GUSTAVE MOREAU (PARIS 1826-1898)
GUSTAVE MOREAU (PARIS 1826-1898)

Le char d'Apollon ou Phébus-Apollon

Details
GUSTAVE MOREAU (PARIS 1826-1898)
Le char d'Apollon ou Phébus-Apollon
signé '- Gustave Moreau -' (en bas à gauche)
huile sur panneau
55,5 x 44,5 cm. (21 7/8 x 17 ½ in.)
Provenance
Collection Mavrocordato.
Vente Palais Galliéra, Paris, 16 juin 1964, lot 147.
Literature
P.-L. Mathieu, Gustave Moreau, sa vie, son œuvre, catalogue raisonné de l’œuvre achevé, Paris, 1976, p. 336, no. 265, ill.
P.-L. Mathieu, Gustave Moreau - Monographie et Nouveau catalogue de l’œuvre achevé, Paris, 1998, p. 369, no. 296, ill.
Exhibited
Paris, Galerie Georges Petit, Gustave Moreau, 1906, no. 83.
Further Details
G. MOREAU, PHOEBUS-APOLLON, OIL ON PANEL, SIGNED

Lot Essay

Artiste singulier dont l’œuvre aux accents symbolistes intrigue autant qu’elle fascine, Gustave Moreau pratique assidûment le dessin dès son plus jeune âge. Admis à l’Ecole des Beaux-arts en 1846, il se forme dans l’atelier de François Edouard Picot, avant de s’émanciper de l’Académisme pour développer une esthétique personnelle qu’infuencera son amitié avec Théodore Chassériau.

« Ce devin visionnaire », comme le décrit Henri de Régnier, essuie néanmoins par deux fois un échec au Prix de Rome (en 1848 puis en 1849) et ne connaît qu’un succès relatif au Salon : l’interprétation atypique des thèmes classiques de la peinture d’Histoire qu’il y propose suscite tour à tour incompréhension et vif enthousiasme. Elu membre de l’Académie des Beaux-arts en 1888, il est nommé professeur à l’Ecole nationale des Beaux-arts en 1892, où Henri Matisse et Georges Rouault, entre autres, seront ses élèves.

Discret, solitaire et soucieux de protéger son œuvre qui reste incomprise d’une partie du public et de la critique, refusant la plupart des commandes qu’on souhaite lui confier, Gustave Moreau explore les légendes merveilleuses, les récits mythologiques ou bibliques qu’il affectionne et dont il renouvelle le sens et la portée par la poésie d’une vision toute personnelle. Aussi ce peintre atypique de la fin de siècle a-t-il pu être qualifié par son contemporain Huysmans de « mystique » : « Abîmé dans l’extase, il voit resplendir les féeriques visions, les sanglantes apothéoses des autres âges » (J.-K. Huysmans, “Le Salon officiel de 1880” dans L’ Art Moderne, Paris, 1883, vol. II, p. 135).

Phébus-Apollon peut être compté au nombre de ces visions. La figure d’Apollon, dieu des Arts et par-là même cristallisation d’un idéal esthétique, hante en effet l’imaginaire de l’artiste et revient de façon récurrente dans son œuvre peint, donnant lieu à des toiles aussi célèbres qu’Apollon et Marsyas ou Les Muses quittent Apollon, leur père, pour aller éclairer le monde. Toutefois, le thème et la composition de notre tableau, centrés sur la seule figure du dieu-lumière conduisant son char, ne se retrouvent que dans une variante contemporaine intitulée Phébus et Borée (Mathieu, 1998, p. 348 no. 233), aquarelle exécutée en 1879 et de moindres dimensions (30 x 20,3 cm.) que notre tableau.

Fils de Zeus et de Léto, né dans l’île de Délos, Apollon est aussi le dieu de la vérité, comme le suggère le terme Phoïbos précédant son nom et signifiant « brillant, pur ». Fidèle à l’iconographie classique, Gustave Moreau représente ici l’idéal antique de la beauté masculine sous les traits délicats, presque androgynes, d’un jeune homme imberbe à la longue chevelure. Apollon est paré de ses attributs traditionnels : la lyre, que l’on devine à l’arrière de son char et au son de laquelle le dieu des Arts distrait et apaise les habitants de l’Olympe ; le laurier ; l’arc et le carquois.

L’esthétique symboliste de l’œuvre de Moreau distingue néanmoins cette œuvre des évocations classiques de la figure mythique : par sa composition magistrale, par l’intensité expressive des tonalités choisies, le tableau se fait manifestation du divin. Apparition surgie d’un autre monde, Phébus-Apollon s’élance, auréolé et éblouissant de gloire, pour parcourir le ciel sur son quadrige traîné par de fougueux coursiers et dissiper la nuit. Il apparaît entouré d’un halo de lumière aveuglante comme peuvent l’être les implacables desseins de Zeus qu’il annonce aux mortels à travers des oracles. Gustave Moreau peint le triomphe de la jeunesse et de la beauté, mais cette convocation du dieu poète sert également de prétexte à l’exaltation de sa propre conception de l’art, dont le raffinement extrême transparaît dans l’exécution du tableau. Gustave Moreau, travaillant la matière picturale comme un orfèvre cisèlerait une parure, fait des empâtements des gemmes précieux qu’il incruste sur la surface de l’œuvre, pour orner les vêtements et le char d’Apollon.

S’il existe plusieurs dessins d’étude pour le Char d’Apollon, notre tableau, dans un très bel état de conservation et qui n’a pas paru sur le marché depuis les années 1960, constitue la version la plus aboutie et la plus magistrale de ce thème.

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