Lot Essay
Les cellules colorées qui s’entrelacent sur la Partition de Jean Dubuffet sont les habitantes protéiformes d’un univers esthétique radical, l’Hourloupe. Commencé à l’été 1962, ce cycle de travail sera le plus long – douze ans, mais également le plus abouti de l’artiste. À son commencement, il n’y a pourtant que le hasard, un griffonnage irréfléchi au détour d’une conversation téléphonique. Sur une feuille volante, Dubuffet multiplie alors au stylo à bille des formes indistinctes, barrées par automatisme et combinées les unes aux autres. Il y verra la potentialité d’un vocabulaire de l’inconscient, en rupture avec les formes d’expression connues. Le cycle de l’Hourloupe est né, balayant d’un trait celui de Paris Circus entamé par l’artiste un an plus tôt.
Aux bonshommes bigarrés, témoins de l’effervescence urbaine des Trente Glorieuses, répond désormais un vocabulaire plastique restreint – à l’image de Partition. D’abord, une gamme de couleurs limitée aux rouge et bleu primaires, auxquelles s’ajoutent les extrêmes du champ chromatique, le blanc et noir. Ensuite, un tracé laissant libre cours au geste spontané de l’artiste duquel émergent des modules sinueux, juxtaposés. Ils sont tantôt rayés, tantôt recouverts d’aplats uniformes de peinture vinyle – plus lisse que l’huile, elle participe à l’uniformité de la composition.
Du langage plastique codifié va naître l’Hourloupe, ce monde à la fois mental et tangible qui vise à se substituer aux données du réel et force l’oeil à une expérimentation constante. Dans Partition, un dédale vertigineux s’ouvre au regard : il vagabonde entre les méandres rayés, qui vont du rose au carmin et du cyan à l’indigo ; il identifie soudain dans l’écriture noire le contour d’une forme connue. Mais ce jeu de la vision, n’est autre qu’un « plongeon dans le fantasme, dans un fantomatique univers parallèle », celui de l’Hourloupe (J. Dubuffet in « Biographie au pas de course » in Prospectus et tous écrits suivants, IV, Paris, 1995, p. 510).
Hourloupe, un mot à l’étymologie multiple : voisin d’entourloupe, comme l’indique le biographe de Dubuffet, Max Loreau, mais aussi associé par l’artiste à ‘hurler’, ‘hululer’, ‘loup’ ou encore ‘Riquet à la Houppe’. En miroir le titre de Partition, qui sera repris par Dubuffet en 1980-1981, est polyphonique. Il évoque une composition musicale, dont les notes seraient les formes liées sur la toile. Il témoigne surtout de la démarche intellectuelle qui préside à l'Hourloupe – celle d’une séparation avec le monde réel : « Finies les jubilations mystiques du monde physique: j'en ai pris la nausée et ne veux plus travailler que contre lui. C'est l'irréel maintenant qui m'enchante » (J. Dubuffet, Cité fantoche, in Prospectus et tous écrits suivants, volume II, Paris 1967, pp. 188-189).
The interlocking coloured cells on Jean Dubuffet’s Partitionare the protean inhabitants of a radical aesthetic universe he called “Hourloupe”. The artist began this cycle of work in the summer of 1962 and it would be his longest, lasting twelve years, as well as his most accomplished. Yet it came about purely by chance, as the result of an absent-minded doodle, drawn during a telephone conversation. Dubuffet had found himself scribbling on a loose sheet of paper with a biro, producing indistinct shapes one after the other, crossing them out instinctively and linking them up with each other. He saw in this process the potential for a vocabulary of the unconscious, quite different from established forms of expression. And so began the Hourloupe cycle, promptly sweeping aside the Paris Circus series that the artist had started a year earlier.
His brightly coloured figures, a reflection of the buzzing cities of France’s “Glorious Thirty” years from 1945-1975, were now met with a restrained visual vocabulary – as we see in Partition. First, there is a colour palette limited to primary red and blue, to which he adds the two extremes of the colour spectrum, black and white. Then, there is a spontaneous drawing process giving free rein to the artist and from which emerge these winding, juxtaposed units. At times they are scratched through, at others they are covered with uniform flat tints of vinyl paint – smoother than oil - which contributes to the uniformity of the composition.
This coded visual language gave birth to Hourloupe, a world which exists in the mind and yet is tangible, which aims to replace real information and forces the eye into continuous experimentation. Partition reveals a dizzying maze: the eye roves between scratched meanders of colour which go from pink to crimson and from cyan to indigo, then suddenly in the black writing, it picks out the outline of a familiar shape. But this visual game is simply a “dip into fantasy, into a ghostly parallel universe” - Hourloupe (J. Dubuffet in “Biographie au pas de course” in Prospectus et tous écrits suivants, volume IV, Paris, 1995, p. 510).
Hourloupe is a word with multiple roots: close to the French word ‘entourloupe’ (monkey business) as noted by Dubuffet’s biographer, Max Loreau, but also linked by the artist to the words ‘hurler’ (yell), ‘hululer’ (hoot), ‘loup’ (wolf) and ‘Riquet à la Houppe’ (Ricky with the Tuft, a French fairytale). Likewise, the title selected by Dubuffet in 1980- 1981, Partition, is polyphonic. In French, the word ‘partition’ describes a musical composition and in this case, it conveys the idea of notes arranged together on the canvas. In particular, it is evidence of the intellectual approach underpinning the Hourloupe series – the idea of separation from the real world: “The mystical jubilations of the physical world are over and done with: I have become nauseated by it and no longer wish to work except against it. What enchants me now is the unreal” (J. Dubuffet, Cité fantoche, in Prospectus et tous écrits suivants, volume II, Paris 1967, pp. 188-189).
Aux bonshommes bigarrés, témoins de l’effervescence urbaine des Trente Glorieuses, répond désormais un vocabulaire plastique restreint – à l’image de Partition. D’abord, une gamme de couleurs limitée aux rouge et bleu primaires, auxquelles s’ajoutent les extrêmes du champ chromatique, le blanc et noir. Ensuite, un tracé laissant libre cours au geste spontané de l’artiste duquel émergent des modules sinueux, juxtaposés. Ils sont tantôt rayés, tantôt recouverts d’aplats uniformes de peinture vinyle – plus lisse que l’huile, elle participe à l’uniformité de la composition.
Du langage plastique codifié va naître l’Hourloupe, ce monde à la fois mental et tangible qui vise à se substituer aux données du réel et force l’oeil à une expérimentation constante. Dans Partition, un dédale vertigineux s’ouvre au regard : il vagabonde entre les méandres rayés, qui vont du rose au carmin et du cyan à l’indigo ; il identifie soudain dans l’écriture noire le contour d’une forme connue. Mais ce jeu de la vision, n’est autre qu’un « plongeon dans le fantasme, dans un fantomatique univers parallèle », celui de l’Hourloupe (J. Dubuffet in « Biographie au pas de course » in Prospectus et tous écrits suivants, IV, Paris, 1995, p. 510).
Hourloupe, un mot à l’étymologie multiple : voisin d’entourloupe, comme l’indique le biographe de Dubuffet, Max Loreau, mais aussi associé par l’artiste à ‘hurler’, ‘hululer’, ‘loup’ ou encore ‘Riquet à la Houppe’. En miroir le titre de Partition, qui sera repris par Dubuffet en 1980-1981, est polyphonique. Il évoque une composition musicale, dont les notes seraient les formes liées sur la toile. Il témoigne surtout de la démarche intellectuelle qui préside à l'Hourloupe – celle d’une séparation avec le monde réel : « Finies les jubilations mystiques du monde physique: j'en ai pris la nausée et ne veux plus travailler que contre lui. C'est l'irréel maintenant qui m'enchante » (J. Dubuffet, Cité fantoche, in Prospectus et tous écrits suivants, volume II, Paris 1967, pp. 188-189).
The interlocking coloured cells on Jean Dubuffet’s Partitionare the protean inhabitants of a radical aesthetic universe he called “Hourloupe”. The artist began this cycle of work in the summer of 1962 and it would be his longest, lasting twelve years, as well as his most accomplished. Yet it came about purely by chance, as the result of an absent-minded doodle, drawn during a telephone conversation. Dubuffet had found himself scribbling on a loose sheet of paper with a biro, producing indistinct shapes one after the other, crossing them out instinctively and linking them up with each other. He saw in this process the potential for a vocabulary of the unconscious, quite different from established forms of expression. And so began the Hourloupe cycle, promptly sweeping aside the Paris Circus series that the artist had started a year earlier.
His brightly coloured figures, a reflection of the buzzing cities of France’s “Glorious Thirty” years from 1945-1975, were now met with a restrained visual vocabulary – as we see in Partition. First, there is a colour palette limited to primary red and blue, to which he adds the two extremes of the colour spectrum, black and white. Then, there is a spontaneous drawing process giving free rein to the artist and from which emerge these winding, juxtaposed units. At times they are scratched through, at others they are covered with uniform flat tints of vinyl paint – smoother than oil - which contributes to the uniformity of the composition.
This coded visual language gave birth to Hourloupe, a world which exists in the mind and yet is tangible, which aims to replace real information and forces the eye into continuous experimentation. Partition reveals a dizzying maze: the eye roves between scratched meanders of colour which go from pink to crimson and from cyan to indigo, then suddenly in the black writing, it picks out the outline of a familiar shape. But this visual game is simply a “dip into fantasy, into a ghostly parallel universe” - Hourloupe (J. Dubuffet in “Biographie au pas de course” in Prospectus et tous écrits suivants, volume IV, Paris, 1995, p. 510).
Hourloupe is a word with multiple roots: close to the French word ‘entourloupe’ (monkey business) as noted by Dubuffet’s biographer, Max Loreau, but also linked by the artist to the words ‘hurler’ (yell), ‘hululer’ (hoot), ‘loup’ (wolf) and ‘Riquet à la Houppe’ (Ricky with the Tuft, a French fairytale). Likewise, the title selected by Dubuffet in 1980- 1981, Partition, is polyphonic. In French, the word ‘partition’ describes a musical composition and in this case, it conveys the idea of notes arranged together on the canvas. In particular, it is evidence of the intellectual approach underpinning the Hourloupe series – the idea of separation from the real world: “The mystical jubilations of the physical world are over and done with: I have become nauseated by it and no longer wish to work except against it. What enchants me now is the unreal” (J. Dubuffet, Cité fantoche, in Prospectus et tous écrits suivants, volume II, Paris 1967, pp. 188-189).