Jean Dubuffet (1901-1985)
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Jean Dubuffet (1901-1985)

Danseur au mur

Details
Jean Dubuffet (1901-1985)
Danseur au mur
gouache sur papier
32.5 x 25 cm.
Peint en mars 1945

gouache on paper
12 7/8 x 9 7/8 in.
Painted in March 1945
Provenance
M. et Mme. Descarges, Fontenay- aux-Roses.
Vente, Sotheby's, New York, 12 mai 1987, lot 177.
Waddington Galleries, Londres.
Collection particulière, Suisse; vente, Christie’s, New York, 20 novembre 1996, lot 15.
Acquis au cours de cette vente par le propriétaire actuel.
Literature
M. Loreau, Catalogue des Travaux de Jean Dubuffet - Fascicule.I: Marionnettes de la ville et de la campagne, Paris, 1993, p. 284, no. 436 (illustré p. 258).
Exhibited
Montréal, Landau Fine Art, Qui rassemble la foule... la captive, octobre-novembre 1988.
Londres, Waddington Galleries, Works on paper, février 1989, p. 45, no. 21 (illustré en couleurs).
Londres, Waddington Galleries, Jean Dubuffet: 1901-1985, avril- mai 1990, p. 7, no. 2 (illustré en couleurs).
New York, The Morgan Library & Museum (septembre-janvier); Los Angeles, Hammer Museum (janvier-avril), Dubuffet Drawings 1935-1962, 2016-2017, p. 119, no. 24 (illustré en couleurs).
Special Notice
ƒ: In addition to the regular Buyer’s premium, a commission of 5.5% inclusive of VAT of the hammer price will be charged to the buyer. It will be refunded to the Buyer upon proof of export of the lot outside the European Union within the legal time limit. (Please refer to section VAT refunds)

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Valentine LEGRIS
Valentine LEGRIS

Lot Essay

« Le sujet : un bonhomme tel que la plupart des enfants en dessinent sur leurs cahiers ou sur les murs adorné de moustaches ou bien glabre, la silhouette du buste ou du veston bien carrée sur de petites jambes grêles, et le profil pointu où le nez joue le rôle astral. Et ce dessin, sommaire en diable, est traité, bien que tout simplement en encre sur papier, avec un raffinement technique tel que le papier, griffé, écorché, repeint, arrive à donner au sujet un relief et une poésie, un lointain, comme s’il arrive du fond des siècles d’une caverne de Cro-Magnon. »

“The subject: the fgure of a man drawn like most children draw them in their exercise books or on walls, with a moustache or clean-shaven, where the silhouette of the torso or jacket is square, perched on spindly little legs and with a sharp profle whose nose points skyward. This devilish little drawing is treated quite simply in ink on paper but with such technical refinement that the scratched, fayed and repainted paper manages to give the subject relief, poetry and perspective, as if, after millennia, it had emerged from a Cro-Magnon cave”.

Simone Arbois (1945)


« [Ça] ne ressemble pas à la cuisine (où l’on se fie aux gens de métier). Mais plutôt à l’amour (où les professionnels ont toujours quelque chose de louche). »

“It is not like cooking (for which one relies on professionals) but rather like love (in which professionals are always to some extent suspect).”

Jean Paulhan

Lorsqu’il décide d’abandonner la gestion de son commerce de vin pour se consacrer définitivement à la peinture, au début des années 1940, Jean Dubuffet a déjà quarante ans passés. Il n’a pas de temps à perdre : il souhaite rompre au plus vite avec une culture qu’il considère comme mortifère et n’obéir à aucune règle, sinon celle de toujours surprendre en peignant comme l’homme du commun,
comme les enfants ou comme les fous, comme tous ceux qui ne sont soumis à aucun canon artistique préétabli. Un homme va jouer un rôle déterminant dans ces premières années : Jean Paulhan.

Figure majeure de la scène intellectuelle et littéraire française du XXe siècle (il est élu à l’Académie française en 1963), Jean Paulhan (1884-1968) est également un acteur important de la Résistance française. Sous l’Occupation, en 1941, il fonde ainsi avec Jacques Decours Les Lettres françaises, journal clandestin qui publie notamment des textes de Louis Aragon, Raymond Queneau, François Mauriac ou Georges Limbour. C’est ce dernier qui, à la fin de l’année 1943, conduit Jean Paulhan et le photographe Daniel Wallard à l’atelier de Jean Dubuffet. Cette rencontre donne naissance à une immédiate amitié : « Oui, écrit peu après Dubuffet à Daniel Wallard, nous nous sommes beaucoup vus avec Jean Paulhan depuis cette première fois qu’il était venu avec vous, et surtout beaucoup écrit et nous sommes devenus grands amis. Il fait un magnifique usage de mes tableaux et fait semblant que la louange m’en revienne ; comme un flûtiste complimenterait le fabricant de la flûte» (lettre à D. Wallard, 17 avril 1944 in ibid., p. 360).

Il faut dire que l'œuvre littéraire de Paulhan rejoint les préoccupations artistiques de Dubuffet : dans son plus célèbre essai, Les Fleurs de Tarbes, ou la terreur dans les lettres, l’écrivain s’interroge ainsi sur les codes de la littérature et la crise du langage, comme Jean Dubuffet questionne à la même époque les modes de représentations et les conventions esthétiques. Manifestant un vif enthousiasme pour le travail du peintre, Jean Paulhan lui présente le galeriste René Drouin qui lui consacre dans la foulée sa première exposition personnelle, dont Paulhan signe la préface : Jean Paulhan rédige la préface du catalogue de la toute première exposition personnelle de Jean Dubuffet à la galerie René Drouin : « Il a fini par venir des peintres dont on pouvait rire sans les fâcher, qui acceptaient d’être plaisants, et qui étaient tout de même merveilleux. […] C’est singulièrement le cas pour Jean Dubuffet. Quelle joie ! ».

Se fréquentant assidument et entretenant une riche correspondance qui durera jusqu’à la disparition de l’écrivain, Jean Dubuffet et Jean Paulhan partent ensemble pour la Suisse en 1945 pour visiter des hôpitaux psychiatriques et y voir l’art réalisé par leurs résidents. C’est à la suite de cette visite que Jean Dubuffet s’attèle à réaliser ses premiers portraits, qui aboutiront à la série « Plus beaux qu’ils croient », où l’artiste représente ses amis et ses fréquentations de la très fertile scène artistique française des années d’après-guerre : Jean Paulhan en premier lieu, Henri Michaux, Michel Tapié, Marcel Jouhandeau, Paul Léautaud, etc.

Cette même année 1945, Jean Dubuffet réalise des lithographies pour illustrer le recueil de poésie Les Murs publié par Eugène Guillevic. C’est à cette occasion qu’il commence à explorer la nature physique des murs, leur épaisseur, leur dureté, la richesse et la variété des accidents qui animent leurs surfaces, et dont Danseur au mur se révèle un exemple emblématique. Les murs revêtent une importance capitale dans l'œuvre de Jean Dubuffet : parce qu’ils demandent au regard de se plonger tout entier dans la matière, ils préfigurent les Texturologies (1957-1958) et les Matériologies (1959-1960), tandis que la façon dont les briques s’encastrent les unes dans les autres annoncent quant à elles le découpage cellulaire de l’espace que l’on observe dans Paris Circus et qui culminera avec l’Hourloupe.



Jean Dubuffet was over forty years old in the early 1940s when he decided to give up running his wine business and to devote himself definitively to painting. There was no time to be lost: he wanted at once to break away from a culture he considered deadly boring and to disregard all rules, except the rule of always surprising people by painting like “the man in the street”, like a child or a madman, like all those who are not governed by any pre-established artistic canon. One man was to play a decisive role in Dubufet’s frst years as a painter: Jean Paulhan.

A major fgure on the 20th century intellectual and literary scene in France (he was elected to the Académie Française in 1963), Jean Paulhan (1884-1968) also played an important part in the French Resistance. Under German occupation in 1941, with Jacques Decours, he founded Les Lettres françaises, an undercover newspaper which published articles by Louis Aragon, Raymond Queneau, François Mauriac and Georges Limbour in particular. It was Limbour who, at the end of 1943, took Jean Paulhan and the photographer Daniel Wallard to Jean Dubuffet’s studio. Their meeting led to an immediate friendship: “Yes”, Dubuffet wrote to Daniel Wallard shortly afterwards, “Jean Paulhan and I have met many times since that frst time when he came to see me with you and, most importantly, we’ve corresponded a lot and have become great friends. He uses my pictures magnifcently and pretends that the praise is all due to me, as a flautist would compliment the manufacturer of the flute” (letter to D. Wallard, 17th April 1944 in ibid., p. 360).

There is no doubt that Paulhan’s literary work raised the same concerns as the art works of Dubuffet: in his most famous essay, Les Fleurs de Tarbes, ou la terreur dans les lettres, the writer thus questioned literary codes and the crisis of language, just as, at the same time, Jean Dubuffet was questioning methods of representation and aesthetic conventions. Jean Paulhan was hugely enthusiastic about the painter’s work and introduced him to the gallery owner René Drouin who later mounted Dubuffet’s very frst one-man exhibition. Paulhan wrote the preface to the exhibition’s catalogue, saying “in the end painters turned up who you could laugh at without annoying them, who agreed to be pleasant and who were marvellous nevertheless. [ … ] That applies especially to Jean Dubuffet. How delightful!”

Paulhan and Dubuffet visited one another frequently and maintained a copious correspondence which lasted until the writer’s death. They went to Switzerland together in 1945 to visit psychiatric hospitals and see the art produced by their inmates. It was following that visit that Jean Dubuffet concentrated on his first portraits, leading to the “Plus beaux qu’ils croient” (“better looking than they think”)series in which the artist depicted his friends and acquaintances from the fertile French art scene of the post-war years: firstly Jean Paulhan, followed by Henri Michaux, Michel Tapié, Marcel Jouhandeau, Paul Léautaud and others.

In 1945, Jean Dubufet also produced lithographs to illustrate the anthology of poems Les Murs published by Eugène Guillevic. At that time he started exploring the physical nature of walls, their thickness, their hardness and the variety of dips and bumps which enliven their surface, of which Danseur au mur [Dancer on the wall] is an emblematic example. Walls were of capital importance in Jean Dubuffet’s work: because they ask the viewer’s eyes to dive right into the material they presage his Texturologies (1957-1958) and Matériologies (1959-1960), while, for their part, the way in which the bricks ft together presages the cellular division of space which we see in Paris Circus and which culminated in l’Hourloupe.

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