Claude Monet (1840-1926)
Claude Monet (1840-1926)

Vue d'un port

Details
Claude Monet (1840-1926)
Vue d'un port
signé 'Claude Monet.' (en bas à droite)
huile sur toile
49.8 x 65 cm.
Peint en 1871

signed 'Claude Monet.' (lower right)
oil on canvas
19¾ x 25 5/8 in.
Painted in 1871
Provenance
Galerie Durand-Ruel, Paris (probablement acquis auprès de l'artiste, en mai 1872).
Rodolphe Hecht, Paris (après 1884).
Collection Pontremoli, Paris.
Galerie Schmit, Paris (en 1987).
Collection particulière, Paris (acquis auprès de celle-ci, en 1988).
Puis par descendance au propriétaire actuel.
Literature
D. Wildenstein, Claude Monet, Biographie et catalogue raisonné, Lausanne-Paris, 1974, vol. I, p. 194, no. 169 (illustré, p. 195).
D. Wildenstein, Monet, Catalogue raisonné, Lausanne, 1991, vol. II, p. 80, no. 169 (illustré).
D. Wildenstein, Claude Monet, Catalogue raisonné, Lausanne, 1991, vol. V, p. 24, no. 169.
Exhibited
Paris, Galerie Schmit, 25e exposition Maîtres français XIXe-XXe siècles, mai-juillet 1987, no. 39 (illustré en couleurs).

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Natacha Muller
Natacha Muller

Lot Essay

L'année 1871 marque un tournant dans la vie personnelle et la carrière de Claude Monet. Exilé à Londres dès l'automne 1870, fuyant le Havre et un enrôlement imminent dans la guerre franco-prussienne, le peintre y fait la rencontre de Paul Durand-Ruel par l'intermédiaire de Charles-François Daubigny. Ayant déjà remarqué les oeuvres de Monet au Salon, le célèbre marchand lui propose immédiatement d'exposer sa peinture, et L'entrée du Port de Trouville participe dès le 10 décembre 1870 à la première exposition annuelle de Durand-Ruel à Londres.

À la même époque, Monet fait la connaissance de Camille Pissarro, également installé dans la capitale britannique. Les deux amis découvrent ensemble la manière de Turner et de Constable qui, au même titre que l'atmosphère brumeuse de la ville, s'imprime durablement sur la rétine des deux maîtres impressionnistes.

À l'annonce de l'Armistice conclue en janvier 1871, Monet entreprend de quitter Londres. Ce n'est finalement qu'en mai qu'il parvient à s'embarquer, non pour la France et le Havre, mais pour la Hollande. Si les raisons d'un détour à cette époque tourmentée restent mystérieuses, le choix du point de chute, à Zaandam, n'est pas anodin. En effet, le peintre hollandais Johan Barthold Jongkind rencontre Monet en 1862 à la ferme Saint-Siméon, près d'Honfleur. Comme ce dernier le révèle en 1900 à un journaliste du Temps: "Jongkind se fit montrer mes esquisses, m'invita à venir travailler avec lui, m'expliqua le comment et le pourquoi de sa manière et, complétant par-là l'enseignement que j'avais reçu de Boudin, il fut à partir de ce moment mon vrai maître. C'est à lui que je dois l'éducation définitive de mon oeil..." (cité in, C. Spillemaecker, Jongkind : des Pays-Bas au Dauphiné, Libel, 2009, p. 14). Ainsi, c'est Jongkind qui incite son disciple à se rendre aux Pays-Bas, où partout se confondent les cieux et les eaux.

Si les oeuvres de cette époque doivent donc beaucoup à son "vrai maître", l'approche de Monet s'éloigne peu à peu de la facture de ce dernier. Fragmentant petit à petit les touches de son pinceau, afin de mieux restituer les vibrations de la lumière, il prend ses distances avec le réalisme de Jongkind, comme dans le présent tableau. Vue d'un port doit en réalité plus au style faussement simple
d'Édouard Manet, dont les marines exposées à Paris en 1867 sont observées avec intérêt par Monet.

Peignant sur le vif au cours d'une journée brumeuse, l'artiste saisit ici avec peu de moyens toute l'activité du port et son décor. Loin de la facture lisse de la peinture traditionnelle, la touche est large et audacieuse, et apparaît comme une manifestation précoce de la liberté gestuelle qui caractérise bientôt les toiles impressionnistes, à l'instar d'Impression, soleil levant, peint l'année suivante au Havre. Comme l'écrit Robert Herbert: "En attirant notre attention sur sa touche, et donc sur le geste du peintre [...] Monet partage le secret de l'impressionnisme en devenir: une touche à nu, capturant une vision de la nature caractérisée par une spontanéité nouvelle" (Monet on the Normandy Coast: Tourism and Painting, 1867-1886, New Haven, 1994, p. 24-25).

The year 1871 was both a year of personal and professional change for Claude Monet. Having fled Le Havre and conscription into the Franco-Prussian conflict, Monet had lived as an exile in London since the autumn of 1870. There, through the intermediary of Charles-François Daubigny, he made the acquaintance of Paul Durand-Ruel. The successful dealer had already appreciated Monet's works at the Paris Salon, and he now immediately offered to show the artist’s work at his gallery. Soon after, Monet's L’entrée du Port de Trouville formed part of Durand-Ruel's first annual London exhibition.

Around the same date, Monet met with Camille Pissarro, also then based in the British capital. Together they discovered the works of Turner and Constable who, along with the city's celebrated fogs, each left an enduring mark on the two friend's visual vocabularies.

Following the armistice declaration in January 1871, Monet made preparations to leave London. It would not be until May that he would finally depart and, rather than as planned home to France, he headed instead for Holland. Whilst the exact reasons for such a detour at this turbulent time remain unknown, his landing at Zaandam was not entirely coincidental. As it happened, Monet had met with the Dutch painter Johan Barthold Jongkind at the Ferme Saint-Siméon, just outside of Honfleur in 1862. As Monet revealed in 1900 to a journalist from Le Temps, "Jongkind asked to see my sketches and, after requesting that I join him at work, explained the how and the why of his own technique and, in so doing, completed the training I had previously received from Boudin. From this moment he became my true teacher, and it is to him that I owe the ultimate training of my eye" (cited in C. Spillemaecker, Jongkind: des Pays-Bas au Dauphiné, Libel, 2009, p. 14).

It was Jongkind who therefore urged his pupil to visit Holland, where one can witness the effects of sky and water conjoined. Whilst works from this period do owe much to his "true teacher", Monet's approach did distance itself from that of his master. As can be seen in the present painting, Monet began to increasingly break up the strokes of his brush in order to better translate the resonances of light, further moving away from Jongkind's realism.

In reality, Vue d’un port owes more to the deceptively simplified style of Édouard Manet, whose marines Monet had admired during their exhibition in Paris in 1867. Painting sponteneously during the course of a foggy day, the artist here has captured through a minimum of means all of the activity of a busy port and its accoutrements. Radically differing from contemporary traditional painting, the artist's stroke here is large and bold. Indeed it can be seen as a precocious translation of the gestural freedom which would characterize Impressionist painting, as soon would be shown in Impression, soleil levant, painted the following year at Le Havre. As wrote the critic Robert Herbert: "In drawing our attention to his brushstroke, and therefore to the artist's gesture […] Monet shares with us the secret of Impressionism to come: a simple gesture, capturing a vision of nature characterized by a newfound spontaneity" (Monet on the Normandy Coast: Tourism and Painting, 1867-1886, New Haven, 1994, pp. 24-25).

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