Lot Essay
Cette œuvre sera incluse au catalogue critique de l'œuvre de Pierre-Auguste Renoir actuellement en préparation par l'Institut Wildenstein.
Vers 1880, Pierre-Auguste Renoir traverse une période de doute et de remise en question artistique. Il s’interroge sur les limites et l’avenir de l’impressionnisme, et de sa propre peinture : «Je suis encore dans la maladie des recherches. Je ne suis pas content et j’efface, j’efface encore […] Je suis comme les enfants à l’école. La page blanche doit toujours être bien écrite et paf !... un pâté ! J’en suis encore aux pâtés, et j’ai quarante ans» (cité in Renoir, Paris, 1970, p. 145). Lassé des mondanités parisiennes, il prend
alors la route de la Méditerranée, avec l’espoir de trouver dans le berceau de l’art occidental une réponse à ses incertitudes, et qu’émerge enfn une forme défnitive de son identité artistique. Après un séjour en Italie, c’est en 1882 qu’il découvre la Provence, alors qu’il rend visite à son grand ami Paul Cézanne. Le charme opère rapidement sur le peintre : «dans ce pays merveilleux, il semble que le malheur ne puisse vous atteindre. On y vit dans une atmosphère ouatée» (cité in Renoir, catalogue d’exposition, Paris, 1985, p. 298). Dès 1903, le peintre achète un premier terrain à Cagnes et passe avec sa famille des périodes de plus en plus longues dans le Sud. 1905, l’année où la présente oeuvre est réalisée, est charnière pour Renoir. Avant cette date, la palette ne comprend que peu de couleurs vives, offrant des tons tantôt froids et austères, tantôt doux et pastel. La touche est fuide et légère, la ligne est souple et les compositions relativement dépouillées. Par la suite, le chromatisme devient plus chaud, et la surface se fait mobile, fouillée, parfois même vigoureuse. Le présent tableau offre une combinaison inhabituelle et très réussie de ces deux façons, à la croisée des chemins. En effet, sous le fort soleil d’hiver, la pierre et l’esplanade se parent d’ombres profondes et tranchées, la lumière crue projetant un éclairage puissant qui, s’il est caractéristique du midi hors saison, n‘est pas évocateur de la douceur méridionale. Mais tout à la fois, le bleu du ciel, les jaunes, ocres et orange qui parsèment la composition réchauffent l’atmosphère générale de ce dimanche ensoleillé. De même, de grandes surfaces colorées, très peu fragmentées, coexistent avec les zones riches et délicatement détaillées des arbres et du muret au premier plan, à gauche.
La Chapelle Notre-Dame de Protection au Haut-de-Cagnes se distingue nettement de nombre de tableaux exécutés à la même période. En effet, les forces physiques de l’artiste déclinant, tandis que persistent des contraintes financières, il réalise quantité de paysages, natures mortes ou petits portraits esquissés rapidement, parfois sur une même toile. Ils sont ensuite vendus sans difficultés par Vollard ou Durand-Ruel, générant un revenu obtenu aussi rapidement que sans effort. Si ces ébauches présentent artistiquement l’avantage de permettre une grande liberté d’exécution et d’expérimentation, elles n’ont pas l’éclat de ses compositions plus ambitieuses, et suscitèrent à juste titre certaines critiques virulentes à l’époque.
La présente oeuvre est quant à elle d’exécution parfaitement achevée et étudiée, et témoigne du génie que Renoir peut pleinement exprimer quand il s’applique à mettre une certaine discipline au service de ses dons, de sa facilité innée. Cette qualité indiscutable lui valut d’intégrer la magnifque collection du célèbre parfumeur Jacques Guerlain. Très grand amateur d’art aux goûts éclectiques, il réunit avec son épouse un ensemble époustouflant d’art oriental, de porcelaine, de mobilier, de livres anciens et de toiles, parmi lesquelles des oeuvres de Francisco Goya , Édouard Manet et Claude Monet. Chérissant sa collection, qui décorait l’hôtel particulier de la rue Murillo, il vouait une adoration particulière à ses tableaux impressionnistes, qu’il admirait cérémonieusement et invariablement chaque matin, avant de commencer sa journée.
Around 1880, Pierre-Auguste Renoir experienced a period of doubt and questioning about his art. He wondered about the limits and the future of impressionism and about his own painting: “I am still in this disease of research. I am not happy and I erase and erase again […] I am like children at school. The white page must always be written well and then bam…a blot! I am still at the blot stage and I am forty years old“ (cited in Renoir, Paris, 1970, p. 145). Tired of Paris social life, he left for the Mediterranean, hoping to fnd
in the cradle of western art an answer to his uncertainties and that his final identity as an artist would emerge.
After travelling to Italy, he discovered Provence in 1882, when he visited his great friend Paul Cézanne. The painter was soon overcome by the magic of Provence: “ in this country, it seems that no misfortune can reach you. You live in a protected atmosphere” (cited in Renoir, exhibition catalogue, Paris, 1985, p. 298). In 1903, he bought a frst plot of land in Cagnes and spent ever longer periods of time with his family in the South of France. 1905, the year when this work was painted was a pivotal one for Renoir. Before this time, his palette contained few bright colours, with sometimes cold and austere tones or occasionally soft pastel ones. His stroke was fuid and light, his line fexible and his compositions relatively restrained. After that his colours became warmer and surfaces more mobile, more researched, even forceful at times. This painting offers an unusual and very successful association of these two styles, at a crossroads one could say. Under the strong winter sun, stone and esplanade are adorned with deep and clear-cut shadows, the strong raw light, typical of the South of France out of season, does not evoke the gentleness of Provence. But all together, the blue of the sky, the yellows, ochre and oranges which dot the composition give warmth to the general atmosphere of a Sunday bathed in sunshine. Similarly, large coloured surfaces, which are almost unbroken, coexist with the rich and delicately detailed areas of the trees and the low wall on the left of the foreground.
La Chapelle Notre-Dame de Protection au Haut-de-Cagnes stands out from the majority of paintings of the same period. As the artist’s health declined, together with persistent fnancial constraints, he executed a large number of landscapes, still lives or quickly sketched small portraits, sometimes together on the same canvas. They were then quickly sold by Vollard or Durand-Ruel, offering him an effortless and rapid source income. If these sketches had the artistic advantage of giving him great freedom of execution and experimentation, they do not have the radiance of his more ambitious works and rightly attracted some severe criticism at the time.
The work here is accomplished, perfectly executed and studied and testifes to the genius Renoir can fully express when he applies a certain degree of discipline to his gifts and to his innate ability. Thanks to its high quality, this painting became part of the magnifcent collection of the perfumer, Jacques Guerlain. A great art lover, with eclectic tastes, he and his wife put together a remarkable collection of oriental art, porcelain, furniture, antiquarian books and paintings, and including works by Francisco Goya, Édouard Manet and Claude Monet, among others. Jacques Guerlain cherished his collection, which was housed in his town house rue Murillo in Paris, and specially loved his impressionist paintings, which he admired with great ceremony each morning, before starting his day.
Vers 1880, Pierre-Auguste Renoir traverse une période de doute et de remise en question artistique. Il s’interroge sur les limites et l’avenir de l’impressionnisme, et de sa propre peinture : «Je suis encore dans la maladie des recherches. Je ne suis pas content et j’efface, j’efface encore […] Je suis comme les enfants à l’école. La page blanche doit toujours être bien écrite et paf !... un pâté ! J’en suis encore aux pâtés, et j’ai quarante ans» (cité in Renoir, Paris, 1970, p. 145). Lassé des mondanités parisiennes, il prend
alors la route de la Méditerranée, avec l’espoir de trouver dans le berceau de l’art occidental une réponse à ses incertitudes, et qu’émerge enfn une forme défnitive de son identité artistique. Après un séjour en Italie, c’est en 1882 qu’il découvre la Provence, alors qu’il rend visite à son grand ami Paul Cézanne. Le charme opère rapidement sur le peintre : «dans ce pays merveilleux, il semble que le malheur ne puisse vous atteindre. On y vit dans une atmosphère ouatée» (cité in Renoir, catalogue d’exposition, Paris, 1985, p. 298). Dès 1903, le peintre achète un premier terrain à Cagnes et passe avec sa famille des périodes de plus en plus longues dans le Sud. 1905, l’année où la présente oeuvre est réalisée, est charnière pour Renoir. Avant cette date, la palette ne comprend que peu de couleurs vives, offrant des tons tantôt froids et austères, tantôt doux et pastel. La touche est fuide et légère, la ligne est souple et les compositions relativement dépouillées. Par la suite, le chromatisme devient plus chaud, et la surface se fait mobile, fouillée, parfois même vigoureuse. Le présent tableau offre une combinaison inhabituelle et très réussie de ces deux façons, à la croisée des chemins. En effet, sous le fort soleil d’hiver, la pierre et l’esplanade se parent d’ombres profondes et tranchées, la lumière crue projetant un éclairage puissant qui, s’il est caractéristique du midi hors saison, n‘est pas évocateur de la douceur méridionale. Mais tout à la fois, le bleu du ciel, les jaunes, ocres et orange qui parsèment la composition réchauffent l’atmosphère générale de ce dimanche ensoleillé. De même, de grandes surfaces colorées, très peu fragmentées, coexistent avec les zones riches et délicatement détaillées des arbres et du muret au premier plan, à gauche.
La Chapelle Notre-Dame de Protection au Haut-de-Cagnes se distingue nettement de nombre de tableaux exécutés à la même période. En effet, les forces physiques de l’artiste déclinant, tandis que persistent des contraintes financières, il réalise quantité de paysages, natures mortes ou petits portraits esquissés rapidement, parfois sur une même toile. Ils sont ensuite vendus sans difficultés par Vollard ou Durand-Ruel, générant un revenu obtenu aussi rapidement que sans effort. Si ces ébauches présentent artistiquement l’avantage de permettre une grande liberté d’exécution et d’expérimentation, elles n’ont pas l’éclat de ses compositions plus ambitieuses, et suscitèrent à juste titre certaines critiques virulentes à l’époque.
La présente oeuvre est quant à elle d’exécution parfaitement achevée et étudiée, et témoigne du génie que Renoir peut pleinement exprimer quand il s’applique à mettre une certaine discipline au service de ses dons, de sa facilité innée. Cette qualité indiscutable lui valut d’intégrer la magnifque collection du célèbre parfumeur Jacques Guerlain. Très grand amateur d’art aux goûts éclectiques, il réunit avec son épouse un ensemble époustouflant d’art oriental, de porcelaine, de mobilier, de livres anciens et de toiles, parmi lesquelles des oeuvres de Francisco Goya , Édouard Manet et Claude Monet. Chérissant sa collection, qui décorait l’hôtel particulier de la rue Murillo, il vouait une adoration particulière à ses tableaux impressionnistes, qu’il admirait cérémonieusement et invariablement chaque matin, avant de commencer sa journée.
Around 1880, Pierre-Auguste Renoir experienced a period of doubt and questioning about his art. He wondered about the limits and the future of impressionism and about his own painting: “I am still in this disease of research. I am not happy and I erase and erase again […] I am like children at school. The white page must always be written well and then bam…a blot! I am still at the blot stage and I am forty years old“ (cited in Renoir, Paris, 1970, p. 145). Tired of Paris social life, he left for the Mediterranean, hoping to fnd
in the cradle of western art an answer to his uncertainties and that his final identity as an artist would emerge.
After travelling to Italy, he discovered Provence in 1882, when he visited his great friend Paul Cézanne. The painter was soon overcome by the magic of Provence: “ in this country, it seems that no misfortune can reach you. You live in a protected atmosphere” (cited in Renoir, exhibition catalogue, Paris, 1985, p. 298). In 1903, he bought a frst plot of land in Cagnes and spent ever longer periods of time with his family in the South of France. 1905, the year when this work was painted was a pivotal one for Renoir. Before this time, his palette contained few bright colours, with sometimes cold and austere tones or occasionally soft pastel ones. His stroke was fuid and light, his line fexible and his compositions relatively restrained. After that his colours became warmer and surfaces more mobile, more researched, even forceful at times. This painting offers an unusual and very successful association of these two styles, at a crossroads one could say. Under the strong winter sun, stone and esplanade are adorned with deep and clear-cut shadows, the strong raw light, typical of the South of France out of season, does not evoke the gentleness of Provence. But all together, the blue of the sky, the yellows, ochre and oranges which dot the composition give warmth to the general atmosphere of a Sunday bathed in sunshine. Similarly, large coloured surfaces, which are almost unbroken, coexist with the rich and delicately detailed areas of the trees and the low wall on the left of the foreground.
La Chapelle Notre-Dame de Protection au Haut-de-Cagnes stands out from the majority of paintings of the same period. As the artist’s health declined, together with persistent fnancial constraints, he executed a large number of landscapes, still lives or quickly sketched small portraits, sometimes together on the same canvas. They were then quickly sold by Vollard or Durand-Ruel, offering him an effortless and rapid source income. If these sketches had the artistic advantage of giving him great freedom of execution and experimentation, they do not have the radiance of his more ambitious works and rightly attracted some severe criticism at the time.
The work here is accomplished, perfectly executed and studied and testifes to the genius Renoir can fully express when he applies a certain degree of discipline to his gifts and to his innate ability. Thanks to its high quality, this painting became part of the magnifcent collection of the perfumer, Jacques Guerlain. A great art lover, with eclectic tastes, he and his wife put together a remarkable collection of oriental art, porcelain, furniture, antiquarian books and paintings, and including works by Francisco Goya, Édouard Manet and Claude Monet, among others. Jacques Guerlain cherished his collection, which was housed in his town house rue Murillo in Paris, and specially loved his impressionist paintings, which he admired with great ceremony each morning, before starting his day.