Lot Essay
« Quand je travaille sur l’une de mes toiles perforées, je ne veux pas faire une peinture : je veux ouvrir l’espace, créer une nouvelle dimension pour l’art, me rattacher au cosmos lorsqu’il s’étend sans fin au-delà du plan restrictif du tableau »
‘’While working on one of my perforated canvases, I do not want to make a painting: I want to open up space, create a new dimension for art, tie in with the cosmos as it endlessly expands beyond the confining plane of the picture”
— Lucio Fontana
Cinq entailles allongées incisent la surface de Concetto spaziale, Attese de Lucio Fontana. Ni destructrices ni violentes, ces fentes iconiques constituent un acte de création à part entière. Fontana a transcendé la surface de la toile pour l’ouvrir sur un espace obscur et mystérieux : par ce geste d’une apparente simplicité, il invite le spectateur à se laisser absorber tout entier dans l’infinité ténébreuse située au-delà du plan de l’image. Ce faisant, l’artiste ouvre, tant au propre qu’au figuré, une nouvelle dimension de possibilités pour faire progresser le cours de l’art, dans ce qu’il voit comme une nouvelle ère « spatiale ». « Comme peintre , déclare-t-il, quand je travaille sur l’une de mes toiles perforées, je ne veux pas faire une peinture : je veux ouvrir l’espace, créer une nouvelle dimension pour l’art, me rattacher au cosmos lorsqu’il s’étend sans fin au-delà du plan restrictif du tableau » (L. Fontana, cité dans La Connaissance, de J. van der Marck et E. Crispolti, Bruxelles, 1974, p. 7).
Tranchant avec éclat sur le rouge intense et monochrome, les cinq incisions varient subtilement par leur longueur et leur angle, et leur placement rythmique démontre la scrupuleuse attention de Fontana pour le détail et son attachement extrème à affiner sa technique pour en extraire la dimention la plus lyrique qui soit. Les tranches élégantes, presque dansantes, ne sont pas nées d’un geste impulsif et non planifié : avant d’exécuter son geste, Fontana contemple la toile un long moment avec une immense concentration. « Il faut vraiment que je sois dans la bonne disposition pour réaliser cette tâche », a-t-il un jour déclaré au photographe Ugo Mulas (Lucio Fontana, cité dans Lucio Fontana de S. Whitfield, catalogue de l’exposition à la Hayward Gallery, Londres, 2000, p. 31).
Le geste de la coupure, devenu iconique, s’inscrit dans la continuité logique des précédentes explorations artistiques de l’artiste. En 1947, il quitte l’Argentine pour rentrer en Italie et, avec la fondation du Spazialismo, un mouvement qui cherche à révolutionner l’art, il émerge comme un pionnier de l’art d’avant-garde des années d’après-guerre. Impressionné et intrigué par les progrès immenses de la science, de la technologie, de la physique quantique et du voyage dans l’espace, Fontana s’atèle à concevoir un art en phase avec l’esprit de l’époque, incarnant la nouvelle conception de l’espace comme un univers indéterminé, sans confins ni limites.
À la suite de ses premières séries de buchi, dans lesquelles il perfore délibérément ses toiles, créant une constellation de petits coups de couteau, Fontana s’embarque dans les tagli à la fin de l’année 1958, en partie pour répondre aux développements de l’art contemporain en Italie en 1957-58, particulièrement à la première exposition des peintures monochromes d’Yves Klein à Milan en 1957, à la rétrospective Jackson Pollock à Rome en 1958, et à l’ascension de l’Art Informel. En réaction au tournant contemporain de l’action painting de cette époque, les tagli évoquent l’exécution gestuelle dans la recherche de la réalisation d’une présence plus métaphysique. Fontana combine ainsi la pureté du monochrome des toiles de Klein, avec l’acte violemment physique de Pollock, atteignant ainsi quelque chose de théâtral, quoique serein, et empreint d’une élégance minimale.
Dans ses premiers tagli, l’artiste marque la surface par de larges séquences de petites entailles, développant progressivement son procédé et sa technique, en allongeant les coupures et en réduisant leur nombre sur la toile. Dès 1962-1963, l’année où il réalise Concetto spaziale, Attese (1962-63), il fait preuve d’une maîtrise parfaite de sa technique, créant des oeuvres comme celle présentée ici, dans laquelle l’impact théâtral des entailles élongées et équilibrées est renforcé par la surface monochrome immaculée. « Mes coupures sont avant tout un énoncé philosophique, un acte de foi dans l’infini, une affirmation de la spiritualité. Quand je m’assois pour contempler une de mes coupures, je ressens immédiatement un élargissement de l’esprit, je me sens comme un homme libéré des fers de la matière, un homme qui ne fait qu’un avec l’immensité du présent et du futur. » (L. Fontana, cité dans Lucio Fontana : Venice/New York, de L. M. Barbero, catalogue de l’exposition au musée Guggenheim, New York, 2006, p. 23).
Five sweeping slashes incise the spectacular red canvas of Lucio Fontana’s Concetto spaziale, Attese (1962-63). Neither destructive nor violent, these iconic cuts were an act of creation. Fontana transcended the surface of the canvas to reveal an enigmatic dark space beyond: with this apparently simple gesture, he invited the viewer to be consumed by the dark infinity beyond the picture plane. In doing so, Fontana opened up, both literally and figuratively, a whole new dimension of possibilities to advance the course of art in what he saw as a new ‘spatial’ era. ‘As a painter,’ he said, ‘while working on one of my perforated canvases, I do not want to make a painting: I want to open up space, create a new dimension for art, tie in with the cosmos as it endlessly expands beyond the confining plane of the picture’ (L. Fontana, quoted in J. van der Marck and E. Crispolti, La Connaissance, Brussels, 1974, p. 7).
Glowing against the rich red of its monochrome field, the five incisions subtly vary in length and angle and their rhythmic placement demonstrate Fontana’s scrupulous attention to detail and his extreme dedication to refining his technique to its most lyrical. The elegant, almost balletic slices are not born of an impulsive and unplanned gesture: before making his move, Fontana would
spend a long period contemplating the canvas with immense concentration. ‘I really have to be in the right mood to perform this task’, he once told the photographer Ugo Mulas (Lucio Fontana quoted in S. Whitfield, Lucio Fontana, exh. cat., Hayward Gallery, London, 2000, p. 31).
The iconic gesture of the cut had developed as a logical continuation of Fontana’s earlier artistic explorations. In 1947, Fontana returned to Italy from Argentina and emerged as a pioneer of post-war avant-garde art with the foundation of Spazialismo, a movement that sought to revolutionise art. Awed and intrigued by the monumental leaps in science, technology, quantum physics and space travel, Fontana conceived of an art that would emulate to the spirit of the time, embodying the new conception of space as an indeterminate universe without confines or limits.
Following his earlier series of buchi, in which he deliberately punctured the canvas creating a constellation of small stabs, Fontana embarked on the tagli at the end of 1958, partly in response to the developments in contemporary art in Italy during 1957-58, particularly Yves Klein’s first exhibition of monochrome paintings in Milan in 1957, Jackson Pollock’s retrospective in Rome in 1958, and the predominant rise of Art Informel. In response to the contemporary turn toward action painting at this time, tagli evoked this gestural performance while seeking the realization of a more metaphysical presence. Fontana combined the highly saturated monochromatic purity of Klein’s canvases with Pollock’s violently physical action, thus achieving something dramatic yet serene and full of minimal elegance.
In his early tagli, the artist marked the surface with large sequences of small slashes, gradually developing his process and technique, lengthening the cuts and reducing their number on the canvas. By 1962-1963, the year that Fontana executed Concetto spaziale, Attese (1962-63), he had perfectly mastered his technique creating works like the present one in which the dramatic impact of the elongated and rhythmically poised cuts are heightened by the pristine monochrome surface. ‘My cuts are above all a philosophical statement, an act of faith in the infinite, an affirmation of spirituality. When I sit down to contemplate one of my cuts, I sense all at once an enlargement of the spirit, I feel like a man freed from the shackles of matter, a man at one with the immensity of the present and of the future’ (L. Fontana quoted in L. M. Barbero, Lucio Fontana: Venice/New York, exh. cat. Guggenheim Museum, New York, 2006, p. 23).
‘’While working on one of my perforated canvases, I do not want to make a painting: I want to open up space, create a new dimension for art, tie in with the cosmos as it endlessly expands beyond the confining plane of the picture”
— Lucio Fontana
Cinq entailles allongées incisent la surface de Concetto spaziale, Attese de Lucio Fontana. Ni destructrices ni violentes, ces fentes iconiques constituent un acte de création à part entière. Fontana a transcendé la surface de la toile pour l’ouvrir sur un espace obscur et mystérieux : par ce geste d’une apparente simplicité, il invite le spectateur à se laisser absorber tout entier dans l’infinité ténébreuse située au-delà du plan de l’image. Ce faisant, l’artiste ouvre, tant au propre qu’au figuré, une nouvelle dimension de possibilités pour faire progresser le cours de l’art, dans ce qu’il voit comme une nouvelle ère « spatiale ». « Comme peintre , déclare-t-il, quand je travaille sur l’une de mes toiles perforées, je ne veux pas faire une peinture : je veux ouvrir l’espace, créer une nouvelle dimension pour l’art, me rattacher au cosmos lorsqu’il s’étend sans fin au-delà du plan restrictif du tableau » (L. Fontana, cité dans La Connaissance, de J. van der Marck et E. Crispolti, Bruxelles, 1974, p. 7).
Tranchant avec éclat sur le rouge intense et monochrome, les cinq incisions varient subtilement par leur longueur et leur angle, et leur placement rythmique démontre la scrupuleuse attention de Fontana pour le détail et son attachement extrème à affiner sa technique pour en extraire la dimention la plus lyrique qui soit. Les tranches élégantes, presque dansantes, ne sont pas nées d’un geste impulsif et non planifié : avant d’exécuter son geste, Fontana contemple la toile un long moment avec une immense concentration. « Il faut vraiment que je sois dans la bonne disposition pour réaliser cette tâche », a-t-il un jour déclaré au photographe Ugo Mulas (Lucio Fontana, cité dans Lucio Fontana de S. Whitfield, catalogue de l’exposition à la Hayward Gallery, Londres, 2000, p. 31).
Le geste de la coupure, devenu iconique, s’inscrit dans la continuité logique des précédentes explorations artistiques de l’artiste. En 1947, il quitte l’Argentine pour rentrer en Italie et, avec la fondation du Spazialismo, un mouvement qui cherche à révolutionner l’art, il émerge comme un pionnier de l’art d’avant-garde des années d’après-guerre. Impressionné et intrigué par les progrès immenses de la science, de la technologie, de la physique quantique et du voyage dans l’espace, Fontana s’atèle à concevoir un art en phase avec l’esprit de l’époque, incarnant la nouvelle conception de l’espace comme un univers indéterminé, sans confins ni limites.
À la suite de ses premières séries de buchi, dans lesquelles il perfore délibérément ses toiles, créant une constellation de petits coups de couteau, Fontana s’embarque dans les tagli à la fin de l’année 1958, en partie pour répondre aux développements de l’art contemporain en Italie en 1957-58, particulièrement à la première exposition des peintures monochromes d’Yves Klein à Milan en 1957, à la rétrospective Jackson Pollock à Rome en 1958, et à l’ascension de l’Art Informel. En réaction au tournant contemporain de l’action painting de cette époque, les tagli évoquent l’exécution gestuelle dans la recherche de la réalisation d’une présence plus métaphysique. Fontana combine ainsi la pureté du monochrome des toiles de Klein, avec l’acte violemment physique de Pollock, atteignant ainsi quelque chose de théâtral, quoique serein, et empreint d’une élégance minimale.
Dans ses premiers tagli, l’artiste marque la surface par de larges séquences de petites entailles, développant progressivement son procédé et sa technique, en allongeant les coupures et en réduisant leur nombre sur la toile. Dès 1962-1963, l’année où il réalise Concetto spaziale, Attese (1962-63), il fait preuve d’une maîtrise parfaite de sa technique, créant des oeuvres comme celle présentée ici, dans laquelle l’impact théâtral des entailles élongées et équilibrées est renforcé par la surface monochrome immaculée. « Mes coupures sont avant tout un énoncé philosophique, un acte de foi dans l’infini, une affirmation de la spiritualité. Quand je m’assois pour contempler une de mes coupures, je ressens immédiatement un élargissement de l’esprit, je me sens comme un homme libéré des fers de la matière, un homme qui ne fait qu’un avec l’immensité du présent et du futur. » (L. Fontana, cité dans Lucio Fontana : Venice/New York, de L. M. Barbero, catalogue de l’exposition au musée Guggenheim, New York, 2006, p. 23).
Five sweeping slashes incise the spectacular red canvas of Lucio Fontana’s Concetto spaziale, Attese (1962-63). Neither destructive nor violent, these iconic cuts were an act of creation. Fontana transcended the surface of the canvas to reveal an enigmatic dark space beyond: with this apparently simple gesture, he invited the viewer to be consumed by the dark infinity beyond the picture plane. In doing so, Fontana opened up, both literally and figuratively, a whole new dimension of possibilities to advance the course of art in what he saw as a new ‘spatial’ era. ‘As a painter,’ he said, ‘while working on one of my perforated canvases, I do not want to make a painting: I want to open up space, create a new dimension for art, tie in with the cosmos as it endlessly expands beyond the confining plane of the picture’ (L. Fontana, quoted in J. van der Marck and E. Crispolti, La Connaissance, Brussels, 1974, p. 7).
Glowing against the rich red of its monochrome field, the five incisions subtly vary in length and angle and their rhythmic placement demonstrate Fontana’s scrupulous attention to detail and his extreme dedication to refining his technique to its most lyrical. The elegant, almost balletic slices are not born of an impulsive and unplanned gesture: before making his move, Fontana would
spend a long period contemplating the canvas with immense concentration. ‘I really have to be in the right mood to perform this task’, he once told the photographer Ugo Mulas (Lucio Fontana quoted in S. Whitfield, Lucio Fontana, exh. cat., Hayward Gallery, London, 2000, p. 31).
The iconic gesture of the cut had developed as a logical continuation of Fontana’s earlier artistic explorations. In 1947, Fontana returned to Italy from Argentina and emerged as a pioneer of post-war avant-garde art with the foundation of Spazialismo, a movement that sought to revolutionise art. Awed and intrigued by the monumental leaps in science, technology, quantum physics and space travel, Fontana conceived of an art that would emulate to the spirit of the time, embodying the new conception of space as an indeterminate universe without confines or limits.
Following his earlier series of buchi, in which he deliberately punctured the canvas creating a constellation of small stabs, Fontana embarked on the tagli at the end of 1958, partly in response to the developments in contemporary art in Italy during 1957-58, particularly Yves Klein’s first exhibition of monochrome paintings in Milan in 1957, Jackson Pollock’s retrospective in Rome in 1958, and the predominant rise of Art Informel. In response to the contemporary turn toward action painting at this time, tagli evoked this gestural performance while seeking the realization of a more metaphysical presence. Fontana combined the highly saturated monochromatic purity of Klein’s canvases with Pollock’s violently physical action, thus achieving something dramatic yet serene and full of minimal elegance.
In his early tagli, the artist marked the surface with large sequences of small slashes, gradually developing his process and technique, lengthening the cuts and reducing their number on the canvas. By 1962-1963, the year that Fontana executed Concetto spaziale, Attese (1962-63), he had perfectly mastered his technique creating works like the present one in which the dramatic impact of the elongated and rhythmically poised cuts are heightened by the pristine monochrome surface. ‘My cuts are above all a philosophical statement, an act of faith in the infinite, an affirmation of spirituality. When I sit down to contemplate one of my cuts, I sense all at once an enlargement of the spirit, I feel like a man freed from the shackles of matter, a man at one with the immensity of the present and of the future’ (L. Fontana quoted in L. M. Barbero, Lucio Fontana: Venice/New York, exh. cat. Guggenheim Museum, New York, 2006, p. 23).