Lot Essay
Cette œuvre est inscrite dans les archives de la Fondation Hans Hartung et Anna-Eva Bergman sous le numéro No. HH1505-0 et figurera au catalogue raisonné de l'œuvre de Hans Hartung actuellement en préparation.
Des traits d’un noir vibrant qui s’élancent et se détachent d’un brun appliqué avec précision afin de jouer sur des transparences qui laissent apparaître un vert aux nuances de jaune éclatantes, le tout se détachant sur un fond clair légèrement bleuté : T1955-9 fait partie d’une série d’oeuvres magistrales par leur format et leur composition entreprise au cours des années 1955-1956. Hans Hartung y montre l’aboutissement de toutes ses recherches plastiques menées depuis la fin des années 1940 avant le tournant marqué par les nouvelles techniques qu’il expérimente à partir de 1960. L’artiste y affiche une maîtrise parfaite de sa peinture lui conférant une intensité expressive rarement atteinte. Conforté par une reconnaissance internationale tant critique que publique, Hartung semble trouver dans une oeuvre comme T1955-9 la pleine mesure de ses capacités.
En effet, 1955 compte pour le peintre plusieurs expositions décisives à San Francisco, Pittsburgh, Tokyo, Sao Paolo et surtout la toute première Documenta de Kassel. Si Hartung a eu du mal à s’imposer dans les années 1940, cette seconde moitié des années 1950 lui permet de véritablement assoir sa réputation d’artiste incontournable d’une abstraction libérée de tout dogme si ce n’est sa propre exigence vis-à-vis de son travail. Cette notoriété va d’ailleurs aboutir à l’obtention du Grand Prix de peinture lors de la 30ème Biennale de Venise en 1960 et conduire à sa première rétrospective d’envergure en 1969 au Musée national d’Art Moderne de la Ville de Paris dans laquelle T1955-9 sera exposée en bonne place.
Techniquement cette oeuvre traduit parfaitement l’évolution plastique qui s’opère chez Hartung entre 1954 et 1955. Son style se transforme en partie grâce à l’emploi d’un pinceau plus doux et plus souple qui permet des traits plus vifs mais plus courbes, moins tendus. Au cours de ces deux années, il passe ses étés avec Anna-Eva Bergmann dans une villa au bord de la Méditerranée. Il y réalise lors de ces séjours de très nombreux dessins à l’encre de Chine qui lui permettent d’explorer et d’approfondir ses compositions. Il explique : « Ils ont eu une forte influence sur ma peinture de cette époque où de grands signes noirs apparaissent sur des fonds de vert froid très clair, de rouge minium ou d’autres couleurs. ». De ces dessins à l’écriture très déliée, moins structurée que dans les années 1940, vont naître une série de toile qu’il qualifie lui-même de « palmées » en référence à cette élégance presque végétale qui se dégage de ses oeuvres. Hartung part alors de composition sur papier dont il est satisfait pour les transcrire par un procédé de mise au carreau et d’agrandissement sur la toile tout en les enrichissant de fonds colorés subtiles, de jeux de superposition que lui offre la matière de l’huile. Cette technique spécifique qu’il maîtrise et enrichit ne lui est pas propre mais lui offre la possibilité de sélectionner et de sublimer la composition qui traduit au mieux la pureté de son expression, dont T1955-9 en est un parfait exemple. Ainsi que l’explique Matthieu Poirier « L’artiste, en peuplant ses tableaux de ces formes issues à la fois d’un jaillissement gestuel et d’un labeur minutieux (qui nécessitait une précision millimétrique), visait à produire un signe vraisemblable de l’exécution. […] De la sorte Hartung préfigure ainsi la pratique de l’américain Franz Kline, dont on sait aujourd’hui que l’abstraction gestuelle et architecturée, à laquelle ce dernier ne se consacre qu’à partir de 1950, découlait à son tour de l’agrandissement d’esquisses sur de vastes toiles. » (M. Poirier, Hartung A Constant Storm, catalogue de l’exposition, Galerie Perrotin, Belgique, 2018, p. 17). Pionnier solitaire, Hartung a su construire une oeuvre unique et reconnaissable entre toutes, lui qui aimait à rappeler : « J’aime le noir. C’est sans doute ma couleur préférée. Un noir absolu, froid, profond, intense. Je l’ai très souvent employé associé à un fond très clair. J’aime ces couleurs qui permettent des contrastes forts : le trait, la ligne, les formes s’y détachent sans faiblesse. »
Strokes of vibrant, dashing black stand out against a brown which has been applied with precision to play on transparencies through which a green with shades of bright yellow shows, the whole piece standing out against a light, slightly bluish background: T1955-9 belongs to a series of works which are masterful in their format and composition, undertaken in the years 1955-1956. In this work, we see the culmination of all of Hans Hartung’s artistic experimentation from the end of the 1940s to 1960, the turning point when he began trialling new techniques. The artist demonstrates an utter mastery of his painting which gives it a rare expressive intensity. Buoyed by international recognition from critics and the public alike, Hartung seems to have realised his fullest potential in works like T1955-9.
Indeed, 1955 brought the painter several definitive exhibitions in San Francisco, Pittsburgh, Tokyo, Sao Paolo and most significantly, the first ever Kassel Documenta. While he may have struggled to make an impact in the 1940s, the second half of the 1950s allowed him to really establish his reputation as an important artist whose abstract work was unhindered by any dogma beyond what he himself demanded of his art. This notoriety also resulted in Hartung being awarded the Grand Prize for painting at the 30th Venice Biennale in 1960 and led to his first major retrospective, at the Musée national d’Art Moderne de la Ville de Paris in 1969, in which T1955-9 was featured prominently.
Technically, this work is a perfect embodiment of Hartung’s artistic evolution between 1954 and 1955. His style was transformed partly with the use of a softer, more supple brush which produced sharper but more curved, more relaxed strokes. During these two years, he spent his summers with Anna-Eva Bergmann, in a villa on the Mediterranean coast. During these trips, he produced a great many drawings in Indian ink which helped him explore and intensify his compositions. He explained: “They had a strong influence on my painting from that period, which featured large black marks on backgrounds of very light, cool green, red lead and other colours.” These drawings with their very fluid ink work, less structured than in the 1940s, led to a series of canvasses which he himself described as “palmate”, in reference to the almost organic elegance which emerges from his works. And so Hartung’s starting point became a composition on paper that he was satisfied with, which he would then transpose to canvas through a process of squaring off and enlargement, enhancing it at the same time with subtly coloured backgrounds and layering effects made possible by the medium of the oil. This specific technique which Hartung mastered and enhanced was not unique to him but allowed the artist to select and perfect the composition which best conveyed the purity of his expression; T1955-9 is an excellent example of this. As Matthieu Poirier explained “By populating his paintings with these forms produced jointly by spontaneous action and meticulous labour (requiring millimetric precision), the artist was aiming to produce a graphic marking equating to the execution. […] In this sense, Hartung prefigured the practice of the American Franz Kline, whose gestural and structured abstraction, which he only focused on from 1950, we now know emerged from the enlargement of sketches on enormous canvasses.” (M. Poirier, Hartung A Constant Storm, exhibition catalogue, Galerie Perrotin, Belgium, 2018, p. 17). A solitary pioneer, Hartung had the ability to construct a unique, instantly recognisable piece of art. He liked to recall that: “I like black. There’s no doubt it’s my favourite colour. An intense, deep, cool, absolute black. I frequently used it in combination with a very light background. I like these colours that allow very strong contrasts: strokes, lines, forms, all stand out without any weakness.”
Des traits d’un noir vibrant qui s’élancent et se détachent d’un brun appliqué avec précision afin de jouer sur des transparences qui laissent apparaître un vert aux nuances de jaune éclatantes, le tout se détachant sur un fond clair légèrement bleuté : T1955-9 fait partie d’une série d’oeuvres magistrales par leur format et leur composition entreprise au cours des années 1955-1956. Hans Hartung y montre l’aboutissement de toutes ses recherches plastiques menées depuis la fin des années 1940 avant le tournant marqué par les nouvelles techniques qu’il expérimente à partir de 1960. L’artiste y affiche une maîtrise parfaite de sa peinture lui conférant une intensité expressive rarement atteinte. Conforté par une reconnaissance internationale tant critique que publique, Hartung semble trouver dans une oeuvre comme T1955-9 la pleine mesure de ses capacités.
En effet, 1955 compte pour le peintre plusieurs expositions décisives à San Francisco, Pittsburgh, Tokyo, Sao Paolo et surtout la toute première Documenta de Kassel. Si Hartung a eu du mal à s’imposer dans les années 1940, cette seconde moitié des années 1950 lui permet de véritablement assoir sa réputation d’artiste incontournable d’une abstraction libérée de tout dogme si ce n’est sa propre exigence vis-à-vis de son travail. Cette notoriété va d’ailleurs aboutir à l’obtention du Grand Prix de peinture lors de la 30ème Biennale de Venise en 1960 et conduire à sa première rétrospective d’envergure en 1969 au Musée national d’Art Moderne de la Ville de Paris dans laquelle T1955-9 sera exposée en bonne place.
Techniquement cette oeuvre traduit parfaitement l’évolution plastique qui s’opère chez Hartung entre 1954 et 1955. Son style se transforme en partie grâce à l’emploi d’un pinceau plus doux et plus souple qui permet des traits plus vifs mais plus courbes, moins tendus. Au cours de ces deux années, il passe ses étés avec Anna-Eva Bergmann dans une villa au bord de la Méditerranée. Il y réalise lors de ces séjours de très nombreux dessins à l’encre de Chine qui lui permettent d’explorer et d’approfondir ses compositions. Il explique : « Ils ont eu une forte influence sur ma peinture de cette époque où de grands signes noirs apparaissent sur des fonds de vert froid très clair, de rouge minium ou d’autres couleurs. ». De ces dessins à l’écriture très déliée, moins structurée que dans les années 1940, vont naître une série de toile qu’il qualifie lui-même de « palmées » en référence à cette élégance presque végétale qui se dégage de ses oeuvres. Hartung part alors de composition sur papier dont il est satisfait pour les transcrire par un procédé de mise au carreau et d’agrandissement sur la toile tout en les enrichissant de fonds colorés subtiles, de jeux de superposition que lui offre la matière de l’huile. Cette technique spécifique qu’il maîtrise et enrichit ne lui est pas propre mais lui offre la possibilité de sélectionner et de sublimer la composition qui traduit au mieux la pureté de son expression, dont T1955-9 en est un parfait exemple. Ainsi que l’explique Matthieu Poirier « L’artiste, en peuplant ses tableaux de ces formes issues à la fois d’un jaillissement gestuel et d’un labeur minutieux (qui nécessitait une précision millimétrique), visait à produire un signe vraisemblable de l’exécution. […] De la sorte Hartung préfigure ainsi la pratique de l’américain Franz Kline, dont on sait aujourd’hui que l’abstraction gestuelle et architecturée, à laquelle ce dernier ne se consacre qu’à partir de 1950, découlait à son tour de l’agrandissement d’esquisses sur de vastes toiles. » (M. Poirier, Hartung A Constant Storm, catalogue de l’exposition, Galerie Perrotin, Belgique, 2018, p. 17). Pionnier solitaire, Hartung a su construire une oeuvre unique et reconnaissable entre toutes, lui qui aimait à rappeler : « J’aime le noir. C’est sans doute ma couleur préférée. Un noir absolu, froid, profond, intense. Je l’ai très souvent employé associé à un fond très clair. J’aime ces couleurs qui permettent des contrastes forts : le trait, la ligne, les formes s’y détachent sans faiblesse. »
Strokes of vibrant, dashing black stand out against a brown which has been applied with precision to play on transparencies through which a green with shades of bright yellow shows, the whole piece standing out against a light, slightly bluish background: T1955-9 belongs to a series of works which are masterful in their format and composition, undertaken in the years 1955-1956. In this work, we see the culmination of all of Hans Hartung’s artistic experimentation from the end of the 1940s to 1960, the turning point when he began trialling new techniques. The artist demonstrates an utter mastery of his painting which gives it a rare expressive intensity. Buoyed by international recognition from critics and the public alike, Hartung seems to have realised his fullest potential in works like T1955-9.
Indeed, 1955 brought the painter several definitive exhibitions in San Francisco, Pittsburgh, Tokyo, Sao Paolo and most significantly, the first ever Kassel Documenta. While he may have struggled to make an impact in the 1940s, the second half of the 1950s allowed him to really establish his reputation as an important artist whose abstract work was unhindered by any dogma beyond what he himself demanded of his art. This notoriety also resulted in Hartung being awarded the Grand Prize for painting at the 30th Venice Biennale in 1960 and led to his first major retrospective, at the Musée national d’Art Moderne de la Ville de Paris in 1969, in which T1955-9 was featured prominently.
Technically, this work is a perfect embodiment of Hartung’s artistic evolution between 1954 and 1955. His style was transformed partly with the use of a softer, more supple brush which produced sharper but more curved, more relaxed strokes. During these two years, he spent his summers with Anna-Eva Bergmann, in a villa on the Mediterranean coast. During these trips, he produced a great many drawings in Indian ink which helped him explore and intensify his compositions. He explained: “They had a strong influence on my painting from that period, which featured large black marks on backgrounds of very light, cool green, red lead and other colours.” These drawings with their very fluid ink work, less structured than in the 1940s, led to a series of canvasses which he himself described as “palmate”, in reference to the almost organic elegance which emerges from his works. And so Hartung’s starting point became a composition on paper that he was satisfied with, which he would then transpose to canvas through a process of squaring off and enlargement, enhancing it at the same time with subtly coloured backgrounds and layering effects made possible by the medium of the oil. This specific technique which Hartung mastered and enhanced was not unique to him but allowed the artist to select and perfect the composition which best conveyed the purity of his expression; T1955-9 is an excellent example of this. As Matthieu Poirier explained “By populating his paintings with these forms produced jointly by spontaneous action and meticulous labour (requiring millimetric precision), the artist was aiming to produce a graphic marking equating to the execution. […] In this sense, Hartung prefigured the practice of the American Franz Kline, whose gestural and structured abstraction, which he only focused on from 1950, we now know emerged from the enlargement of sketches on enormous canvasses.” (M. Poirier, Hartung A Constant Storm, exhibition catalogue, Galerie Perrotin, Belgium, 2018, p. 17). A solitary pioneer, Hartung had the ability to construct a unique, instantly recognisable piece of art. He liked to recall that: “I like black. There’s no doubt it’s my favourite colour. An intense, deep, cool, absolute black. I frequently used it in combination with a very light background. I like these colours that allow very strong contrasts: strokes, lines, forms, all stand out without any weakness.”