Lot Essay
Cette œuvre est accompagnée d'une carte d'enregistrement dans les Archives du Studio de Yayoi Kusama, sous le No. 3354.
« Si je n’étais pas Kusama, je dirais que c’est une bonne artiste. Je penserais qu’elle est remarquable. »
“If I were not Kusama, I would say she is a good artist. I’ d think she is outstanding.“
YAYOI KUSAMA
Avec ses touches crémeuses accumulées sur la surface picturale, Infinity Nets de Yayoi Kusama est un exemple poignant des peintures obsessionnelles de sa série éponyme. Dans chacune des toiles qui la compose, l’artiste japonaise s’est attachée à peindre le même motif : des demi-cercles empâtés, qui recouvrent minutieusement une sous-couche de peinture sombre adoucie par un lavis de blanc. Ensemble, ces traits forment un filet chromatique dense, sans début ni fin, suggérant par là un espace qui s’étend à l’infini, jusqu’à déborder de la toile. Les œuvres sérielles sont pour autant toutes uniques, le fruit de longues heures d’un travail méticuleux. Dans Infinity Nets, les coups de pinceaux laiteux évoquent ainsi les remous d’un océan calme, une constellation dans le ciel ; ils sont une invitation à l’introspection et à la méditation.
Kusama réalise ses premières toiles près d’un demi-siècle plus tôt, dans le New York effervescent des années d’après-guerre où elle s’est installée en 1958. Présentés l’année d’après à la Brata Gallery, les Infinity Nets propulsent sa carrière : elle les expose aux côtés d’Yves Klein, Lucio Fontana ou Mark Rothko – le début d’une reconnaissance internationale. La série marque également l’avènement du langage visuel propre à l’artiste. Par son usage d’un all-over qui affirme la planéité de la toile, Kusama se rapproche des expressionnistes abstraits, alors célébrés à New York, mais, dans la répétition et l’effacement de soi, elle annonce plutôt le minimalisme des années 1960. Le caractère obsessionnel de ses toiles achève de distinguer son œuvre. Infinity Nets est l’héritière de cette hybridation. De loin, l’œil distingue un monochrome blanc, à l’image d’un Robert Ryman, de près c’est l’accumulation infinie qui surgit.
La répétition sans fin à l’origine des Infinity Nets trouve sa source dans la première expérience hallucinatoire de Kusama, alors âgée de dix ans : celle des fleurs rouges de la nappe de la table à manger familiale soudain multipliées du sol au plafond, et jusque sur sa peau. L’accumulation dans l’art devient expiation, l’artiste chasse l’anxiété par le geste répété. À l’image de Infinity Nets, les toiles sérielles en sont la première extériorisation, celle qui engendrera toutes les autres : « Mes filets grandissaient au-delà de moi et des toiles qu’ils couvraient. Ils se mirent à recouvrir les murs, le plafond, et finalement tout l’univers » (Y. Kusama citée in L. Hoptman, A. Tatehata, U. Kultermann, Yayoi Kusama, Hong Kong, 2000, p. 103).
Yayoi Kusama's Infinity Nets, with its creamy strokes piled up on canvas, is a salient example of the obsessive paintings that characterised the artist's eponymous series. The Japanese artist dedicated every canvas in this series to the same subject: layered half circles, meticulously covering a dark undercoat softened by the application of a white wash. Together, the strokes form a dense chromatic net without beginning or end, suggesting infinite space that extends beyond the confines of the canvas. The works of this series are each nonetheless unique, the result of long hours of painstakingly detailed work. The milky brush strokes in Infinity Nets call to mind the stirring up of an otherwise calm ocean, a constellation in the firmament; they ask the viewer to look inward, to contemplate what is within.
Kusama completed her first paintings almost half a century earlier, during the post-war electricity of New York City, where she moved in 1958. Infinity Nets were unveiled at the Brata Gallery a year later, and Kusama's career took off. With the first rumblings of international recognition came opportunities to show her work with the likes of Yves Klein, Lucio Fontana and Mark Rothko. This series also marked the advent of the artist's own visual language. Kusama's use of an all-over technique that underscores her compositions’ planar quality is more in line with the abstract expressionists whose heyday was in full swing in New York at the time. However, her repetition and the absence “self” in her work was a harbinger of the minimalism of the 1960s. This combination created a visual language rounded out by the obsessive quality of Kusama's paintings. Infinity Nets inherited this hybrid language. From afar, the eye picks up a white monochromatic mass, in the style of Robert Ryman. Seen from close up, the cumulative infinite takes over.
The never-ending repetition that anchors Infinity Nets was inspired by Kusama's first hallucinatory experience. She was 10 years old, sitting at the family dinner table. Suddenly, the red flowers on the table cloth began to proliferate, spreading down to the floor, up to the ceiling and onto her skin. In her art, Kusama's focus on accumulation is an attempt at exorcising her anxiety through repetitive strokes. The series, a continuation of Infinity Nets, is the first externalised manifestation of this impulse, one that would be externalised again and again: "My nets grew beyond myself and beyond the canvases I was covering with them. They began to cover the walls, the ceiling, and finally the whole universe." (Y. Kusama, in L. Hoptman, A. Tatehata, U. Kultermann, Yayoi Kusama, Hong Kong, 2000, p. 103).
« Si je n’étais pas Kusama, je dirais que c’est une bonne artiste. Je penserais qu’elle est remarquable. »
“If I were not Kusama, I would say she is a good artist. I’ d think she is outstanding.“
YAYOI KUSAMA
Avec ses touches crémeuses accumulées sur la surface picturale, Infinity Nets de Yayoi Kusama est un exemple poignant des peintures obsessionnelles de sa série éponyme. Dans chacune des toiles qui la compose, l’artiste japonaise s’est attachée à peindre le même motif : des demi-cercles empâtés, qui recouvrent minutieusement une sous-couche de peinture sombre adoucie par un lavis de blanc. Ensemble, ces traits forment un filet chromatique dense, sans début ni fin, suggérant par là un espace qui s’étend à l’infini, jusqu’à déborder de la toile. Les œuvres sérielles sont pour autant toutes uniques, le fruit de longues heures d’un travail méticuleux. Dans Infinity Nets, les coups de pinceaux laiteux évoquent ainsi les remous d’un océan calme, une constellation dans le ciel ; ils sont une invitation à l’introspection et à la méditation.
Kusama réalise ses premières toiles près d’un demi-siècle plus tôt, dans le New York effervescent des années d’après-guerre où elle s’est installée en 1958. Présentés l’année d’après à la Brata Gallery, les Infinity Nets propulsent sa carrière : elle les expose aux côtés d’Yves Klein, Lucio Fontana ou Mark Rothko – le début d’une reconnaissance internationale. La série marque également l’avènement du langage visuel propre à l’artiste. Par son usage d’un all-over qui affirme la planéité de la toile, Kusama se rapproche des expressionnistes abstraits, alors célébrés à New York, mais, dans la répétition et l’effacement de soi, elle annonce plutôt le minimalisme des années 1960. Le caractère obsessionnel de ses toiles achève de distinguer son œuvre. Infinity Nets est l’héritière de cette hybridation. De loin, l’œil distingue un monochrome blanc, à l’image d’un Robert Ryman, de près c’est l’accumulation infinie qui surgit.
La répétition sans fin à l’origine des Infinity Nets trouve sa source dans la première expérience hallucinatoire de Kusama, alors âgée de dix ans : celle des fleurs rouges de la nappe de la table à manger familiale soudain multipliées du sol au plafond, et jusque sur sa peau. L’accumulation dans l’art devient expiation, l’artiste chasse l’anxiété par le geste répété. À l’image de Infinity Nets, les toiles sérielles en sont la première extériorisation, celle qui engendrera toutes les autres : « Mes filets grandissaient au-delà de moi et des toiles qu’ils couvraient. Ils se mirent à recouvrir les murs, le plafond, et finalement tout l’univers » (Y. Kusama citée in L. Hoptman, A. Tatehata, U. Kultermann, Yayoi Kusama, Hong Kong, 2000, p. 103).
Yayoi Kusama's Infinity Nets, with its creamy strokes piled up on canvas, is a salient example of the obsessive paintings that characterised the artist's eponymous series. The Japanese artist dedicated every canvas in this series to the same subject: layered half circles, meticulously covering a dark undercoat softened by the application of a white wash. Together, the strokes form a dense chromatic net without beginning or end, suggesting infinite space that extends beyond the confines of the canvas. The works of this series are each nonetheless unique, the result of long hours of painstakingly detailed work. The milky brush strokes in Infinity Nets call to mind the stirring up of an otherwise calm ocean, a constellation in the firmament; they ask the viewer to look inward, to contemplate what is within.
Kusama completed her first paintings almost half a century earlier, during the post-war electricity of New York City, where she moved in 1958. Infinity Nets were unveiled at the Brata Gallery a year later, and Kusama's career took off. With the first rumblings of international recognition came opportunities to show her work with the likes of Yves Klein, Lucio Fontana and Mark Rothko. This series also marked the advent of the artist's own visual language. Kusama's use of an all-over technique that underscores her compositions’ planar quality is more in line with the abstract expressionists whose heyday was in full swing in New York at the time. However, her repetition and the absence “self” in her work was a harbinger of the minimalism of the 1960s. This combination created a visual language rounded out by the obsessive quality of Kusama's paintings. Infinity Nets inherited this hybrid language. From afar, the eye picks up a white monochromatic mass, in the style of Robert Ryman. Seen from close up, the cumulative infinite takes over.
The never-ending repetition that anchors Infinity Nets was inspired by Kusama's first hallucinatory experience. She was 10 years old, sitting at the family dinner table. Suddenly, the red flowers on the table cloth began to proliferate, spreading down to the floor, up to the ceiling and onto her skin. In her art, Kusama's focus on accumulation is an attempt at exorcising her anxiety through repetitive strokes. The series, a continuation of Infinity Nets, is the first externalised manifestation of this impulse, one that would be externalised again and again: "My nets grew beyond myself and beyond the canvases I was covering with them. They began to cover the walls, the ceiling, and finally the whole universe." (Y. Kusama, in L. Hoptman, A. Tatehata, U. Kultermann, Yayoi Kusama, Hong Kong, 2000, p. 103).