La balayeuse, 346 rue Saint-Honoré
Details
Édouard Vuillard (1868-1940)
La balayeuse, 346 rue Saint-Honoré
signé ‘E Vuillard’ (en haut à droite)
huile sur carton marouflé sur panneau parqueté
33 x 50.8 cm.
Peint en 1895
signed ‘E Vuillard’ (upper right)
oil on board laid down on cradled panel
13 x 20 in.
Painted in 1895
La balayeuse, 346 rue Saint-Honoré
signé ‘E Vuillard’ (en haut à droite)
huile sur carton marouflé sur panneau parqueté
33 x 50.8 cm.
Peint en 1895
signed ‘E Vuillard’ (upper right)
oil on board laid down on cradled panel
13 x 20 in.
Painted in 1895
Provenance
Jos et Lucy Hessel, Paris (acquis auprès de l’artiste, avant 1909).
Lucie Grandjean-Hessel, Paris (par descendance).
Puis par descendance au propriétaire actuel.
Lucie Grandjean-Hessel, Paris (par descendance).
Puis par descendance au propriétaire actuel.
Literature
T. Bernard, 'Jos Hessel' in La Renaissance de l'Art, XIIIe année, no. 1, Paris, janvier 1930, p. 26 (illustré).
C. Roger-Marx, Vuillard et son temps, Paris, 1946, p. 51-52.
C. Roger-Marx, Vuillard, Paris, 1948, p. 37, no. 17 (illustré; titré 'Femme balayant dans un atelier').
C. Roger-Marx, Vuillard, Intérieurs, Paris et Lausanne, 1968, p. 24 et 26.
A. Salomon et G. Cogeval, Vuillard, Le regard innombrable, Catalogue critique des peintures et pastels, Paris, 2003, vol. I, p. 331, no. IV-190 (illustré en couleurs).
C. Roger-Marx, Vuillard et son temps, Paris, 1946, p. 51-52.
C. Roger-Marx, Vuillard, Paris, 1948, p. 37, no. 17 (illustré; titré 'Femme balayant dans un atelier').
C. Roger-Marx, Vuillard, Intérieurs, Paris et Lausanne, 1968, p. 24 et 26.
A. Salomon et G. Cogeval, Vuillard, Le regard innombrable, Catalogue critique des peintures et pastels, Paris, 2003, vol. I, p. 331, no. IV-190 (illustré en couleurs).
Exhibited
Zurich, Kunsthaus, Pierre Bonnard, Édouard Vuillard, mai-juillet 1932, no. 136.
Londres, Rosenberg & Helft, Bonnard and Vuillard, septembre-octobre 1937, no. 17.
Paris, Musée des Arts Décoratifs, Édouard Vuillard, mai-juillet 1938, p. 24, no. 22 (titré 'Femme balayant près d'un poêle' et erronément daté 'vers 1892').
Londres, Rosenberg & Helft, Bonnard and Vuillard, septembre-octobre 1937, no. 17.
Paris, Musée des Arts Décoratifs, Édouard Vuillard, mai-juillet 1938, p. 24, no. 22 (titré 'Femme balayant près d'un poêle' et erronément daté 'vers 1892').
Special Notice
ƒ: In addition to the regular Buyer’s premium, a commission of 5.5%
inclusive of VAT of the hammer price will be charged to the buyer.
It will be refunded to the Buyer upon proof of export of the lot
outside the European Union within the legal time limit.
(Please refer to section VAT refunds)
Further Details
Peint en 1895, année de la rencontre entre Vuillard et les Hessel, cette scène se situe dans l’appartement familial du 346 rue Saint-Honoré. La famille de Vuillard y vécut de 1891 à 1896, avant de déménager au 342 dans un appartement plus petit. La mère de Vuillard, qui est en proie à des difficultés financières récurrentes, y a aménagé un espace qui est à la fois de vie et de travail, dans lequel elle installera un atelier de couture. L’on assiste ici, dans cette scène de genre qui se souvient de la peinture hollandaise, régulièrement admirée par Vuillard au Louvre, au passage d’une activité à une autre; la nappe, posée sur la chaise au premier plan, sera bientôt dressée pour le dîner familial. Cet espace clos, où se déroule le théâtre de la vie quotidienne, devient le sujet central de la peinture de Vuillard. Est-ce un hasard ? Le peintre feint peut-être d’avoir oublié une peinture dont nous découvrons le châssis au centre.
Claude Roger-Marx voit juste lorsqu’il affirme: «Comment un moderne Steen aurait-il traité la même scène? On verrait voleter la poussière; un enfant serait occupé à charger le poêle; la maîtresse de maison achèverait sa toilette, tandis qu’une servante, par la porte entrebâillée, apporterait le courrier. Vuillard comme Vermeer, et plus encore que lui, a simplifié l’action, les costumes et le cadre: ni velours, ni fourrures, ni perles, ni sourire; toute trace de richesse ou même d’aisance a disparu» (C. Roger-Marx, Vuillard et son temps, Paris, 1946, p. 51-52). Vuillard montre ici son génie pour magnifier les sujets les plus anecdotiques, sans verser dans le sentimentalisme : «Point non plus de tristesse. C’est à Le Nain, c’est à Chardin, c’est à Corot que nous pensons : un Chardin détaché des reflets et du poli, un Le Nain moins austère, un Corot sédentaire et capté dès l’enfance au réseau d’habitudes et de petits enchantements» (C. Roger-Marx, in ibid., p. 52).
L’espace surbaissé de cette composition, bascule lentement vers le spectateur, guidé par les diagonales formées par les panneaux de la table. Comme dans les Classes de danse de Degas (1871-74; Musée d'Orsay), l’avant-plan est vu légèrement en surplomb (ainsi de la chaise), tandis que le registre supérieur est traité en une perspective contractée. Vuillard glisse ici progressivement des aplats de couleurs des années 1890 vers une touche floculée, de la frontalité des estampes japonaise vers un espace qui se creuse, s’articule, se déplie. L'œil du spectateur passe d’un motif à l’autre grâce au continuum des touches qui construisent une texture où se confondent volontairement les objets. Le tableau devient le théâtre d’un jeu d’apparition et de disparition, dans lequel la couleur cesse d’être simplement descriptive pour affirmer sa valeur sensible. L’on comprend le parti que le jeune Henri Matisse, grand admirateur (et collectionneur) de Vuillard tirera de ces stratégies visuelles; c’est ce subtil jeu d’équilibre chromatique (la distribution des taches blanches, les rappels de rouge, les échos d’orange) que Matisse qualifiera, à la suite de Vuillard, de «touche définitive», purement émotionnelle, et qui l’engagera dans la voie du Fauvisme.
Painted in 1895, the year when Vuillard and the Hessels first met, this scene takes place in the family apartment at 346 Rue Saint-Honoré. The Vuillard family lived there from 1891 to 1896 before moving to a smaller apartment located nearby at number 342. Vuillard’s mother, who struggled with recurrent financial difficulties, turned it into a dual living and working space by setting up a clothing workshop inside the apartment. In this example of genre art, which resonates the Dutch painters Vuillard loved to admire in the Louvre, we see the household transition from one activity to another. The tablecloth, which is slung across the chair in the foreground, is ready to dress the table for a family dinner. This intimate space where the theatre of daily life unfolds becomes the main subject of Vuillard’s painting. Is this a coincidence? The painter is perhaps pretending to have forgotten a painting, whose frame we can see in the centre of the image.
As Claude Roger-Marx so perceptively asked, “How would a modern Steen have dealt with the same scene?” We would see dust swirl, a child would be tending the wood stove, the mistress of the house would be finishing her make-up, and a servant would be bringing in the mail through a half-opened door. Just like Vermeer (and even more so), Vuillard has simplified the action, the costumes, and the setting. There’s no velvet, fur, or pearls—not even a smile. All trace of wealth or even material comfort has disappeared” (C. Roger-Marx, Vuillard et son temps, Paris, 1946, p. 51-52). Here, Vuillard shows his genius for focusing our attention on even the most anecdotal subjects without veering into sentimentality. “There’s no sadness either. This painting recalls Le Nain, Chardin and Corot—a version of Chardin that’s removed from his normal reflections and polish, a less austere version of Le Nain, and a sedentary Corot who has been tuned into a world of habits and small wonders since childhood” (C. Roger-Marx, in ibid., p. 52).
The low space framed within the composition gently tips towards the viewer through the diagonal lines formed by the sides of the table. Just as in Degas’ Classes de danse (1871-74; Musée d'Orsay) , the foreground and chair are seen from slightly above, while the upper portion of the painting is shortened. In this painting, Vuillard gradually transitions from the flat colours of the 1890s to a more clustered use of paint and from the frontal approach of Japanese prints to a detailed space that opens up and creates a feeling of depth. The viewer’s eye moves from one motif to another thanks to a continued line of paint dabs that create texture or deliberately blur the outlines of objects. The painting becomes the setting for a game of hide and seek in which colour is no longer just descriptive but conveys emotion as well. We can understand what a young Henri Matisse, a huge admirer (and collector) of Vuillard, took away from these visual strategies. Following in Vuillard’s footsteps, Matisse described this subtle chromatic balance (the distribution of white spots, the repetition of red, and the echoes of orange) as a purely emotional “definitive touch”—one that later put him on the path towards Fauvism.
Gilles Genty, historien de l’art / Art historian.
Claude Roger-Marx voit juste lorsqu’il affirme: «Comment un moderne Steen aurait-il traité la même scène? On verrait voleter la poussière; un enfant serait occupé à charger le poêle; la maîtresse de maison achèverait sa toilette, tandis qu’une servante, par la porte entrebâillée, apporterait le courrier. Vuillard comme Vermeer, et plus encore que lui, a simplifié l’action, les costumes et le cadre: ni velours, ni fourrures, ni perles, ni sourire; toute trace de richesse ou même d’aisance a disparu» (C. Roger-Marx, Vuillard et son temps, Paris, 1946, p. 51-52). Vuillard montre ici son génie pour magnifier les sujets les plus anecdotiques, sans verser dans le sentimentalisme : «Point non plus de tristesse. C’est à Le Nain, c’est à Chardin, c’est à Corot que nous pensons : un Chardin détaché des reflets et du poli, un Le Nain moins austère, un Corot sédentaire et capté dès l’enfance au réseau d’habitudes et de petits enchantements» (C. Roger-Marx, in ibid., p. 52).
L’espace surbaissé de cette composition, bascule lentement vers le spectateur, guidé par les diagonales formées par les panneaux de la table. Comme dans les Classes de danse de Degas (1871-74; Musée d'Orsay), l’avant-plan est vu légèrement en surplomb (ainsi de la chaise), tandis que le registre supérieur est traité en une perspective contractée. Vuillard glisse ici progressivement des aplats de couleurs des années 1890 vers une touche floculée, de la frontalité des estampes japonaise vers un espace qui se creuse, s’articule, se déplie. L'œil du spectateur passe d’un motif à l’autre grâce au continuum des touches qui construisent une texture où se confondent volontairement les objets. Le tableau devient le théâtre d’un jeu d’apparition et de disparition, dans lequel la couleur cesse d’être simplement descriptive pour affirmer sa valeur sensible. L’on comprend le parti que le jeune Henri Matisse, grand admirateur (et collectionneur) de Vuillard tirera de ces stratégies visuelles; c’est ce subtil jeu d’équilibre chromatique (la distribution des taches blanches, les rappels de rouge, les échos d’orange) que Matisse qualifiera, à la suite de Vuillard, de «touche définitive», purement émotionnelle, et qui l’engagera dans la voie du Fauvisme.
Painted in 1895, the year when Vuillard and the Hessels first met, this scene takes place in the family apartment at 346 Rue Saint-Honoré. The Vuillard family lived there from 1891 to 1896 before moving to a smaller apartment located nearby at number 342. Vuillard’s mother, who struggled with recurrent financial difficulties, turned it into a dual living and working space by setting up a clothing workshop inside the apartment. In this example of genre art, which resonates the Dutch painters Vuillard loved to admire in the Louvre, we see the household transition from one activity to another. The tablecloth, which is slung across the chair in the foreground, is ready to dress the table for a family dinner. This intimate space where the theatre of daily life unfolds becomes the main subject of Vuillard’s painting. Is this a coincidence? The painter is perhaps pretending to have forgotten a painting, whose frame we can see in the centre of the image.
As Claude Roger-Marx so perceptively asked, “How would a modern Steen have dealt with the same scene?” We would see dust swirl, a child would be tending the wood stove, the mistress of the house would be finishing her make-up, and a servant would be bringing in the mail through a half-opened door. Just like Vermeer (and even more so), Vuillard has simplified the action, the costumes, and the setting. There’s no velvet, fur, or pearls—not even a smile. All trace of wealth or even material comfort has disappeared” (C. Roger-Marx, Vuillard et son temps, Paris, 1946, p. 51-52). Here, Vuillard shows his genius for focusing our attention on even the most anecdotal subjects without veering into sentimentality. “There’s no sadness either. This painting recalls Le Nain, Chardin and Corot—a version of Chardin that’s removed from his normal reflections and polish, a less austere version of Le Nain, and a sedentary Corot who has been tuned into a world of habits and small wonders since childhood” (C. Roger-Marx, in ibid., p. 52).
The low space framed within the composition gently tips towards the viewer through the diagonal lines formed by the sides of the table. Just as in Degas’ Classes de danse (1871-74; Musée d'Orsay) , the foreground and chair are seen from slightly above, while the upper portion of the painting is shortened. In this painting, Vuillard gradually transitions from the flat colours of the 1890s to a more clustered use of paint and from the frontal approach of Japanese prints to a detailed space that opens up and creates a feeling of depth. The viewer’s eye moves from one motif to another thanks to a continued line of paint dabs that create texture or deliberately blur the outlines of objects. The painting becomes the setting for a game of hide and seek in which colour is no longer just descriptive but conveys emotion as well. We can understand what a young Henri Matisse, a huge admirer (and collector) of Vuillard, took away from these visual strategies. Following in Vuillard’s footsteps, Matisse described this subtle chromatic balance (the distribution of white spots, the repetition of red, and the echoes of orange) as a purely emotional “definitive touch”—one that later put him on the path towards Fauvism.
Gilles Genty, historien de l’art / Art historian.
Brought to you by
Adélaïde Quéau