PIERRE SOULAGES (NÉ EN 1919)
DEUX OEUVRES PROVENANT D’UNE COLLECTION PRIVÉE PARISIENNE VENDUES EN ASSOCIATION AVEC VERSAILLES ENCHÈRES
PIERRE SOULAGES (NÉ EN 1919)

Peinture 97 x 130 cm, 5 juin 1962

Details
PIERRE SOULAGES (NÉ EN 1919)
Peinture 97 x 130 cm, 5 juin 1962
signé 'Soulages' (en bas à droite), daté '5 juin 62' (au revers)
huile sur toile
97 x 130 cm.
Peint le 5 juin 1962

signed 'Soulages' (lower right), dated '5 juin 62' (on the reverse)
oil on canvas
38 ¼ x 51 1/8 in.
Painted on 5 June 1962
Provenance
Kootz Gallery, New York.
M. David N. Marks, New York.
Vente anonyme, Versailles Enchères, Mes Perrin-Royère-Lajeunesse, Versailles, 25 juin 2006, lot 94.
Acquis au cours de cette vente par le propriétaire actuel.
Literature
P. Encrevé, Soulages, L'œuvre complet, Peintures II. 1959-1978, no. 493 (illustré en couleurs, p. 102).

Brought to you by

Tudor Davies
Tudor Davies

Lot Essay

« Je n’aime pas les couleurs qui se jettent sur vous et vous sautent au visage pour tout faire remonter au niveau de la sensation. Je préfère infiniment les couleurs suggérées, qui se devinent et se révèlent lentement. Qui nous invitent à les intérioriser »

‘I do not care for colours that jump out at you and scream in your face to make it all about sensations. I infinitely prefer suggested colours that are inferred and reveal themselves slowly. That invite us to internalise them.’

Pierre Soulages

Le début des années 1960 marque un tournant décisif dans la trajectoire artistique de Pierre Soulages. D’abord parce que l’artiste et son épouse emménagent à Sète : sur un grand terrain dominant la mer, ils y font construire une maison et un atelier sur la base de plans dessinés par le peintre, en fonction de la course du soleil selon les saisons, et de telle sorte que la ligne d’horizon soit toujours visible. Dans ce nouvel environnement, les formats et la nature des oeuvres de Soulages évoluent : « j’ai conçu mon atelier à une certaine époque de ma peinture […], il se peut qu’aujourd’hui je ne le concevrais pas de la même façon » (P. Soulages cité in P. Encrevé, Soulages – L’oeuvre complet, Peintures II. 1959-1978, Paris, 1995, p. 23). Ensuite parce que deux expositions majeures consacrent à cette époque le travail du peintre : en mai 1960, la galerie de France organise ce que l’artiste considère comme sa première grande exposition personnelle à Paris, tandis qu’en décembre, c’est à la Kestner-Gesellschaft de Hanovre que se tient la première rétrospective internationale consacrée à Soulages.
En pleine possession de ses moyens artistiques, Soulages peint alors intensément. Les signes quelque peu statiques et les compositions hiératiques de la décennie précédente font place à des tableaux où matière, forme et couleur sont désormais liées les unes aux autres par une méthode consistant à racler la surface de la toile pour faire réapparaître, derrière le noir, des tonalités différentes appliquées préalablement. « La technique est assez complexe puisque le peintre parvient à déposer (inégalement) et retirer (inégalement) la peinture dans le même mouvement, atteignant ce qu’il recherche particulièrement alors : que la matière, la couleur et la forme soient inséparables – parce qu’elles surviennent en même temps, l’une n’étant jamais pensée ou choisie avant l’autre » (P. Encrevé, op. cit., p. 33).
Peinture 97 x 130 cm, 5 juin 1962 est emblématique de cette approche nouvelle. Sous l’épaisse couche de noir, un bleu lapis-lazuli intense surgit des abîmes de la toile et déploie sa lumière dans un jeu de transparences et d’empâtements, tandis qu’un jaune bistre et crémeux apparaît çà et là, donnant à l’ensemble une profondeur supplémentaire. S’entremêlant les unes aux autres, les différentes couches de peinture engendrent des compositions que le philosophe Jean Grenier décrit alors en ces termes : « Voilà que viennent à la surface des excavations ignorées, des couleurs englouties, comme de violents séismes arrachent au fond des mers les terres volcaniques et en font de nouvelles îles. Ainsi la seule répétition des mouvements de brosses dessine et révèle ce qui était perdu et éclaire le reste. (…) Les degrés d’une couleur enfouie et disparue résonnent alors comme le pas dans un souterrain et baignent l’ombre monumentale d’une lumière douce et caressante » (J. Grenier, cité in P. Encrevé, op. cit., p. 24). Utilisant des instruments plus souples qu’autrefois (le couteau est remplacé par des lames en caoutchouc), balayant la surface en de larges mouvements latéraux, l’artiste donne à ses oeuvres davantage de fluidité. Et comme le souligne Michel Ragon, « dans ce dynamisme, il
est à remarquer que le mouvement n’intervient jamais. Ou bien alors c’est un mouvement contenu, une tension plutôt. C’est un arc bandé, mais dont la flèche ne part pas » (M. Ragon, Soulages, Paris, 1962, p. 2).

The early 1960s were a decisive turning point in the artistic journey of Pierre Soulages. First, because the artist and his wife moved to Sète. On a vast tract of land overlooking the sea, they had a home and studio built according to plans drawn up by the painter based on the sun’s path through the seasons and to ensure that the horizon line was always visible. In this new environment, the formats and nature of Soulages’ works evolved: ‘I designed my studio at a certain period in my painting […], it is possible that today I would not design it in the same way,’ (P. Soulages quoted in P. Encrevé, Soulages – ‘L’oeuvre complet’, Peintures II. 1959- 1978, Paris, 1995, p. 23). Second, because two major exhibitions during this period established the painter’s reputation: in May 1960, Galerie de France organised what the artist considered to be his first major personal exhibition in Paris, while in December, Kestner-Gesellschaft in Hanover held the first international retrospective devoted to Soulages.
In full command of his artistic talents, Soulages painted intensely. The slightly static lines and hieratic compositions of the previous decade gave way to paintings where matter, form and colour were now bound to one another through a method which consisted in scraping the surface of the canvas to reveal, behind the black, different shades that had been applied previously. ‘The technique is rather complex because the painter manages to deposit (unevenly) and remove (unevenly) the paint in the same motion, achieving the particular thing he is seeking, where the matter, the colour and the shape are inseparable – because they emerge at the same time, one is never thought of or chosen before the other,’ (P. Encrevé, Soulages – ‘L’oeuvre complet’, Peintures II. 1959-1978, Paris, 1995, p. 33).
Peinture 97 x 130 cm, 5 juin 1962 is typical of this new approach. Under the thick coat of black, as if bursting from the abysses of the canvas, there is the intense blue of lapis lazuli in a combination of transparency and impasto, while a creamy, brownish yellow sticks out here and there, bringing additional depth to the entire work. Mingling with one another, the various coats of paint induce compositions which the philosopher Jean Grenier described in these terms: ‘Here is where unconscious excavations, engulfed colours, come to the surface, just as violent earthquakes rip volcanic earth from the seabed and shape it into new islands. Thus, the repetition alone of the brush movements draws and reveals what was lost and sheds light on what remains. (…) The degrees of a buried and disappeared colour resonate like footsteps in an underground passage and bathe the monumental shadows with gentle, caressing light,’ (J. Grenier, quoted in P. Encrevé, op. cit., p. 24). Using more supple tools than in the past (the knife has been replaced by rubber scrapers), sweeping the surface with broad lateral motions, the artist enables the energy of his canvases to circulate more freely than before. And, as pointed out by Michel Ragon, ‘in this dynamism, one should note that movement never intervenes. Or rather it is contained movement, more like tension. It is a stretched bow, whose arrow is not released,’ (M. Ragon, Soulages, Paris, 1962, p. 2).

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