Lot Essay
«[Peinture 222 x 222 cm, 8 juin 2001] est une de ces toiles que l’on quitte en songeant qu’on partage avec elle un secret qui restera secret.»
Pierre Encrevé, Soulages, L’œuvre complet, Peintures IV. 1997-2013, Paris, 2015, p. 46.
Réalisée au début du mois de juin 2001, quelques jours après le vernissage de l’exposition consacrée à Soulages au musée de l’Ermitage à Saint Pétersbourg, Peinture 222 x 222 cm, 8 juin 2001 donne à voir de larges aplats outrenoir qui balaient la toile dans toute son horizontalité, séparés par douze étroites rainures plus épaisses, l’une – la plus haute – laissée blanche, les autres couvertes d’un jus noir d’ivoire. Soulages avait commencé deux ans plus tôt à s’intéresser à ce type de compositions par empreintes et aux jeux des contrastes noir/blanc qui en naissaient. Ici, par l’utilisation du noir d’ivoire délavé, il pousse ces explorations à un niveau de raffinement supérieur. Comme le suggère Pierre Encrevé à propos de cette œuvre, « émane du contraste entre le blanc, le noir et ces fines bandes d’un noir ‘clair’ transparent atténuant la violence du contact l’opacité du vrai noir, une double lumière troublante, sensuelle et pleine de mystère. »
La monumentalité de l’œuvre et le calme apparent de sa composition instillent chez celui qui la regarde un sentiment méditatif. Comme depuis les premiers Outrenoirs, au gré des variations de la lumière et de l’emplacement depuis lequel on l’observe, le tableau est un espace qui se construit et se déconstruit sans cesse. Tantôt les bandes d’acrylique sombre semblent absorber la lumière tandis que les empâtements interstitiels renvoient nerveusement comme des éclairs d’acier. Tantôt c’est l’inverse, et les longs aplats paraissent briller à leur tour alors que s’apaisent délicatement les jointures de matière. L’espace du tableau n’est pas seulement délimité par la surface de la toile, il intègre avec lui le spectateur par l’intermède de la lumière, dans une relation constamment renouvelée. Voilà probablement dès lors l’expérience la plus saisissante à laquelle nous invite l’outrenoir et dont Peinture 222 x 222 cm, 8 juin 2001 offre un exemple emblématique : celle de notre radicale solitude face à l’œuvre regardée.
“[Peinture 222 x 222 cm, 8 juin 2001] is one of those canvases that you leave thinking that you share a secret with it that will remain secret.”
Pierre Encrevé, Soulages, L’œuvre complet, Peintures IV. 1997-2013, Paris, 2015, p. 46.
Made at the beginning of June 2001, a few days after the private view of the Soulages exhibition at the Hermitage Museum in Saint Petersburg, Peinture 222 x 222 cm, 8 juin 2001 shows large flat areas of ultrablack that sweep horizontally across the whole canvas, separated by twelve thicker narrow grooves, one – the topmost – left white, the rest covered with a thin coat of ivory black. Soulages had started to become interested in this type of imprinted composition and the interplay of black/white contrasts arising from them two years earlier. Here, through the use of an ivory black wash he pushes these explorations to a higher level of sophistication. As Pierre Encrevé suggests, this work, “emanates from the contrast between the white, the black and these fine bands of “light” transparent black softening the violence of the contact with the opacity of the true black, a disturbing, sensual light full of mystery.”
The monumentality of the work and the apparent tranquillity of its composition instills a meditative feeling in those who look at it. As from the first Outrenoirs, as the light and position from which it is seen varies so the picture is a space constantly constructed and deconstructed. Sometimes the dark acrylic bands seem to absorb the light while the interstitial areas of impasto nervously reflect them like flashes of steel. Sometimes it’s the other way round, and the long flat areas seem to glow in their turn while the flashes where the material joins gently subside. The space of the picture is not only defined by the area of the canvas, the light makes the viewer an integral part of it, in a constantly rejuvenated relationship. This is probably the most striking experience to which ultrablack will ever invite us and of which Peinture 222 x 222 cm, 8 juin 2001 offers an emblematic example: that of our extreme solitude when faced with the work viewed.
Pierre Encrevé, Soulages, L’œuvre complet, Peintures IV. 1997-2013, Paris, 2015, p. 46.
Réalisée au début du mois de juin 2001, quelques jours après le vernissage de l’exposition consacrée à Soulages au musée de l’Ermitage à Saint Pétersbourg, Peinture 222 x 222 cm, 8 juin 2001 donne à voir de larges aplats outrenoir qui balaient la toile dans toute son horizontalité, séparés par douze étroites rainures plus épaisses, l’une – la plus haute – laissée blanche, les autres couvertes d’un jus noir d’ivoire. Soulages avait commencé deux ans plus tôt à s’intéresser à ce type de compositions par empreintes et aux jeux des contrastes noir/blanc qui en naissaient. Ici, par l’utilisation du noir d’ivoire délavé, il pousse ces explorations à un niveau de raffinement supérieur. Comme le suggère Pierre Encrevé à propos de cette œuvre, « émane du contraste entre le blanc, le noir et ces fines bandes d’un noir ‘clair’ transparent atténuant la violence du contact l’opacité du vrai noir, une double lumière troublante, sensuelle et pleine de mystère. »
La monumentalité de l’œuvre et le calme apparent de sa composition instillent chez celui qui la regarde un sentiment méditatif. Comme depuis les premiers Outrenoirs, au gré des variations de la lumière et de l’emplacement depuis lequel on l’observe, le tableau est un espace qui se construit et se déconstruit sans cesse. Tantôt les bandes d’acrylique sombre semblent absorber la lumière tandis que les empâtements interstitiels renvoient nerveusement comme des éclairs d’acier. Tantôt c’est l’inverse, et les longs aplats paraissent briller à leur tour alors que s’apaisent délicatement les jointures de matière. L’espace du tableau n’est pas seulement délimité par la surface de la toile, il intègre avec lui le spectateur par l’intermède de la lumière, dans une relation constamment renouvelée. Voilà probablement dès lors l’expérience la plus saisissante à laquelle nous invite l’outrenoir et dont Peinture 222 x 222 cm, 8 juin 2001 offre un exemple emblématique : celle de notre radicale solitude face à l’œuvre regardée.
“[Peinture 222 x 222 cm, 8 juin 2001] is one of those canvases that you leave thinking that you share a secret with it that will remain secret.”
Pierre Encrevé, Soulages, L’œuvre complet, Peintures IV. 1997-2013, Paris, 2015, p. 46.
Made at the beginning of June 2001, a few days after the private view of the Soulages exhibition at the Hermitage Museum in Saint Petersburg, Peinture 222 x 222 cm, 8 juin 2001 shows large flat areas of ultrablack that sweep horizontally across the whole canvas, separated by twelve thicker narrow grooves, one – the topmost – left white, the rest covered with a thin coat of ivory black. Soulages had started to become interested in this type of imprinted composition and the interplay of black/white contrasts arising from them two years earlier. Here, through the use of an ivory black wash he pushes these explorations to a higher level of sophistication. As Pierre Encrevé suggests, this work, “emanates from the contrast between the white, the black and these fine bands of “light” transparent black softening the violence of the contact with the opacity of the true black, a disturbing, sensual light full of mystery.”
The monumentality of the work and the apparent tranquillity of its composition instills a meditative feeling in those who look at it. As from the first Outrenoirs, as the light and position from which it is seen varies so the picture is a space constantly constructed and deconstructed. Sometimes the dark acrylic bands seem to absorb the light while the interstitial areas of impasto nervously reflect them like flashes of steel. Sometimes it’s the other way round, and the long flat areas seem to glow in their turn while the flashes where the material joins gently subside. The space of the picture is not only defined by the area of the canvas, the light makes the viewer an integral part of it, in a constantly rejuvenated relationship. This is probably the most striking experience to which ultrablack will ever invite us and of which Peinture 222 x 222 cm, 8 juin 2001 offers an emblematic example: that of our extreme solitude when faced with the work viewed.