Literature
G. Grappe, Catalogue du Musée Rodin, Paris, 1927, p. 47, no. 91-92 (une autre version illustrée).
G. Grappe, Le Musée Rodin, Monaco, 1947, p. 142, no. 71 (la version en marbre illustrée, pl. 71).
C. Goldscheider, Rodin, Sa vie, son œuvre, son héritage, Paris, 1962 (la version en marbre illustrée).
I. Jianou et C. Goldscheider, Rodin, Paris, 1967, p. 100 (la version en marbre illustrée, pl. 54 et 55).
J.-L. Tancock, The Sculpture of Auguste Rodin, Philadelphie, 1976, p. 77, no. 151 (la version en marbre illustrée).
J. de Caso et P. B. Sanders, Rodin's Sculpture, A Critical Study of the Spreckels Collection, California Palace of the Legion of Honor, San Francisco, 1977, p. 148-153, no. 22 (une autre épreuve illustrée, p. 148 et 150).
A. Le Normand-Romain, Le Baiser de Rodin/The Kiss by Rodin, Paris, 1995 (autres versions illustrées, p. 20 et 43).
A. Le Normand-Romain, Rodin et le bronze, Catalogue des œuvres conservées au Musée Rodin, Paris, 2007, vol. I, p. 158-163, no. S. 2393 (une autre épreuve illustrée, p. 162).
Further Details
Dans Le Baiser, Rodin traite ce sujet élémentaire en adoptant un nouveau langage visuel, exprimant l’érotisme de la scène de manière extrêmement audacieuse, convaincante et tangible. Il le sculpte à l’origine dans le marbre, renforçant ainsi la sensualité du couple. Ce point a fait l’objet d’un débat animé sur l'œuvre précédente de Rodin, L’Âge d'airain, exposée au Salon de 1877, l'artiste étant alors accusé de «moulage sur nature» car le personnage était considéré comme l’imitation d’un véritable corps humain et donc trop proche de la réalité. En réponse, l'artiste a exagéré ou réduit la taille de ses sculptures, accentuant souvent des parties du corps humain dans la tradition de Michel-Ange. Le Baiser est l’une de ses interprétations les plus sensuelles de l’amour interdit.
Destiné à faire partie de la commande monumentale de La Porte de l’Enfer et conçu à l’origine en 1880-1882, Le Baiser a lui-aussi été jugé inapproprié pour ce projet en raison de la joie amoureuse émanant de ses personnages, incompatible avec la vision tragique de Dante que Rodin cherchait à représenter. La sculpture de ce couple qui s’embrasse s’inspire de l’histoire d'amour courtois interdit figurant dans le Chant V de L’Enfer de Dante. En descendant dans le deuxième cercle de l'enfer, où un tourbillon implacable tourmente les âmes de ceux ayant commis les péchés de la chair, Dante rencontre deux amants illicites qui ont vécu et péri pour leur indiscrétion à l’époque du poète. Francesca était mariée à Gianciotto Malatesta, seigneur de Rimini. Absent de son domaine, Gianciotto avait placé Francesca sous la garde de son jeune frère Paolo. En lisant l’histoire d'amour adultère entre Guenièvre et Lancelot, Paolo et Francesca ont soudainement réalisé leurs sentiments réciproques.
Tandis que dans l'œuvre de Dante, Paolo a initié le baiser, dans la sculpture de Rodin, Francesca soulève son corps, l’invitant au baiser. Paolo semble réagir timidement : il est pris par surprise, le livre glisse de sa main, toujours ouvert à la page qu’ils étaient en train de lire mais à présent plaqué contre les corps dans leur étreinte. Rodin a saisi l’instant où leurs lèvres s’effleurent, une fraction de seconde avant qu’elles ne se rejoignent dans la fougue d’un baiser passionné, accentuant l'aspect dramatique de la scène. L’issue tragique de cette rencontre est bien connue des lecteurs de Dante et des spectateurs avisés de l’époque de Rodin. Rentré à l’improviste, Gianciotto a appris l’infidélité de sa femme et de son frère et les a poignardés à mort.
Le sujet du baiser, faisant parfois référence au baiser fatal de Paolo et Francesca ou au dernier baiser de Roméo et Juliette, a été interprété de plusieurs manières à travers les siècles. Cependant, l’approche réaliste et sensuelle de Rodin rendue par la qualité tridimensionnelle du medium est sans précédent et est d’autant plus accentuée par le mouvement remarquable de la rotation issue de l’entrelacement des deux personnages. Ces qualités dynamiques et érotiques se distinguent de l’interprétation plus pudique de l’académicien Ingres exécutée en 1819, montrant un Paolo qui pose élégamment un baiser délicat sur la joue de la timide Francesca (fig. 1). La version de Francesco Hayez illustre un amour plus passionnel, plus proche de celui de Rodin, dans laquelle Paolo tient le visage de Francesca entre ses mains tout en l’embrassant, bien que les amants semblent être figés dans le temps (fig. 2). Le tableau d’Edvard Munch intitulé Le baiser de 1897 (fig. 3) semble quant à lui être inspiré de la sculpture mythique de Rodin. En effet, la composition de Munch évoque un dynamisme giratoire similaire et un amour passionnel comparativement intense : ses personnages se tiennent fermement tout en s’embrassant et semblent presque “fondre” l’un dans l’autre, traduisant littéralement l’amour fusionnel des deux amants.
Rodin treats the simple subject of Le Baiser with a new visual language, by conveying the scene’s eroticism in such a daring, convincing and tangible way. The likeness to nature, the heightened sensuality had precisely been the source of the fierce debate over Rodin’s early work, L’Âge d'airain, at the 1877 Salon, when the artist was accused of "moulage sur nature". In response, he exaggerated or reduced the size of his casts often over-emphasizing parts of the human body in the tradition of Michelangelo – Le Baiser is one of his most sensual interpretations of forbidden love.
Destined to also be a part of Rodin’s monumental commission La Porte de l'Enfer and originally conceived in 1880-1882, Le Baiser was deemed inappropriate for that project due to the joy of love emanating from his figures, incompatible with the tragic vision of Dante that Rodin sought to represent. Hence, a tale of forbidden courtly love in Canto V of Dante's Inferno inspired the embracing pair depicted in Le Baiser. Having entered the second circle of hell, where an unrelenting whirlwind torments the spirits of those who have committed sins of the flesh, Dante encounters two illicit lovers who lived and perished for their indiscretion in the poet's own day. Francesca was married to Gianciotto Malatesta, the lord of Rimini. During an absence from his domain, Gianciotto placed Francesca in the safekeeping of his younger brother Paolo. While reading the story of the adulterous love between Guinevere and Lancelot, Paolo and Francesca suddenly became aware of their feelings for each other.
While in Dante's telling, Paolo initiated the kiss, Rodin has Francesca raise her body to him, inviting his embrace. Paolo appears to react timidly: caught off-guard, the book slips from his hand, still opened to the page they were reading, now flattened in the embrace of body and limb. Rodin captured the instant in which their lips are barely touching, a split second before they actually join in the forceful press of an impassioned kiss, emphasising the drama of the scene. The tragic outcome of this encounter would have been well-known to Dante's readers and informed viewers in Rodin's day - Gianciotto unexpectedly returned and, learning of the conjoined infidelities of his wife and brother, stabs them both to death.
The subject of the kiss, sometimes alluding to Paolo and Francesca’s fatal kiss, or Romeo and Juliet’s last kiss, has been depicted in various ways throughout the centuries, yet Rodin’s naturalistic and sensual rendering through his medium’s three-dimensionality is unprecedented, and is further emphasised by the extraordinary rotating movement created by the lovers’ embracing posture. This dynamism and eroticism clearly departs from the more reserved interpretation of French academic painter Ingres dating from 1819, defined by Paolo’s delicate and elegant kiss on the cheek of the shy Francesca (fig. 1). Francesco Hayez’s version of the subject conveys a more passionate love, somewhat closer to Rodin’s interpretation, as Paolo holds Francesca’s face whilst kissing her, yet the lovers’ static position appears to be frozen in time (fig. 2). In contrast, Edvard Munch’s painting Le baiser of 1897 (fig. 3), seems to be inspired by Rodin’s iconic sculpture executed a few years earlier, portraying a similar rotational dynamism and passionate love, as Munch’s figures grab each other and almost blend into each other, literally transcribing the intensity of the lovers’ inseparable relationship.