SANYU (1901-1966)
SANYU (1901-1966)

Nature morte aux fruits

Details
SANYU (1901-1966)
Nature morte aux fruits
signé en chinois, signé et daté ‘SANYU 10.30’ (en bas à droite)
huile sur toile
74 x 61 cm. (29 1/8 x 24 in.)
Peint en 1930.
Provenance
Collection Henri-Pierre Roché, Paris
Collection Jean-Claude Riedel, Paris
Acquis auprès de celle-ci par le propriétaire actuel
Literature
R. Wong, Yageo Foundation, et Lin & Keng Art Publications, Sanyu Catalogue Raisonne : Oil Paintings, Taipei, 2001, No. 64 (illustré p. 168).
Further Details
'STILL LIFE WITH FRUITS'; SIGNED IN CHINESE, SIGNED AND DATED LOWER RIGHT; OIL ON CANVAS.

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Paul Nyzam
Paul Nyzam

Lot Essay

« Les tableaux de Sanyu expriment l’amour, la solitude, le souvenir de son pays natal. Il donne son âme, déambulant sereinement à travers la vie, aux fleurs, aux courbes des femmes et aux poissons et léopards dans ses peintures ».

"The paintings of Sanyu express love, loneliness, and remembrance of his distant homeland... He gave his soul, serenely wandering through life, to the f lowers, the female forms, and the fish and leopards in his paintings. "

- Robert Frank


Né en 1901 dans la province chinoise du Sichuan, Sanyu n’a qu’une vingtaine d’années lorsqu’il décide de quitter son pays pour venir s’installer dans la ville qui attire alors l’avant-garde artistique de tous les horizons : Paris. En ces années d’immédiat après-guerre, règne parmi les peintres qui fréquentent les cafés de Montparnasse une atmosphère particulièrement fertile, comme si l’on voulait oublier au plus vite les malheurs de la guerre pour vivre, penser et créer au plus vite un monde nouveau. Contrairement à certains de ses compatriotes, en particulier Lin Fengmian et Xu Beihong, qui doivent compter sur les bourses que leur accordent les autorités chinoises, Sanyu, issu d’un milieu favorisé, bénéficie de ressources propres qui lui permettent une parfaite indépendance, à la fois financière et créative. Il choisit de suivre les cours dispensés à l’académie de la Grande-Chaumière, située dans un quartier truffé d’ateliers d’artistes (Modigliani, Mondrian, Foujita, Miro, Soutine, Léger, Brancusi, entres autres – tous y vivent et y peignent tour à tour, et Sanyu s’y installera également, des années plus tard, au 28 de la rue de la Sablière). Nouant très vite de solides amitiés au sein de la scène artistique, Sanyu décide de se fixer définitivement en France, à l’inverse de ses pairs qui rentreront en Chine après leurs études françaises.

En 1929, il rencontre Henri-Pierre Roché (qui fut le premier propriétaire de Nature morte aux fruits), collectionneur et marchand dont Gertrude Stein disait qu’il « connaissait tout le monde et pouvait présenter n’importe qui à n’importe qui » (C. Lake et L. Ashton, Henri-Pierre Roché, an introduction, Austin, 1991, p. 27, cité in R. Wong, « Sanyu : une courte biographie », Sanyu, l’écriture du corps, catalogue d’exposition, Musée Guimet, juin-septembre 2004, p. 41). En l’espace de deux ans seulement, Roché réunit plus d’une centaine de peintures et un grand nombre de dessins, et assure la promotion de l’artiste. Roché n’est pas étranger au tournant qu’opère Sanyu dans son travail au cours de cette période charnière : en 1929, l’artiste, qui jusqu’alors avait essentiellement réalisé des encres sur papier, se lance tout entier dans la peinture, encouragé par son marchand qui y décèle un formidable potentiel. Les œuvres qu’il réalise au cours de ses premières années sont surtout des nus, le plus souvent couchés et s’inspirant notamment de celle qu’il rencontre en 1925 et deviendra bientôt sa femme, Marcelle. La fluidité des lignes, la souplesse du pinceau et la façon dont l’artiste insère certains motifs ornementaux de ses compositions inscrivent ces œuvres dans une filiation éminemment asiatique ; mais leur épure stylistique, leur façon de rompre avec les lois de la perspective, tout comme les coupes à la garçonne des modèles représentés (qui rappellent l’égérie de l’époque, Kiki de Montparnasse) les rattachent indiscutablement au modernisme occidental. Trois couleurs reviennent alors plus que les autres dans ces peintures des premiers temps : le rose, le blanc et le noir.

Ce sont ces trois tons que l’on retrouve dans Nature morte aux fruits, qui donne à voir une coupe où sont réunis une grappe de raisins, des pommes et un bouquet de chrysanthèmes , et qui se détache sur un fond aux couleurs empreintes d’une grande sensualité : rose tendre et soyeux de la table ; blanc crémeux, vaporeux de l’arrière-plan. Il semble que le passage des nus aux natures mortes (qui deviendront rapidement le sujet de prédilection de Sanyu : l’artiste les commence au cours de cette fameuse année 1929 et continuera d’en réaliser jusqu’à la fin de sa vie) se soit opéré avec douceur, tant on retrouve ici la même sensibilité dans l’arrondi des bords de la coupe, la même délicatesse du blanc donnant vie aux formes et aux contours, la même propension de l’artiste à faire flotter le temps dans l’espace de la toile. La nature morte est un sujet millénaire, tant dans la peinture classique asiatique que dans la tradition picturale européenne. Equilibriste magistral, Sanyu réunit dans Nature morte aux fruits les symboles qui font écho à sa propre trajectoire : les raisins et, surtout, les pommes occidentales, chères notamment à Cézanne ; et les chrysanthèmes, fleur emblématique de sa Chine natale.

En dépit d’une production intense et d’un petit groupe d’amateurs inconditionnels, l’œuvre de Sanyu ne connut, du vivant de l’artiste, qu’un succès commercial mitigé et resta longtemps incomprise, tant peut-être elle se révélait trop occidentale pour les Chinois, et trop orientale pour le public européen. Au décès de l’artiste, en 1966, un jeune galeriste, Jean-Claude Riedel saisit la qualité du travail de l’artiste et s’employa à en assurer la promotion, en acquérant notamment le fonds appartenant à la veuve de Henri-Pierre Roché. Riedel fut le deuxième propriétaire de Nature morte aux fruits et c’est auprès de lui que la toile fut achetée par le propriétaire actuel.


Sanyu was born in 1901 in the Chinese province of Sichuan. In his early twenties he decided to leave his homeland and settle in Paris, the city which was then drawing in avant-garde artists from all over the world. An especially fruitful atmosphere reigned among the painters who frequented the cafés of Montparnasse, as if they wanted to forget the miseries of the war as quickly as possible and to live, think and create a new world without delay. Unlike some of his compatriots, particularly Lin Fengmian and Xu Beihong who depended on scholarships granted them by the Chinese authorities, Sanyu, who came from a prosperous background, had his own resources, giving him complete financial and creative independence. He decided to follow the courses offered by Académie de la Grande-Chaumière, situated in a district teeming with artists’ studios (Modigliani, Mondrian, Foujita, Miro, Soutine, Léger, Brancusi and others all lived and painted there in turn and, years later, Sanyu moved to a studio at 28 Rue de la Sablière in the same district). He soon formed firm friendships with members of the art scene and decided to stay in France permanently, unlike his compatriots who returned to China on completing their French studies.

In 1929, Sanyu met Henri-Pierre Roché (the first owner of Still life with fruit), a collector and dealer of whom Gertrude Stein said “he knew everybody and could introduce anyone to anyone” (C. Lake and L. Ashton, Henri-Pierre Roché, an introduction, Austin, 1991, p. 27, quoted in R. Wong, “Sanyu: a short biography”, Sanyu, the writing of the body, exhibition catalogue, Musée Guimet, June-September 2004, p. 41). In the space of only two years, Roché collected more than a hundred paintings and numerous drawings and undertook the artist’s promotion. Roché was well aware of the way Sanyu’s work was changing during that crucial period: in 1929, the artist who until then had worked essentially in ink on paper, flung himself wholeheartedly into painting, encouraged by his dealer who had detected his extraordinary potential. Most of the works he created during his first years were nudes, usually recumbent, inspired particularly by Marcelle, the woman he met in 1925 who was soon to become his wife. The fluidity of the lines, the flexibility of the brush and the way the artist inserted certain ornamental motifs into his compositions give those works an eminently Asian look, but their stylistic purity, their disregard for the laws of perspective and the flapper hairstyles of the models he depicted (reminiscent of the muse of the age, Kiki de Montparnasse) indisputably attach them to the world of western modernism. Three principal colours figure repeatedly in these paintings from his early years: pink, white and black.

Those are the three shades we see in Still life with fruit, which presents a goblet containing a bunch of grapes, apples and a bouquet of chrysanthemums against a background imbued with the most sensual of colours: the tender, silky pink of the table and the creamily vaporous background. It seems that the move from nudes to still lifes (soon to become Sanyu’s favourite subject: he started them in the all important year 1929 and went on painting them until the end of his life) happened gently, as here we see the same sensitivity in the rounded edges of the goblet and the artist’s same propensity to make time float in the space of the canvas. The still life is an eternal subject and Sanyu was a master of balance. In Still life with fruit he combined symbols which echoed his own journey: the grapes and, above all, the western apples so dear to Cézanne in particular, together with chrysanthemums, the emblematic flower of his native China.

In spite of his intensive production and a small group of determined enthusiasts, during Sanyu’s lifetime his work enjoyed only moderate commercial success and remained misunderstood for years, perhaps because it was found too western for the Chinese and too oriental for the European public. When Sanyu died in 1966, a young gallery owner, Jean-Claude Riedel, realised the quality of the artist’s work and promoted it, in particular acquiring the collection belonging to the widow of Henri-Pierre Roché. Riedel was the second owner of Still life with fruit and the present owner bought the canvas from him.

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