JEAN-MICHEL BASQUIAT (1960-1988)
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JEAN-MICHEL BASQUIAT (1960-1988)

Jim Crow

Details
JEAN-MICHEL BASQUIAT (1960-1988)
Jim Crow
titré '"JIM CROW"' (dans la composition); signé des initiales, titré et daté '"JIM CROW" jmb 86-' (au dos)
acrylique et crayon gras sur bois
205.3 x 244 x 4 cm. (80 7/8 x 96 1/8 x 1 5/8 in.)
Peint en 1986.
Provenance
Galerie Bruno Bischofberger, Zurich
Collection Olivier Stahel, Saint-Moritz
Vente anonyme, Christie's, Londres, 3 décembre 1992, lot 65
Galerie Enrico Navarra, Paris
Acquis auprès de celle-ci en 1995
Literature
R.D. Marshall et J.-L. Prat, Jean-Michel Basquiat, Vol. I, Paris, 1996 (illustré en couleurs p. 8).
R.D. Marshall et J.-L. Prat, Jean-Michel Basquiat, Paris, 2000 (illustré en couleurs p. 319).
R.D. Marshall et J.-L. Prat, Jean-Michel Basquiat, Paris, 2000, No. 3 (illustré en couleurs p. 249).
Exhibited
Paris, Musée-Galerie de la Seita, Jean-Michel Basquiat. Peinture, dessin, écriture, décembre 1993-février 1994 (illustré en couleurs au catalogue d'exposition p. 98).
Tokyo, Mitsukoshi Museum of Art, Jean-Michel Basquiat, octobre-novembre, 1997, (p. 21).
New York, Brooklyn Museum of Art, (mars-juin); Los Angeles, Museum of Contemporary Art (juillet-octobre); Houston, Museum of Fine Arts (novembre-février), Basquiat, 2005-2006, illustré en couleurs au catalogue d'exposition p. 147.
La Nouvelle-Orléans, Ogden Museum of Southern Art, Basquiat and the Bayou Presented by The Helis Foundation, octobre 2014-janvier 2015, No. 8 (une photo de l'artiste devant le tableau illustrée p. 24; illustré p. 65).
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'JIM CROW'; TITLED IN THE COMPOSITION; SIGNED WITH INITIALS, TITLED AND DATED ON THE REVERSE; ACRYLIC AND OILSTICK ON WOOD.

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Paul Nyzam
Paul Nyzam

Lot Essay

« Le titre de beaucoup d’oeuvres de Basquiat - “Irony of the Black Policeman”(Ironie du policier noir), “Jim Crow”, “History of Black People”(Histoire des Noirs), “Nothing to be Gained Here”(Rien à gagner ici), “Most Young Kings Get Their Head Cut Off”(Presque tous les jeunes rois sont décapités), “Origin of Cotton”(Origine du coton), “Famous Negro Athletes” (Athlètes noirs célèbres), “Slave Auction,”(Vente aux enchères desclaves), “Oreo” - ainsi que leurs sujets indiquent que Basquiat n’a jamais perdu le sens de sa place dans le monde de l’art blanc. En effet, Basquiat était amèrement conscient de son pacte faustien. »

“The title of many of Basquiat’s paintings — Irony of the Black Policeman, Jim Crow, History of Black People, Nothing to be Gained Here, Most Young Kings Get Their Head Cut Off, Origin of Cotton, Famous Negro Athletes, Slave Auction, Oreo — as well as their subject matter indicate that Basquiat never lost his sense of where he fit into the white art world. Indeed, Basquiat was bitterly aware of his Faustian bargain”

Phoebe Hoban, Basquiat: A Quick Killing in Art (P. Hoban, Basquiat: A Quick Killing in Art, New York, 2016).


Au travers d’une vaste surface de planches de bois blanchies à la chaux, une silhouette sombre et menaçante plane comme une apparition fantomatique. Le visage presque dépourvu de traits est dominé par une paire d’yeux endiablés qui brille dans le contour rouge au crayon à huile de Basquiat ; cette tête massive repose sur un corps complètement décharné. Deux bras maigres et tendus se terminent en poings serrés, le reste de la silhouette se dissout en une composition squelettique de côtes et de membres. Derrière cette silhouette coule un ruban bleu et blanc, qui représente les eaux du puissant Mississippi, le plus grand fleuve des États-Unis et la barrière naturelle qui divise le pays d’est en ouest. Comme pour relever l’importance culturelle et spirituelle de ce phénomène naturel, Basquiat en épelle le nom à la surface de l’eau même, avant de le répéter une douzaine de fois partout dans la composition. Alors que d’autres rivières sont mentionnées - la Tamise, l’Hudson et l’Ohio - le fait que le Mississippi est nommé de façon répétitive souligne son importance non seulement pour l’artiste, mais aussi pour l’histoire américaine. Au dessus de cet ensemble, planant de façon menaçante, quasi omnipotent, se trouve l’un des noms les plus évocateurs de l’histoire américaine, Jim Crow.

Cette composition saisissante et évocatrice est l’une des oeuvres les plus intenses et les plus obsédantes de Jean-Michel Basquiat. Elle fait écho non seulement à l’histoire personnelle de l’artiste mais aussi aux nombreuses populations du sud des États-Unis qui ont souffert de l’oppression des « Lois Jim Crow » qui ont régi leur vie pendant plus d’un siècle. Ainsi, la silhouette spectrale qui occupe le centre de la composition devient non seulement un autoportrait de l’artiste, mais aussi la voix de millions d’inconnus sans visage ayant vécu au cours de l’une des périodes les plus sombres de l’histoire américaine.

Dans de grandes parties du sud des États-Unis, les lois dites Jim Crow restreignaient les droits civils des personnes et dominaient l’intégralité de leur existence quotidienne. Ces lois organisant la ségrégation raciale – qu’elles relèvent des états ou d’entités plus locales – sont à l’origine mises en place par des législatures démocrates blanches à la fin du XIXe siècle. Elles exigent la ségrégation des lieux publics, des écoles et des transports, ainsi que la séparation des toilettes, restaurants et distributeurs d’eau entre noirs et blancs. En dépit de leur nom, les lois Jim Crow ne portent pas le nom d’une personne réelle, elles le tirent d’un personnage de fiction interprété par un acteur blanc appelé Thomas Dartmouth « Daddy » Rice, au début des années 1830. Rice devient célèbre pour ses numéros de minstrel, personnage au visage et aux mains noircis, où il interprète le personnage de Jim Crow - caricature d’un esclave noir maladroit et stupide, que Rice déclare avoir créé après avoir vu un homme noir américain âgé chanter un air intitulé « Jump Jim Crow » dans le Kentucky.

Fils d’immigrants haïtiens et portoricains, Basquiat grandit à New York au cours des années 1960 et 1970, et aura fait l’expérience des mêmes inégalités raciales que celles vécues par une grande partie de sa génération. En 1986, l’artiste a trouvé sa place d’enfant prodige du monde de l’art ; pourtant, en tant que jeune noir américain dans une ville en proie aux troubles sociaux, il rencontre toujours la discrimination dans sa vie quotidienne. Alors que ses tableaux atteignent des sommes toujours plus élevées et que son art est salué partout dans le monde, le jeune artiste a souvent du mal à héler un taxi dans son quartier du Lower East Side. Alors même que sa carrière atteint des sommets, il est toujours conscient de la discrimination qui le poursuit ; il ressent toujours les effets de « Jim Crow » de façon quotidienne.

Dans les oeuvres antérieures où il tente d’affronter ce racisme, Basquiat cherche souvent à élever ses héros – sportifs et musiciens noirs américains – au statut de dieux. Il immortalise ainsi tout un panthéon d’athlètes (surtout des boxeurs) dans ses tableaux, y compris des légendes comme Cassius Clay (plus tard Muhammad Ali), Jersey Joe Walcott et Joe Louis. Basquiat lit avidement sur ces personnages et connait parfaitement tous les détails de leur vie et de leurs succès, qu’il transpose ensuite dans sa peinture. Il admire particulièrement la façon dont chacun de ces athlètes a défié les préjudices raciaux et les injustices sociales, et se sont littéralement battus pour atteindre le succès. Joe Louis en particulier est connu pour avoir joué un rôle important dans la promotion de l’intégration raciale dans le domaine du sport et Muhammad Ali devient dans les années 1960 et 1970 (pendant les années de formation de Basquiat à l’adolescence) l’un des symboles les plus visibles de la contestation sociale, ce pour quoi il est à la fois largement admiré et critiqué.

Le fleuve Mississippi, division psychologique et géographique du pays, est l’un des lieux les plus importants de l’imaginaire américain. Témoin du passé le plus trouble du pays, il est aussi célébré par des écrivains comme Mark Twain, entre autres. Dans son essai pour le catalogue d’exposition Basquiat and the Bayou (où figurait l’oeuvre présente), le conservateur Franklin Sirmans dit à propos de l’importance du fleuve pour la conscience américaine, «… le fleuve Mississippi est un espace psychologique fondamental de l’histoire américaine, reconnu dans le monde entier. Souvent associé avec le sud et avec la division du pays pour ou contre l’esclavage, le fleuve représente le pays dans toute sa complexité bourbeuse » (F. Sirmans, “Basquiat and the Bayou,” in F. Sirmans, Basquiat and the Bayou, catalogue d’exposition, New Orleans, 2015, p. 23).

Outre ses images frappantes, Basquiat a également recours à un support inhabituel pour ajouter à l’impact de son travail, constitué de planches de bois peintes. L’artiste aime utiliser toutes sortes de matériaux à sa disposition comme base de ses tableaux et, tout au long de sa carrière, il s’est approprié portes, fenêtres et même réfrigérateurs pour en faire des surfaces où donner libre court à son art. Ici, son choix de support semble particulièrement approprié au sujet, car il évoque le matériau de construction utilisé pour beaucoup des maisons des populations les plus pauvres du sud profond. On peut voir la façon fébrile dont Basquiat travaille sur une photographie de ce tableau en cours d’exécution, prise par Dmitri Kasterine, où l’utilisation répétitive du mot Mississippi peut se lire sur un simple fond blanc, avant les ajouts ultérieurs du personnage et de la rivière par l’artiste.

Même s’il est né et a grandi à New York, l’histoire et l’héritage du sud résonnent intensément chez l’artiste, « Basquiat, enfant de la métropole du nouveau monde, livre un dur et long combat contre les ombres du sud » explique Sirmans (F. Sirmans, Basquiat and the Bayou, catalogue d’exposition, Basquiat and the Bayou, Ogden Museum of Southern Art, 2014, p. 23). En 1988, quelques semaines seulement avant sa mort, il se rend à la Nouvelle-Orléans avec l’artiste Ouattara Watts. « Jean-Michel m’a dit qu’il avait une surprise pour moi, » se souvient Watts, « et il m’a emmené voir le Mississippi. Il symbolisait le lien entre nous, à cause des esclaves qui y ont voyagé en traversant le delta » (O. Watts, cité par F. Sirmans, ibid.). Peint en 1986, vers la fin de sa vie, Jim Crow est l’un des tableaux les plus ouvertement politiques de l’artiste. Chargé de références à l’histoire du peuple noir américain et de thèmes à la fois radicaux et autobiographiques, Jim Crow est un témoignage exceptionnel de la maturité qu’atteint le peintre à la fin de sa brève et météorique ascension vers la gloire.


Across a large expanse of whitewashed wooden slats, a dark and looming black figure hovers like a ghostly apparition. The almost featureless face is dominated by two demonic eyes, glowing with the red outline of Basquiat’s oil stick crayon; this substantial head sits atop of a strikingly withered body. Two thin outstretched arms end in clenched fists, before the rest of the bodily form dissolves into a skeletal arrangement of ribs and limbs. Behind this figure flows a ribbon of blue and white, indicating the waters of the mighty Mississippi River, the greatest river in the continental United States and a natural barrier that divides the eastern and western sections of the country. As if to indicate the cultural and spiritual importance of this natural phenomenon, Basquiat spells it out in large golden letters on the surface of the water itself, before repeating it over a dozen times throughout the composition. While other rivers are mentioned—such as the River Thames, the Hudson River and the Ohio River—that the Mississippi is named over and over emphasizes its importance for not only the artist, but also for American history. Above this arrangement, hovering menacingly, almost omnipotent, is one of the most evocative names in American history, that of Jim Crow.

This striking and evocative composition is one of Jean-Michel Basquiat’s most engaging and haunting works. It speaks not only to his own history, but also to the vast populations from the American South who suffered under the oppressive ‘Jim Crow Laws’ which controlled their everyday lives for over a century. Thus, the spectral figure which commands the center of the composition becomes not only a self-portrait of the artist himself, but also the voice of millions of faceless figures who lived through one of the darkest periods of American history.

For large sections of the American south, the so-called Jim Crow laws restricted a person’s civil rights, dominating every part of their daily lives. They were state and local laws that enforced racial segregation and were originally put in place by the white Democratic-dominated state legislatures in the late 19th century. They required the segregation of public places, schools, and public transportation, as well as the separation of restrooms, restaurants, and drinking fountains for whites and blacks. Despite their name, the Jim Crow laws weren’t named after an actual person, instead they got their name from a fictional character portrayed by a white actor named Thomas Dartmouth “Daddy” Rice in the early 1830s. Rice became famous for performing minstrel routines as the fictional “Jim Crow”—a caricature of a clumsy dimwitted black slave, whom Rice claimed to have created after witnessing an elderly African American man singing a tune called “Jump Jim Crow” in Kentucky.

Growing up in the 1960s and 1970s New York, the son of Haitian and Puerto Rican immigrants, Basquiat would have experienced the same racial inequalities that were experienced by many of his generation. By 1986, the artist had established himself as the wunderkind of the art world, yet as a young African American in a city that was plagued by social unrest he still faced discrimination in his day-to-day life. While his paintings commanded increasingly greater prices, and his art was celebrated around the world, the young artist often had trouble hailing a cab in his Lower East Side neighborhood. Even though his career skyrocketed, he was always conscious of the discrimination that still plagued him; he still felt the effects of “Jim Crow” on a daily basis.

In earlier attempts to confront this racism, Basquiat had often sought to elevate his heroes—African American sportsmen and musicians—to the status of Gods. He immortalized a pantheon of athletes (particularly boxers) in his paintings, including legends such as, Cassius Clay (later known as Muhammad Ali), Jersey Joe Walcott and Joe Louis. Basquiat read extensively about these men, and was well informed about the details of their lives and achievements, which he then translated into his painting. He particularly admired the way that each of these athletes had challenged prevalent racial prejudices and social injustices, and had literally fought their way to a new level of success. Joe Louis, in particular, is renowned for playing an important role in the promotion of racial integration in sports and Muhammad Ali became, in the 1960s and 70s (during Basquiat’s formative teenage years), one of the most widely-recognized symbols of social protest, for which he was both widely criticized as well as revered.

The Mississippi River is one of the most important places in the American psyche—dividing the country both geographically and psychologically. It has born witness to some of the country’s most troubling past, but has also been celebrated in literature by the likes of Mark Twain amongst others. In his catalogue essay for the exhibition Basquiat and the Bayou (in which the present work was included), curator Franklin Sirmans writes about the important of the river in the American consciousness, “…the Mississippi River,” he says, “…is a defining psychological space in American history, one that is recognized around the world. Most often associated with the South and with the country’s historical split personality for and against slavery, the river represents the country in all its muddy complexity” (F. Sirmans, “Basquiat and the Bayou,” in F. Sirmans, Basquiat and the Bayou, exh. cat., New Orleans, 2015, p. 23).

As well as the striking imagery, Basquiat also utilizes an unusual support to enhance the impact of this work. He eschews the traditional canvas in favour of a more sculptural medium, comprised of a series of white painted wooden slats. The artist was adept at using whatever materials he had available as the basis for his paintings and throughout his career he appropriated doors, windows, and even refrigerators as surfaces upon which he would lay down his frenzied graphic markings. Here, his choice of support seems particularly appropriate for the subject matter of this painting, as it evokes the building material used in the construction of many homes built by the poorer populations of the Deep South. Basquiat’s restless painting method can be seen in a photograph of the present painting in progress taken by Dmitri Kasterine, in which Basquiat’s repetitive use of the word ‘Mississippi’ can be seen against a plane white background, before the later additions of the figure and the river have been put in place by the artist.

Despite being born and raised in New York, the history and heritage of the South resonated heavily with the artist, “Basquiat, as a child of the New World metropolis, found long and hard with the shadows of the south” Sirmans explained. (F. Sirman, Basquiat and the Bayou, exh. cat., Basquiat and the Bayou, Ogden Museum of Southern Art, 2014, p. 23). In 1988, just a few weeks before his death, he visited New Orleans with the artist Ouattara Watts. “Jean- Michel said he had as surprise for me” Watts recalls, “And he took me to see the Mississippi. It symbolized the bond between us, because of the slaves who traveled on it when they were coming through the Delta” (O. Watts, quoted by F. Sirmans, ibid.). Painted in 1986, towards the end of his life, Jim Crow is one of the most explicitly political paintings of the artist’s career. Laden with references to the history of the Black American people and charged with both radical and autobiographical themes, Jim Crow is an outstanding example of the maturity that the painter reached at the end of his brief and meteoric rise to artistic stardom.

I’ve known rivers:
I’ve known rivers ancient as the world and older than the flow of human blood in human veins.

My soul has grown deep like the rivers.
I bathed in the Euphrates when dawns were young.
I built my hut near the Congo and it lulled me to sleep.

I looked upon the Nile and raised the pyramids above it.
I heard the singing of the Mississipi when
Abe Lincoln went down to New Orleans, and I’ve seen its muddy bosom turn all golden in the sunset.

I’ve known rivers: Ancient, dusky rivers.
My soul has grown deep like the rivers.

LANGSTON HUGHES The Negro speaks of Rivers

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