Lot Essay
A la suite d’une visite au musée du Prado à Madrid, en 1977, Jeff Wall décide d’entreprendre la « réinvention d’une tradition picturale », non par le biais de la peinture, mais au moyen de la photographie, qu’il considère comme le médium le plus adapté de l’époque.
En 1978 il entame ainsi sa série Transparencies composée de photographies en couleurs présentées dans des caissons lumineux, dans laquelle il joue sur les apparences, entre impression de clichés pris sur le vif et minutieuse composition. Lors d’un entretien avec Els Barents il évoque ce choix et explique sa fascination pour la technologie : « j’ai vu un panneau lumineux quelque part et ce qui m’a tellement frappé c’est de constater que c’était pour moi la synthèse technologique parfaite. Ce n’était pas de la photographie, ce n’était pas du cinéma, ce n’était pas de la peinture, ce n’était pas de la publicité, mais c’était fortement associé à tout cela. C’était quelque chose d’extrêmement ouvert» (Typologie, luminescence, liberté, 1986)
En se servant de ses connaissances en histoire de l’art et en s’appuyant sur les tableaux de maîtres comme Manet, Degas ou Cézanne, Jeff Wall réalise de grandes fresques aux multiples niveaux de lecture, où la mise en scène joue un rôle central.
Rear View Open-air Theatre est directement inspiré du tableau de Paul Cézanne Le pont de Maincy (1879). « De sa photographie lumineuse, comme du tableau de Cézanne, émerge une même forme symbolique, cette sphère, ce cylindre ou ce cercle dont le pont constitue la première moitié [… ] ces deux œuvres visuelles, chacune à sa manière, par le reflet dans l’eau pour Cézanne, et par la rotondité de ses formes pour Wall, ont restitué au pont sa signification géométrique complète : celle du cercle qui, depuis les philosophies platoniciennes ou néoplatoniciennes, constitue la forme parfaite par excellent. » (Marie-Lyne Piccione et Bernadette Rigal-Cellard, Stratégies du mouvement et du franchissement : la rue et le pont au Canada, 2008)
Jeff Wall est proche de la peinture dans son approche mais aussi du cinéma par le travail de mise en scène qu’il entreprend avant la réalisation de l’image finale : élaboration des décors, lecture du récit, choix de la lumière, direction d’acteur, etc. Toutes ces facettes sont soigneusement revues et corrigées pour nous donner une image dans laquelle rien n’est laissé au hasard ; il bouleverse ainsi le clivage entre fiction et réalité, cher au « peintre de la vie moderne » (Baudelaire).
Following a visit to the Prado Museum in Madrid in 1977, Jeff Wall decided to undertake the “reinvention of a pictorial tradition”, not through painting, but by using photography, which he considered the most suitable medium of the time.
In 1978, he began his Transparencies series, consisting of coloured photographs displayed in light boxes, in which he played on appearances, somewhere between creating an impression of shots taken in real life and careful composition. During an interview with Els Barents, he refers to this choice and explains his fascination with technology: “I saw an illuminated sign somewhere, and it struck me very strongly that here was the perfect synthetic technology for me. It was not photography, it was not cinema, it was not painting, it was not propaganda, but it has strong associations with them all. It was something extremely open”, (Typology, Luminescence, Freedom, 1986).
By drawing on his knowledge of art history and taking inspiration from paintings by masters such as Manet, Degas and Cézanne, Wall created large frescoes with multiple levels of meaning, in which the staging plays a central role.
Rear View Open-air Theatre was directly inspired by Paul Cézanne's The Bridge at Maincy (1879). “The same symbolic form emerges from his light photography, just as in Cézanne’s picture – this sphere, this cylinder, this circle of which the bridge makes up the first half. […] these two visual works, each in their own way, just as the reflection in the water was for Cézanne and the roundness of its forms for Wall, have given the bridge back its complete geometric significance: that of the circle, which, since Platonic and Neoplatonic philosophies, has been the perfect form par excellence.” (Marie-Lyne Piccione and Bernadette Rigal-Cellard, Stratégies du mouvement et du franchissement : la rue et le pont au Canada, 2008).
Jeff Wall's approach is similar to that of painting, but also to that of cinema, due to the staging work he undertakes before creating the final image: developing the site, reading the story, choosing the lighting, directing the actors, etc. All these facets are carefully reviewed to give us an image in which nothing is left to chance; he disrupts the divide between fiction and reality, so dear to the “painter of modern life” (Baudelaire).
En 1978 il entame ainsi sa série Transparencies composée de photographies en couleurs présentées dans des caissons lumineux, dans laquelle il joue sur les apparences, entre impression de clichés pris sur le vif et minutieuse composition. Lors d’un entretien avec Els Barents il évoque ce choix et explique sa fascination pour la technologie : « j’ai vu un panneau lumineux quelque part et ce qui m’a tellement frappé c’est de constater que c’était pour moi la synthèse technologique parfaite. Ce n’était pas de la photographie, ce n’était pas du cinéma, ce n’était pas de la peinture, ce n’était pas de la publicité, mais c’était fortement associé à tout cela. C’était quelque chose d’extrêmement ouvert» (Typologie, luminescence, liberté, 1986)
En se servant de ses connaissances en histoire de l’art et en s’appuyant sur les tableaux de maîtres comme Manet, Degas ou Cézanne, Jeff Wall réalise de grandes fresques aux multiples niveaux de lecture, où la mise en scène joue un rôle central.
Rear View Open-air Theatre est directement inspiré du tableau de Paul Cézanne Le pont de Maincy (1879). « De sa photographie lumineuse, comme du tableau de Cézanne, émerge une même forme symbolique, cette sphère, ce cylindre ou ce cercle dont le pont constitue la première moitié [… ] ces deux œuvres visuelles, chacune à sa manière, par le reflet dans l’eau pour Cézanne, et par la rotondité de ses formes pour Wall, ont restitué au pont sa signification géométrique complète : celle du cercle qui, depuis les philosophies platoniciennes ou néoplatoniciennes, constitue la forme parfaite par excellent. » (Marie-Lyne Piccione et Bernadette Rigal-Cellard, Stratégies du mouvement et du franchissement : la rue et le pont au Canada, 2008)
Jeff Wall est proche de la peinture dans son approche mais aussi du cinéma par le travail de mise en scène qu’il entreprend avant la réalisation de l’image finale : élaboration des décors, lecture du récit, choix de la lumière, direction d’acteur, etc. Toutes ces facettes sont soigneusement revues et corrigées pour nous donner une image dans laquelle rien n’est laissé au hasard ; il bouleverse ainsi le clivage entre fiction et réalité, cher au « peintre de la vie moderne » (Baudelaire).
Following a visit to the Prado Museum in Madrid in 1977, Jeff Wall decided to undertake the “reinvention of a pictorial tradition”, not through painting, but by using photography, which he considered the most suitable medium of the time.
In 1978, he began his Transparencies series, consisting of coloured photographs displayed in light boxes, in which he played on appearances, somewhere between creating an impression of shots taken in real life and careful composition. During an interview with Els Barents, he refers to this choice and explains his fascination with technology: “I saw an illuminated sign somewhere, and it struck me very strongly that here was the perfect synthetic technology for me. It was not photography, it was not cinema, it was not painting, it was not propaganda, but it has strong associations with them all. It was something extremely open”, (Typology, Luminescence, Freedom, 1986).
By drawing on his knowledge of art history and taking inspiration from paintings by masters such as Manet, Degas and Cézanne, Wall created large frescoes with multiple levels of meaning, in which the staging plays a central role.
Rear View Open-air Theatre was directly inspired by Paul Cézanne's The Bridge at Maincy (1879). “The same symbolic form emerges from his light photography, just as in Cézanne’s picture – this sphere, this cylinder, this circle of which the bridge makes up the first half. […] these two visual works, each in their own way, just as the reflection in the water was for Cézanne and the roundness of its forms for Wall, have given the bridge back its complete geometric significance: that of the circle, which, since Platonic and Neoplatonic philosophies, has been the perfect form par excellence.” (Marie-Lyne Piccione and Bernadette Rigal-Cellard, Stratégies du mouvement et du franchissement : la rue et le pont au Canada, 2008).
Jeff Wall's approach is similar to that of painting, but also to that of cinema, due to the staging work he undertakes before creating the final image: developing the site, reading the story, choosing the lighting, directing the actors, etc. All these facets are carefully reviewed to give us an image in which nothing is left to chance; he disrupts the divide between fiction and reality, so dear to the “painter of modern life” (Baudelaire).