Sonia Delaunay (1885-1941)
Provenant d'une importante collection européenne
Sonia Delaunay (1885-1979)

Prismes électriques

Details
Sonia Delaunay (1885-1979)
Prismes électriques
signé et daté 'Sonia Delaunay 1913' (en bas à droite)
huile sur toile
80.7 x 64.7 cm.
Peint en 1913

signed and dated 'Sonia Delaunay 1913' (lower right)
oil on canvas
31 ¾ x 25 ½ in.
Painted in 1913
Provenance
Galerie Bing, Paris.
Lionel et Christie Cavalero, Cannes (vers 1965-70); vente, Artus enchères et Calmels Cohen, 24 novembre 2002, lot 90.
Acquis au cours de cette vente par le propriétaire actuel.
Exhibited
Cannes, Galerie Cavalero, Sonia Delaunay, 1963.
Cannes, Galerie Cavalero, Sonia Delaunay, juillet-août 1968.
Lisbonne, Fundação Calouste Gulbenkian, Sónia e Robert Delaunay em Portugal e os seus amigos: Eduardo Vianna, Amadeo de Souza-Cardoso, José Pacheco, Almada Negreiros, avril-mai 1972, p. 21, no. 1 (illustré en couleurs, p. 23).
Nancy, Musée des Beaux-Arts, Sonia Delaunay, Robert Delaunay, juin-septembre 1972, p. 8, no. 23 (illustré en couleurs).
Tokyo, Nihonbashi-mitsukoshi; Osaka, Osaka-mitsukoshi; Niigata, Niigata-mitsukoshi et Sapporo, Sapporo-mitsukoshi, Apollinaire et ses amis peintres, : Picasso, Matisse, Laurencin..., hommage au centenaire de la naissance d'Apollinaire, moteur du mouvement d'art nouveau, août-octobre 1980, no. 16 (illustré en couleurs).
Paris, Grand-Palais, Salon d'Automne, Centenaire de Guillaume Apollinaire, novembre 1980, p. 60, no. 29 (illustré; erronément daté 1914).
Moscou, Musée Puchkine, Paris-Moscou 1900-1930, juin-octobre 1981, p. 307.
Paris, Musée d'art moderne de la ville de Paris, Robert, Sonia Delaunay, mai-septembre 1985, p. 281, no. 141 (illustré en couleurs, p. 181).
Marcq-en-Baroeul, Fondation Septentrion et Liège, Salle Saint-Georges, Robert et Sonia Delaunay, janvier-juin 1986, no. 19 (illustré).
Further Details
“Le présent vibre…
En haut du boulevard le crépuscule humain
Se cristallise en arc électrique […]
Or, la lumière trace une piste de cirque ;
Les rythmes un instant y tournent, subjugués ; …
L’esprit cède sa force à l’influx électrique.”

“The present vibrates…
At the top of the boulevard the human twilight
Crystallizes into an electric arc […]
Now, the light traces a circular track;
The rhythms turn there for a second, subjugated;…
The spirit cedes its force to the electric influx “

J. Romains, La Vie unanime, 1904-1907, p. 79-80.

Si nous avons été conduits vers une nouvelle conception de la peinture, cela ne s’est pas fait à travers le raisonnement philosophique, mais plutôt par l’observation de la lumière. La rupture des objets et des formes par la lumière et la naissance des surfaces colorées a apporté une nouvelle structure à la peinture. Les liens avec l’art traditionnel en tant que tels sont définitivement rompus; la couleur est libérée, elle ne constitue plus un élément employé pour décrire un sujet, mais se voit dotée d’une vie propre, elle devient le sujet.” (Sonia Delaunay cité in R. Van Gindertael in ‘Sonia Delaunay et la poésie pure des couleurs’ in XXe siècle, n° 21, 1963, p. 45).
L’année 1913 fut à la fois expérimentale et extrêmement productive pour Sonia Delaunay, artiste aux nombreuses facettes, à la fois orphiste et idiosyncratique. En novembre 1912, chez Guillaume Apollinaire elle fut présentée au poète Blaise Cendrars, né en Suisse, et de retour à Paris après un voyage en Amérique. On raconte d’ailleurs que dès le lendemain, Cendrars rendit visite aux Delaunay muni de son poème Les Pâques à New York dans lequel il écrivait qu’il était «affamé et seul, un soir, à la fin d’un hiver rude» (cité in T. Slevin, Visions of the Human: Art, World War One and the Modernist Subject, Londres, 2015, p. 95). Cendrars lut d’ailleurs son poème à haute voix dans un atelier d’artistes où son texte évoqua à ces derniers une nouvelle forme inspirée et incroyablement affective de «cubisme littéraire». Delaunay développe une relation étroite avec Cendrars, en témoigne la conception du collage en couverture des Pâques ainsi que la publication de La Prose du Transsibérien et de la Petite Jehanne de France, voyage épique tant verbal que visuel, envisagé comme continuum de la grande tradition baudelairienne et rimbaldienne et rédigé en vers libres whitmaniens. Entreprise collaborative et ingénieusement «synchrome» entre le poète et le peintre, La Prose du Transsibérien - désignée comme «Le Premier livre simultané» - fut présentée de manière théâtrale sous la forme d’une seule feuille de papier divisée en son centre et qui se dépliait comme un accordéon à travers vingt-deux panneaux sur une longueur de presque deux mètres.
L’année 1913 vit également l’achèvement du Bal Bullier, chef-d’oeuvre orphique et exemple majeur de l’emploi par Delaunay des «couleurs simultanées » conceptualisées d’après le traité datant de 1839, De la Loi du contraste simultané des couleurs, du chimiste M. E. Chevreuil. Ces expérimentations sont également manifestes dans La Robe simultanée, création de Delaunay qui reprend des motifs - tels que l’arc-en-ciel et le disque solaire - que l’artiste avait également utilisé dans ses œuvres d’art appliqué, faisant de l’artiste « une sculpture vivante » (Fig. 1.). Modernistes convaincus, les Delaunay étaient fascinés par la possibilité d’exprimer une expérience de la modernité à la fois synesthétique et subjective. Dans leur domicile adjacent à la Place Saint-Michel, Sonia et Robert Delaunay, qui furent les témoins privilégiés du remplacement de l’éclairage au gaz par les lampes électriques, furent particulièrement ébloui par l’intensité spécifique du halo qui entourait ces nouvelles sources de lumière. Robert, en particulier, remarqua combien l’effet était proche de celui que l’on peut observer avec la lune. Sonia, également profondément impressionnée, se mit quant à elle à travailler sur une série d’esquisses et d’études qui exploraient ce phénomène, qu’elle réunit sous le titre de Prismes électriques ou Mouvements de foule.
Œuvre fondamentalement de transition, Prismes électriques incarne une réponse à l’expérience évoquée par Jules Romains de “l’influx électrique” : une célébration non inhibée de la croyance de l’artiste dans la sensualité et la sonorité de la couleur, envisagée comme un ensemble vivant composé des vibrations et des réverbérations d’éléments rythmiquement constitutifs. L’on pourrait également entrevoir dans les Prismes électriques de Delaunay l’estime personnelle de l’artiste pour les explorations simultanées de son époux Robert, fasciné quant à lui par les propriétés des rayons et la lumière qui émane du soleil et de la lune.
Si le potentiel autocinétique de la couleur séduit Sonia et Robert Delaunay, en souscrivant à la pro-position de Bergson, qui précise dans L’évolution créatrice que la vie «apparaît globalement comme une onde immense qui se propage à partir d’un centre, et qui, sur presque la totalité de sa circonférence, s’arrête et se convertit en oscillation» (H. Bergson, L’Évolution créatrice, Paris, 1907), ils entreprennent dans leurs œuvres, d’unir l’activité de la ville et l’individu au travers des valeurs véhiculées par le contraste de couleurs simultanées. A l’instar d’autres tableaux de la série, Prismes électriques peut dans cette mesure être considérée comme l’une des œuvres déterminantes de la carrière de l’artiste en cela qu’elle consacre toutes ses expérimentations les plus avant-gardistes. Les halos – qui ne sont pas sans évoquer la forme des soleils et des planètes - les plans de couleurs qui s’interpénètrent, la juxtaposition de la solidité, de la translucidité et de la dissolution, reviendront en effet dans d’autres œuvres maîtresses, à l’instar de la série Rythme-couleur des années 1960, et impulseront la force de nombre de ses travaux en arts appliqués.

“If we have been brought to a new conception of painting, it has not been through philosophical reasoning but rather through the observation of light. The breaking down of objects and shapes by light and the birth of coloured surfaces brought a new structure to painting. As such, the ties with traditional art are definitively broken; colour is set free, no longer an element employed to describe a subject, but with a life of its own and where colour itself is the subject.” (Sonia Delaunay quoted in R. Van Gindertael in ‘Sonia Delaunay et la poésie pure des couleurs’ in XXe siècle, n° 21, 1963, p. 45).
1913 was both an experimental and an extremely productive year for celebrated Orphist and idiosyncratic multidisciplinarian, Sonia Delaunay. In November 1912 she was introduced to Swiss born poet, Blaise Cendrars at the home of Guillaume Apollinaire, following his return to Paris from America. The next day Cendrars is said to have visited the Delaunays with his poem Les Pâques à New York, written while “hungry and alone on a bitter late winter evening” (Blaise Cendrars quoted in T. Slevin, Visions of the Human: Art, World War One and the Modernist Subject, London, 2015, p. 95). He read it aloud to a gathering in the artists’ studio where it was proclaimed an inspired and incredibly affective form of “literary cubism”. Delaunay was to develop a close relationship with Cendrars resulting in a collaged cover design for Les Pâques and the publication of La Prose du Transsibérien et de la Petite Jehanne de France, an epic verbal-visual voyage in the great tradition of Baudelaire and Rimbaud written in Whitmanian free verse. A collaborative, ingeniously “synchromatic” venture between poet and painter, La Prose du Transsibérien, branded “Le Premier livre simultané”, was theatrically presented in the form of a single sheet of paper divided down the centre which unfolded like an accordion through twenty-two panels to a length of almost seven feet.
The year 1913 also saw the completion of Le Bal Bullier, an Orphic masterpiece and prime example of Delaunay’s use of “couleurs simultanés”- in accordance with chemist M. E. Chevreuil’s 1839 treatise De la Loi du contraste simultané des couleurs - and La Robe simultanée, which reiterated motifs such as the rainbow arch and solar disc used in her applied designs, transforming the artist into “a living sculpture” (Fig. 1.). Committed modernists, the Delaunays were fascinated by the possibility of articulating a synaesthetic and subjective experience of modernity. Living adjacent to the Place Saint-Michel, Sonia and Robert Delaunay witnessed first-hand the replacement of gaslight by electric lamps. It was the specific quality of the halo surrounding these new light sources which struck the couple, with Robert in particular noting how similarly the effect resembled that visible around the moon. Sonia too was deeply impressed and she began work on a series of sketches and studies exploring the phenomenon, grouped under the titles Prismes électriques or Mouvements de foule.
A truly transitional work, Prismes électriques is a visual response embodying the lived experience of Jules Romains “electric influx”, an uninhibited celebration of Delaunay’s belief in the sensuousness and sonority of colour, a whole alive with the vibrations and reverberations of rhythmically constitutive elements. Delaunay’s Prismes électriques might also be considered as in respect to her husband Robert’s simultaneous investigations into beams and “jewels” of light as well as with his fascination with the qualities of the light of the sun and the moon.
Colour’s auto-kinetic potential appealed to both Sonia and Robert Delaunay and, in subscribing to Bergson’s proposition in Creative Evolution that life “appears in its entirety as an immense wave, which, starting from a centre, spreads outwards, and which on almost the whole of its circumference is stopped and converted into oscillation” (Henri Bergson, L’Évolution créatrice, Paris, 1907), in works such as Prismes électriques, Sonia attempted to unite the activity of the city and the individual through the relative values inherent in simultaneous colour contrast. Prismes électriques, as with others in this series, can be regarded as among the defining images of the artist’s career, for the halos (evocative of solar and planetary bodies), the interpenetrating planes of colour and the juxtaposition of solidity, translucency and dissolution, recur in other master works such as the Rhythm in Colour series of the 1960s and provide the driving force behind much of her design work.

Brought to you by

Valentine LEGRIS
Valentine LEGRIS

Lot Essay

Cette œuvre est accompagnée d'un certificat de l'artiste daté du 1er mars 1971.

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