Lot Essay
« J’ai besoin de sentir la vie devant moi et de la saisir tout entière,
telle qu’elle m’entre dans la peau. »
Nicolas de Staël
(cité in L. Harambourg, L’Ecole de Paris 1945-1965,
Dictionnaire des peintres, Neuchâtel, 1993, p. 451).
Né à Saint-Pétersbourg, où la Neva se déverse dans la mer Baltique, Nicolas de Staël a toujours gardé une fascination pour les zones littorales, les ports et les estuaires, lieux où les eaux se mélangent au ciel dans une incessante métamorphose de couleurs et de lumières. Installé en France, il retrouve dans les cités portuaires du Nord – Honfleur, Le Havre, Dieppe, Calais – la fraîche clarté et les émotions chromatiques de ses premières années. Réalisé en 1952, Honfleur offre un somptueux exemple de l’art de Nicolas de Staël, funambule dansant sur la corde raide séparant figuration et abstraction. En effet, les peintures qu’il réalise à cette époque opèrent la synthèse de ces deux courants souvent présentés comme antagoniques : « je n’oppose pas la peinture abstraite à la peinture figurative. Une peinture devrait être à la fois abstraite et figurative. Abstraite en tant que mur, figurative en tant que représentation d’un espace » (Nicolas de Staël cité in J. Alvard et R. van Gindertaël, Témoignages pour l’art abstrait, Paris, 1952). Ainsi, l’abstraction de Nicolas de Staël, même poussée à son expression la plus radicale, semble toujours conserver l’empreinte de son expérience du paysage : la juxtaposition de pavés de couleurs les uns à côtés des autres dans Honfleur ne correspond pas à une démarche de construction purement géométrique, elle « cherche à créer un rythme qui donne à voir le mouvement même de la vie » (M. Collot, « Abstraction, horizon, émotion » in Nicolas de Staël, Lumières du Nord / Lumières du Sud, catalogue d’exposition, Le Havre, Musée d’art moderne André Malraux, juin-novembre 2014, p. 48).
Ici, travaillant la peinture au couteau en de larges aplats de matière épaisse, l’artiste offre le spectacle des infinies variations de la lumière, glissant de l’océan jusqu’à la grève, dont les reflets rosés rappellent ceux que les rayons du soleil impriment aux choses en fin de journée. Au-dessus, le ciel tourmenté donne dans l’anthracite, le gris perle et le bleu de cobalt. La superposition des couches de peinture fait de Honfleur un palimpseste où viennent tout à coup surgir des blancs vifs, des jaunes ou des verts, comme autant d’éclairs de couleurs. Seules trois formes noires quelque peu mystérieuses – peut-être les présences fantomatiques de quelques embarcations déposées sur le sable à marée basse – viennent perturber la solitude de ce bord de mer. C’est là le génie de Nicolas de Staël, donnant à voir toute l’intensité d’un en faisant preuve d’une économie de moyens maximale. Ricochant sur les formes, tanguant sur les flots baignés des lumières de la Manche, l’œil de celui qui se plonge dans Honfleur ne peut qu’être saisi par le rythme presque musical d’un tableau dont on se souviendra peut-être qu’il a été réalisé dans la ville qui a vu naître Erik Satie.
“I need to feel life in front of me and grasp every part of it, so that it gets under my skin.”
Nicolas de Staël
(quoted in L. Harambourg, L’Ecole de Paris 1945-1965,
Dictionnaire des peintres, Neuchâtel, 1993, p. 451).
Born in Saint Petersburg, where the Neva flows into the Baltic Sea, Nicolas de Staël has always had a fascination for coastal areas, ports and estuaries, places where water merges into sky in a constant metamorphosis of colour and light. Settled in France, in the coastal towns of the North – Honfleur, Le Havre, Dieppe, Calais – he rediscovered the cool clarity and emotions of colour of his early years. Painted in 1952, Honfleur is a magnificent example of the art of Nicolas de Staël, a funambulist dancing the tightrope separating the figurative from abstraction. Indeed, the paintings he made in this period synthesised these two movements, often presented as antagonistic: “For me, abstract painting and figurative painting are not opposites. A painting should be both abstract and figurative. Abstract insofar as it is a wall, figurative insofar as it represents a space” (Nicolas de Staël quoted in J. Alvard & R. van Gindertaël, Témoignages pour l’art abstrait (Testimonials for abstract art), Paris, 1952). Thus the abstraction of Nicolas de Staël, even pushed to its most radical expression, always seems to bear the imprint of his experience of landscape: the juxtaposition of slabs of colour one beside the other in Honfleur does not correspond to a purely geometric structural approach, it “seeks to create a rhythm that reveals the very movement of life” (M. Collot, “Abstraction, horizon, emotion” in Nicolas de Staël, Lumières du Nord / Lumières du Sud [Northern Lights – Southern Lights], exhibition catalogue, Le Havre, André Malraux Museum of Modern Art, June-November 2014, p. 48).
Here, working the paint with a palette knife in broad flat areas of thick impasto, the artist offers a display of infinite variations of light, sliding from sea to shore, whose rose-tinted reflections recall the glow that the sun casts over things at the end of the day. Above, a tormented sky depicted in anthracite, pearl grey and cobalt blue. The superposition of layers of paint makes Honfleur a palimpsest from which bright whites, yellows and greens suddenly appear, like lightening flashes of colour. Only three slightly mysterious forms – perhaps the ghostly presence of small boats left on the sand at low water – disrupt the solitude of this seashore. This is the genius of Nicolas de Staël, showing a subject in all its intensity with the maximum economy. Skimming over forms, bobbing over fleets of boats bathed in Channel light, the gaze of anyone immersing themselves in Honfleur cannot fail to be struck by the almost musical rhythm of a picture, which, it may be remembered, was painted in the town where Erik Satie was born.
telle qu’elle m’entre dans la peau. »
Nicolas de Staël
(cité in L. Harambourg, L’Ecole de Paris 1945-1965,
Dictionnaire des peintres, Neuchâtel, 1993, p. 451).
Né à Saint-Pétersbourg, où la Neva se déverse dans la mer Baltique, Nicolas de Staël a toujours gardé une fascination pour les zones littorales, les ports et les estuaires, lieux où les eaux se mélangent au ciel dans une incessante métamorphose de couleurs et de lumières. Installé en France, il retrouve dans les cités portuaires du Nord – Honfleur, Le Havre, Dieppe, Calais – la fraîche clarté et les émotions chromatiques de ses premières années. Réalisé en 1952, Honfleur offre un somptueux exemple de l’art de Nicolas de Staël, funambule dansant sur la corde raide séparant figuration et abstraction. En effet, les peintures qu’il réalise à cette époque opèrent la synthèse de ces deux courants souvent présentés comme antagoniques : « je n’oppose pas la peinture abstraite à la peinture figurative. Une peinture devrait être à la fois abstraite et figurative. Abstraite en tant que mur, figurative en tant que représentation d’un espace » (Nicolas de Staël cité in J. Alvard et R. van Gindertaël, Témoignages pour l’art abstrait, Paris, 1952). Ainsi, l’abstraction de Nicolas de Staël, même poussée à son expression la plus radicale, semble toujours conserver l’empreinte de son expérience du paysage : la juxtaposition de pavés de couleurs les uns à côtés des autres dans Honfleur ne correspond pas à une démarche de construction purement géométrique, elle « cherche à créer un rythme qui donne à voir le mouvement même de la vie » (M. Collot, « Abstraction, horizon, émotion » in Nicolas de Staël, Lumières du Nord / Lumières du Sud, catalogue d’exposition, Le Havre, Musée d’art moderne André Malraux, juin-novembre 2014, p. 48).
Ici, travaillant la peinture au couteau en de larges aplats de matière épaisse, l’artiste offre le spectacle des infinies variations de la lumière, glissant de l’océan jusqu’à la grève, dont les reflets rosés rappellent ceux que les rayons du soleil impriment aux choses en fin de journée. Au-dessus, le ciel tourmenté donne dans l’anthracite, le gris perle et le bleu de cobalt. La superposition des couches de peinture fait de Honfleur un palimpseste où viennent tout à coup surgir des blancs vifs, des jaunes ou des verts, comme autant d’éclairs de couleurs. Seules trois formes noires quelque peu mystérieuses – peut-être les présences fantomatiques de quelques embarcations déposées sur le sable à marée basse – viennent perturber la solitude de ce bord de mer. C’est là le génie de Nicolas de Staël, donnant à voir toute l’intensité d’un en faisant preuve d’une économie de moyens maximale. Ricochant sur les formes, tanguant sur les flots baignés des lumières de la Manche, l’œil de celui qui se plonge dans Honfleur ne peut qu’être saisi par le rythme presque musical d’un tableau dont on se souviendra peut-être qu’il a été réalisé dans la ville qui a vu naître Erik Satie.
“I need to feel life in front of me and grasp every part of it, so that it gets under my skin.”
Nicolas de Staël
(quoted in L. Harambourg, L’Ecole de Paris 1945-1965,
Dictionnaire des peintres, Neuchâtel, 1993, p. 451).
Born in Saint Petersburg, where the Neva flows into the Baltic Sea, Nicolas de Staël has always had a fascination for coastal areas, ports and estuaries, places where water merges into sky in a constant metamorphosis of colour and light. Settled in France, in the coastal towns of the North – Honfleur, Le Havre, Dieppe, Calais – he rediscovered the cool clarity and emotions of colour of his early years. Painted in 1952, Honfleur is a magnificent example of the art of Nicolas de Staël, a funambulist dancing the tightrope separating the figurative from abstraction. Indeed, the paintings he made in this period synthesised these two movements, often presented as antagonistic: “For me, abstract painting and figurative painting are not opposites. A painting should be both abstract and figurative. Abstract insofar as it is a wall, figurative insofar as it represents a space” (Nicolas de Staël quoted in J. Alvard & R. van Gindertaël, Témoignages pour l’art abstrait (Testimonials for abstract art), Paris, 1952). Thus the abstraction of Nicolas de Staël, even pushed to its most radical expression, always seems to bear the imprint of his experience of landscape: the juxtaposition of slabs of colour one beside the other in Honfleur does not correspond to a purely geometric structural approach, it “seeks to create a rhythm that reveals the very movement of life” (M. Collot, “Abstraction, horizon, emotion” in Nicolas de Staël, Lumières du Nord / Lumières du Sud [Northern Lights – Southern Lights], exhibition catalogue, Le Havre, André Malraux Museum of Modern Art, June-November 2014, p. 48).
Here, working the paint with a palette knife in broad flat areas of thick impasto, the artist offers a display of infinite variations of light, sliding from sea to shore, whose rose-tinted reflections recall the glow that the sun casts over things at the end of the day. Above, a tormented sky depicted in anthracite, pearl grey and cobalt blue. The superposition of layers of paint makes Honfleur a palimpsest from which bright whites, yellows and greens suddenly appear, like lightening flashes of colour. Only three slightly mysterious forms – perhaps the ghostly presence of small boats left on the sand at low water – disrupt the solitude of this seashore. This is the genius of Nicolas de Staël, showing a subject in all its intensity with the maximum economy. Skimming over forms, bobbing over fleets of boats bathed in Channel light, the gaze of anyone immersing themselves in Honfleur cannot fail to be struck by the almost musical rhythm of a picture, which, it may be remembered, was painted in the town where Erik Satie was born.