewhat opposed to the paintings produced here which, to a certain extent, have misrepresented it as a region warmed by the hottest of suns...yet Venice, as with all brightly lit places is more grey in colour with a foggy atmosphere, and a sky shrouded with clouds, similar to a sky you would find in Holland or Normandy" (cited
in J. Selz, Eugène Boudin, Naefels, 1982, p. 85).

The paintings produced in Venice undoubtedly mark a culmination in the art of Boudin and are to his work of the 1890's what his crinolines of Trouville were to the 1860's. Venice, as choice of location is far from insignificant, revealing the artist's intention that he be associated with the legacy of prestigious artists from the 18th and 19th centuries who depicted the subject. Nevertheless, if Boudin's views were inspired by the masters of the veduta and their concern for architectural realism which allowed the precise identification of the painter's location, thanks to their execution they also announce the arrival of Impressionism to come, with their wonderful depiction of constantly changing atmosphere and the myriad refraction of water.
Boudin was particularly proud of the paintings he produced in Venice. On his return to Paris, he would select nine of them to be included in the Salon of 1897. Of greater significance, he refused until his death the following year to part with any of these works. The attachment Boudin felt to these paintings seems to have been echoed by collectors of the time, as it was these works which attracted the highest prices at his posthumous sale in 1899.

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