Francis Picabia (1879-1953)
Provenant d’une collection particulière 
Francis Picabia (1879-1953)

Rofa

Details
Francis Picabia (1879-1953)
Rofa
signé 'Francis Picabia' (en bas à droite) et titré 'ROFA' (en haut à gauche)
huile sur toile
92.1 x 72.8 cm.
Peint vers 1932-33

signed 'Francis Picabia' (lower right) and titled 'ROFA' (upper left)
oil on canvas
36 ¼ x 28 5/8 in.
Painted circa 1932-33
Provenance
Collection particulière, Paris (acquis auprès de l’artiste dans les années 1930).
Puis par descendance aux propriétaires actuels.
Further Details
«J’ai eu la fièvre des inventions calculées, maintenant c’est mon instinct qui me guide […] Mon esthétique actuelle provient de l’ennui que me cause le spectacle de tableaux qui m’apparaissent comme congelés en surface immobile, loin des choses humaines. Cette troisième dimension, ces transparences avec leur coin d’oubliettes me permettent de m’exprimer, à la ressemblance de mes volontés intérieures […] Je veux un tableau où tous mes instincts puissent se donner libre cours…"

“I was once feverish over calculated inventions, now it is my instinct that guides me […] My current style comes from my boredom in front of scenes in paintings that look like their still surface has been frozen, far from human things. This third dimension, these transparencies with their corner of ‘oubliettes’ allow me to express for myself the resemblance of my interior desires...I want a painting where all my instincts may have a free course...Those who have said ...that ‘I do not enter the line of account’ are right. I take no part in no addition and recount my life to myself alone”.

F. Picabia, introduction à l’exposition "Francis Picabia" à la Galerie Léonce Rosenberg, 9 au 31 décembre 1930, cité in, Francis Picabia, cat. exp., Paris, 1976, p. 156).

Œuvre exceptionnelle, Rofa incarne parfaitement les Transparences, l’une des séries les plus convoitées de l’artiste pluridisciplinaire Francis Picabia réalisée entre 1928 et 1932. Datée de 1932-1933, Rofa constitue très probablement l’une de ses dernières Transparences dont le style est marqué par une simplification de la forme malgré une surface et une composition animées. Récemment redécouverte puisqu'elle a d’abord appartenu à un ami proche de Picabia avant d’être léguée à ses propriétaires actuels, Rofa est restée dans la même collection privée depuis sa création et n’avait jamais encore été reproduite, ni montrée au public.
Dans une étude publiée à l’occasion de l’exposition Francis Picabia: Transparencies 1924-1932, présentée à la Kent Fine Art Gallery à New York en 1989, Sarah Wilson soutient que «les transparences restent la période la plus belle, la plus intrigante de l'œuvre de Picabia». Rofa répond sans aucun doute à ces critères, bien que Picabia y cherche probablement davantage à parodier la beauté qu’à la représenter. De toute évidence, son intention est aussi d’«intriguer» l’observateur à travers d’étranges associations d’images, dont lui seul en connaîtrait le sens. Il en va de même pour ces titres énigmatiques, que l’artiste invente en mêlant les syllabes de différents mots dont il est le seul à saisir la résonance poétique. Les Transparences de Picabia se caractérisent par des superpositions d’images, issues de références éclectiques à l’histoire de l’art, pouvant aller de la sculpture antique et de la mythologique gréco-romaine à l’art de la Renaissance ou à la peinture baroque, ou de la fresque médiévale catalane à une imagerie plus populaire, voire scientifique, notamment des représentations de plantes ou d’espèces animales bien précises. Si des éléments empruntés à Sandro Botticelli, Piero della Francesca ou à des sculptures antiques identifiables sont réinterprétées de façon parodique dans nombre de ses Transparences, ce qui fait la singularité de Rofa, c’est le large éventail de références mythologiques, orientales, ornithologiques et artistiques dont Picabia se sert pour créer une composition harmonieuse, à partir d’un lexique visuel et poétique tout à fait unique. Autant d’éléments néo-classiques et d’associations incongrues que Picabia mêle non pas pour signifier un retour à l’ordre, contrairement à beaucoup artistes de l’entre-deux-guerres, mais plutôt pour satisfaire ses besoins créatifs et repousser des limites esthétiques. D’après certains chercheurs, les Transparences, ainsi que leur terminologie, renverraient par ailleurs à la fascination de Picabia pour la photographie et les progrès techniques du cinéma, auxquels il s’était lui-même essayé en 1924 avec son film Entr’acte - dimension que la collectionneuse Gertrude Stein avait elle aussi relevée au début des années 1930.
Contrairement aux superpositions complexes de ses Transparences légèrement antérieures, dont on peine parfois à déchiffrer les images, Rofa se démarque non seulement par sa composition stylisée mais aussi par sa fougue, adoucie par un certain lyrisme. Au centre, ce nu féminin singulier
à la cambrure improbable, qui se cache le visage du bras droit tandis que sa main gauche semble pousser un nuage - à moins qu’elle ne s’y accroche - apporte une vibration dramatique à l’ensemble. Son mouvement est souligné par d’autres éléments que Picabia superpose dans cette Transparence, notamment ces nuages menaçants, cette mer agitée en arrière-plan, ou cette vague qui déferle sous le corps de la femme. La posture du nu brave les codes de la peinture classique, à l’instar de cette composition en couches multiples qui défie la perspective traditionnelle pour créer ce que Marcel Duchamp décrira comme une «troisième dimension sans recours à la perspective» (M. Duchamp, cité in M. L. Borràs, Picabia, Londres, 1985, p. 337). Plusieurs diagonales, formées par le nu, les oiseaux, la branche et la voile du bateau, segmentent les différentes images de Rofa. Cernés par les bras en forme de «V» de la femme, deux visages masculins se dessinent dans le coin supérieur gauche du tableau. Leurs traits caricaturaux sont accentués par leur sourcils froncés, leurs nez biscornus, leurs mentons pointus et leurs sourires narquois, qui évoquent tant l’estampe japonaise que certains personnages d’Albrecht Dürer, comme les médecins de Jésus parmi les docteurs (1506) du Museo Thyssen-Bornemisza, à Madrid. Un bateau à voile qui semble s’échapper de la toile comme pour fuir la mer déchaînée, figure en haut à droite de la toile. L’agitation générale de la scène est modérée toutefois par la présence de deux oiseaux - peut-être des tourterelles - élégants et démesurément grands, dont Picabia représente le détail des plumes en grattant délicatement la surface de la toile. Les oiseaux, la végétation et le corps humain s’entremêlent pour former un tout, et créer un ensemble d’autant plus poétique. Il semblerait par ailleurs que Picabia détourne une référence biblique dans Rofa, celle de Suzanne et les Vieillards, à travers ces deux hommes lubriques aux traits de bande dessinée, qui épient le corps nu de la femme. Les peintres de la Renaissance et de l’âge baroque, de Lotto à Rubens, n’ont cessé d’interpréter ce sujet; or la Suzanne de Picabia, semble quant à elle à la fois livrer son corps et résister au chantage. Comme dans la plupart de ses Transparences, Picabia emploie ici un vernis sombre, clin d’oeil volontaire aux patines des grands maîtres; mais il conserve aussi ses nuances subtiles de verts, de bleus et de terre d’ombre brûlée, tandis que ses contours noirs, caractéristiques des Transparences, transpercent le vernis, pour produire une toile à la fois vivante, fascinante et unique.

Rofa is an exceptional work epitomising one of the most sought-after series produced between 1928 and 1932 by polyvalent artist Francis Picabia, known as the Transparences. Dating from 1932-1933, Rofa is most likely one of his last works from that series, and as such, it is characterised by a simplification of form despite its lively surface and composition. Recently rediscovered, Rofa had been in the same private hands since its execution, initially belonging to one of Picabia’s close friends and then inherited by the present owners - it has never been published nor shown to the public.
Sarah Wilson claimed in her study published in conjunction with the Francis Picabia: Transparences 1924-1932 exhibition held at Kent Fine Art Gallery in New York in 1989, that "the Transparences remain the most beautiful, the most intriguing of the phases of Picabia's work". Without doubt Rofa confirms that statement, although parodying beauty rather than representing it was probably more Picabia’s intention in his Transparences. "Intriguing" the viewer by his bizarre image associations was also clearly his aim, as only he could understand their meaning according to his mistress Olga. The same goes for his enigmatic titles, such as Rofa, which the artist invented by mixing syllables of different words, the poetic resonance of which made sense only to him. Picabia’s Transparences are characterised by an amalgamation of superimposed images deriving from eclectic art historical references, that range from classical Antique sculpture and Greek or Roman mythology to Renaissance and Baroque painting, from Medieval Catalan mural paintings to more popular and scientific images, such as specific fauna or flora.
References to Sandro Botticelli, Piero della Francesca or identified Antique sculptures are parodically re-interpreted in many of his Transparences yet the particularity of Rofa lies in the wide array of mythological, Oriental, ornithological and art historical sources used by Picabia to create a very unique visual and poetic lexicon formulated in a harmonious composition. Unlike many artists during the interwar years, Picabia’s neo-classical references are not a return to order but are rather a means to satisfy his own creative process and to push aesthetic boundaries by mingling these incongruous images. Researchers have argued that the origins of Picabia’s Transparences and its terminology go back to his fascination with photography and innovative cinematographic techniques, which he had experimented in his film Entr’acte in 1924, an interpretation supported by art collector Gertrude Stein in the early 1930s.
As opposed to the complex layers of his slightly earlier Transparences, the images of which are often difficult to read, Rofa stands out not only by the simplification of the composition but also by its dynamism tempered by a certain lyricism. The striking female nude figure at the centre, unconventionally throwing her body backwards whilst hiding her face with her right arm and pushing or perhaps hanging on to a cloud with her left hand, conveys a dramatic dynamism to the painting. The movement is enhanced by other elements superimposed by Picabia in this Transparence such as the threatening clouds, the agitated sea in the background or the wave rolling in under the woman’s body. The nude’s position defies classicism just as the composition’s structure of multiple layers challenges traditional perspective, resulting in what fellow artist Marcel Duchamp described as "a third dimension without resorting to perspective" in reference to Picabia’s Transparences (M. Duchamp, quoted in M. L. Borràs, Picabia, London, 1985, p. 337).
Several diagonals, shaped by the body, birds, branch, and boat’s sail, compartmentalize the various images in Rofa. Framed by the woman’s V-shaped arms are two male faces in the upper left corner of the painting. Their caricatural features are emphasised by their frowning eyebrows, their crooked noses, their pointed chins and their mocking sneers, recalling figures present in Japanese prints as well as presenting similarities with some of Albrecht Dürer’s characters, such as the doctors in Christ Among the Doctors (1506) of the Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid. A sailboat, escaping from the tempestuous sea as if about to come out of the picture frame, features in the painting’s upper right corner. Nonetheless, the scene’s overall turbulence is counter-balanced by the presence of two disproportionately large elegant birds - possibly turtledoves - for which Picabia delicately scratched in the paint to trace their feathers. Birds, nature and human body are merged into one, adding to the painting’s lyricism. To some extent, Picabia seems to distort a biblical reference in Rofa, that of Suzanne and the Elders, through the depiction of the two cartoon-like lustful men spying on the naked woman. Renaissance and Baroque painters, from Lotto to Rubens, repeatedly interpreted this subject, yet Picabia’s Suzanne appears to give her body away at the same time as resisting against being blackmailed. As in most of his Transparences, Picabia uses a darkening varnish in Rofa that purposely echoes the patina of Old Master Paintings, yet he leaves his subtle hues of greens, blues and burnt umber and his signature Transparences black outlines pierce through the varnish, producing a lively, fascinating, unique and almost Surrealist vision.

Brought to you by

Tudor Davies
Tudor Davies

Lot Essay

Le Comité Picabia a confirmé l'authenticité de cette œuvre.

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