Édouard Vuillard (1868-1940)
Hommage à la famille Hessel: mécènes et modèles
Édouard Vuillard (1868-1940)

Le matin au jardin, Clos Cézanne

Details
Édouard Vuillard (1868-1940)
Le matin au jardin, Clos Cézanne
signé et daté 'E. Vuillard 1924' (en bas à gauche)
peinture à l'essence sur papier marouflé sur toile
129.7 x 134.5 cm.
Peint en 1923-24 et retravaillé en 1938

signed and dated 'E. Vuillard 1924' (lower left)
peinture à l'essence on paper laid down on canvas
51 x 53 in.
Painted in 1923-24 and reworked in 1938
Provenance
Jos Hessel et Galerie Bernheim-Jeune, Paris (acquis auprès de l'artiste, le 10 octobre 1924).
Jos Hessel, Paris (racheté auprès de la Galerie Bernheim-Jeune, le 19 décembre 1932).
Lucie Grandjean-Hessel, Paris (par descendance).
Puis par descendance au propriétaire actuel.
Literature
L'Art et les artistes 38, no. 198, juin 1939, p. 304 (illustré).
J. Salomon, Vuillard, Témoignage, Paris, 1945, p. 110 (illustré; titré 'Dans le jardin à Vaucresson').
C. Roger-Marx, Vuillard et son temps, Paris, 1946, p. 159 (illustré, p. 165; titré 'Jardin à Vaucresson').
The Connoisseur, juin 1947, p. 135 (illustré).
C. Schweicher, Die Bildraumgestaltung, das Dekorative und das Ornamentale im Werke von Edouard Vuillard, Zurich, 1949, p. 71 et 86.
J. Salomon, Vuillard admiré, Paris, 1961, p. 144 (illustré en couleurs, p. 145).
J. Salomon, Vuillard, Paris, 1968, p. 151 (illustré en couleurs).
Plaisir de France, no. 355, mai 1968, p. 13 (illustré en couleurs, fig.5).
A. Salomon et G. Cogeval, Vuillard, Le regard innombrable, Catalogue critique des peintures et pastels, Paris, 2003, vol. III, p. 1331, no. XI-70 (illustré en couleurs).
Exhibited
Paris, Galerie Bernheim-Jeune, Exposition d'œuvres des XIXe et XXe siècles, juin-juillet 1925, no. 135 (titré 'Le jardin à Vaucresson').
Bruxelles, Galerie Le Centaure, 30 ans de peinture française, juin 1930, no. 51.
New York, Jacques Seligmann & Co, Exhibition of paintings by Bonnard, Vuillard, Roussel, octobre 1930, no. 28 (titré 'Au jardin M. Athis et Madame Hessel').
Paris, Musée des Arts Décoratifs, Le décor de la vie, de 1900 à 1925, 1937, p. 20, no. 192 (illustré; titré 'Jardin à Vaucresson').
Paris, Musée des Arts Décoratifs, Édouard Vuillard, mai-juillet 1938, no. 181 (titré 'Jardin à Vaucresson'; erronément décrit comme 'huile sur toile').
New York, Pavillon Français, Five Centuries of History Mirrored in Five Centuries of French Art, Groupe A: Beaux-Arts, Art Français contemporain, 1939, p. 5.
New York, Paul Rosenberg & Co, Paintings, Bonnard and Vuillard, janvier 1943, no. 8 (erronément daté '1918').
Buffalo, Albright-Knox Art Gallery; Cincinnati et St. Louis, French paintings of the twentieth century (1900-1939), 1944, p. 67, no. 79 (erronément daté '1919').
Further Details
La scène se passe au Clos Cézanne, propriété des Hessel à Vaucresson, ainsi appelée parce qu’elle fut acquise à la suite de la vente d’un tableau de Cézanne (peut-être La route tournante ? (cf. lot 6A). Le tableau est le fruit de notations prises sur le vif le 2 septembre 1923 : «beau temps, vais bonne heure Clos Céz. Temps émerveillant; Lucie [sic] et Fred sur les Wallace, croquis au soleil, charmant spectacle…rentre déjeuner avec maman, tête très occupée effet du matin, écris. […] Delacroix compréhension ornementale des fleurs, des ornements à l’atelier. Entreprend pochade réduite sujet du matin […] Vaucresson, les nuages, leurs formes, leur nature m’y intéresse objectivement pour la première fois, raison d’être de leur aspect, de leurs couleurs teintes lumières» (E. Vuillard, Journal cité in A. Salomon et G. Cogeval, op. cit., Paris, 2003, vol. III, p. 1331). Rentré à l’atelier, Vuillard réalise une étude à la colle sur papier, qui lui permet de mettre en place et de distribuer les rapports de ton et les effets de lumière.
Aux deux protagonistes principaux déjà présents dans le croquis préparatoire, Alfred Natanson et Lucy Hessel, Vuillard ajoute, en écho à l’arrière-plan, Jos Hessel et une jeune femme (Marthe Melot, l’épouse d’Alfred Natanson, Marcelle Aron compagne de Tristan Bernard); mais le véritable effet de miroir se joue entre Lucy et son jardin, lequel était déjà le sujet d’un tableau en 1920 (fig. 1). Jacques Salomon se souvient en 1968: «Son jardin était, une grande partie de l’année, l’objet de tous ses soins. Cette roseraie était son œuvre, elle y passait ses matinées, un panier au bras et le sécateur à la main. Les bouquets qu’elle confectionnait ravissaient Vuillard, dont les compliments la rendaient heureuse». Fidèle aux méthodes de travail de Degas, reprises par Gauguin et les Nabis, Vuillard note scrupuleusement sur le motif puis…travaille de mémoire. D’ailleurs, comme Bonnard, il n’hésite pas à reprendre ses œuvres à des années de distance.
La scène de genre acquiert bientôt la monumentalité de la peinture d’histoire. Les frondaisons encadrent les personnages comme un décor de théâtre et l’on songe aux panneaux que Vuillard brossa pour Pelléas et Mélisande (1902) ou pour le Théâtre de Chaillot (1938). Les fleurs accompagnement décorativement Lucy Hessel, au sens où l’entendait Delacroix, justement rappelé par Vuillard lors de ses premières impressions. Elles sont aussi la transposition poétique de l’affection que Vuillard porte à son modèle. Il s’agit en définitive ici d’«un jardin de tons et de couleurs plus encore que de fleurs, un jardin qui doit être moins l’ancien jardin-fleuriste qu’un jardin coloriste» pour reprendre Marcel Proust (M. Proust cité in 'Les Eblouissements' in Le Figaro, 15 juin 1907 in M. Proust, Contre Sainte Beuve, Paris, 1971, p. 539) évoquant le jardin de Claude Monet à Giverny, auquel Vuillard rendit visite (fig. 2).

The setting is Le Clos Cézanne, property of the Hessel family in Vaucresson. It was thus named because it was purchased after the sale of one of Cézanne's works (perhaps La route tournante? (cf. lot 6A). The work is the result of impromptu notes taken on 2 September 1923: "nice weather, going early to Clos Céz. Marvellous weather; Lucie [sic] and Fred on the Wallaces, sketches in the sun, a charming spectacle… back to have lunch with mother, head full of this morning's effect, writing. […] Delacroix ornamental understanding of flowers, ornaments at the workshop. Start a reduced-scale pochade of morning subject […] Vaucresson, the clouds, their shapes, their nature objectively interests me for the first time, the raison d’être of their appearance, of their colours tones lights" (E. Vuillard, Journal cited in A. Salomon and G. Cogeval, op. cit. , Paris, 2003, vol. III, p. 1331). Back at the workshop, Vuillard executes a quick study on paper enabling him to establish and distribute the relative tones and light effects.
With two principal protagonists – Alfred Natanson and Lucy Hessel – already present in the preparatory sketches, Vuillard adds two others in the background to echo the couple: Jos Hessel with a young lady (Marthe Melot, the wife of Alfred Natanson; Marcelle Aron, the companion of Tristan Bernard); but the true mirror effect juxtaposes Lucy and her garden, which was already the subject of a painting in 1920 (fig. 1). In 1968, Jacques Salomon recalls: "For most of the year, her garden received the greatest care. This rose collection was her work: she spent her mornings here with a basket over her arm and pruning shears in her hand. The bouquets that she fashioned thrilled Vuillard, and his compliments delighted her." Loyal to the work methods of Degas, taken up by Gauguin and the Nabis, Vuillard takes scrupulous notes on the design and then... works from memory. Moreover, like Bonnard, he does not hesitate to execute his works again years later.
Genre painting soon acquired the monumentality of historic painting. Foliage frames the characters like a theatre décor, bringing to mind backdrops that Vuillard painted for Pelléas and Mélisande (1902) and the Théâtre National de Chaillot (1938). Flowers decoratively accompany Lucy Hessel in the style of Delacroix, just as Vuillard noted when jotting down his first impressions. They are also the poetic transposition of the affection that Vuillard has for his model. This is definitively "a garden of tones and colours more than flowers, not so much an old-fashioned florist garden as it is a colourist garden," in the words of Marcel Proust (M. Proust quoted in 'Les Eblouissements' in Le Figaro, 15 June 1907 in M. Proust, Contre Sainte Beuve, Paris, 1971, p. 539) evoking Claude Monet's garden in Giverny, which Vuillard would visit (fig. 2).

Gilles Genty, historien de l’art / Art historian.

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Adélaïde Quéau
Adélaïde Quéau

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