Further Details
Réalisé en 1914, alors que le peintre est au zénith de son art, Le Quatorze juillet constitue une des œuvres les plus ambitieuses de Roger de La Fresnaye. Au même titre que sa Conquête de l'air (fig. 1) peint un an auparavant, notre tableau marque l’aboutissement des recherches cubistes que l’artiste entreprend dès 1910. La critique a accordé à ces œuvres une place primaire dans l’histoire de la peinture avant-garde grâce au travail innovateur sur le chromatisme qu’elles révèlent, reprenant le principe cher à Robert Delaunay de la simultanéité de la couleur.
Les années 1910-14 furent les plus prolifiques et les plus prometteuses pour l’artiste; dès 1910, il commença à explorer les possibilités formelles du cubisme, et exposa tous les ans au Salon des Indépendants et au Salon d’Automne. Le Salon d’Automne de 1910 s’avéra crucial dans la fondation du groupe de Puteaux, composé à l’origine de peintres issus de l’école cubiste. De l’hiver 1910 à 1911, Albert Gleizes et Roger de la Fresnaye, ainsi que Fernand Léger, Jean Metzinger, Henri Le Fauconnier, Robert et Sonia Delaunay, se rencontrèrent régulièrement chez Alexandre Mercereau, poète, impresario, et ancien membre du groupe de l’Abbaye de Créteil, qualifié par Marinetti d’«évangéliste lyrique, centrale électrique des Lettres modernes» (F. T. Marinetti, Le Futurisme mondiale, 1924) pour sa mystérieuse capacité à galvaniser l’avant-garde. Au printemps de cette année, ils exposèrent ensemble au Salon des Indépendants grâce au contrôle du vote du comité d’accrochage. Ce ne fut cependant qu’au Salon d’Automne de 1911 que les frères Duchamp — les peintres Marcel Duchamp et Jacques Villon et l’architecte/designer Raymond Duchamp-Villon — et Francis Picabia, tous anciens membres de la Société normande de peinture moderne, découvrirent l’intérêt stylistique qu’ils partageaient avec le groupe Gleizes-La Fresnaye. Les réunions hebdomadaires dans l’atelier de Jacques Villon, en banlieue parisienne, à Puteaux, marquèrent la formation de la fameuse Section d’Or, dont Roger de La Fresnaye fut un membre fondateur et incontournable.
L’essayiste américain et sans doute le critique le plus influent du XXe siècle, Clement Greenberg, constatait que La Fresnaye était à sa façon un pionnier, qui, dès qu’il eut absorbé ce qu’il voulait du cubisme développé par Picasso et Braque, a entreprit de le rendre élégant, décoratif et joyeux. La Fresnaye fut l’un des premiers, avec Robert Delaunay, à explorer les possibilités du cubisme comme décoration quasi-abstraite, et ses peintures de la période 1913-14 atteignent par leur délicatesse un des premiers apogées du style cubiste (voir Clement Greenberg cité in The Collected Essays and Criticism, Volume 2: Arrogant Purpose, 1945-1949, Chicago, 1986). Bien que La Fresnaye incorporât les techniques cubistes à ses toiles, il conserva un style naturaliste, n’adoptant jamais une analyse radicale de la forme.
Le Quatorze juillet offre un exemple emblématique des expérimentations cubistes idiosyncrasiques de La Fresnaye et est manifeste d'une transition décisive dans la carrière de l’artiste. En 1913, il s’orienta vers le cubisme orphique, abstrait et axé sur la couleur de Delaunay. Si ses compositions demeuraient résolument figuratives, il fut le premier à injecter une couleur intense dans les formes plates, grossièrement ébauchées, qui caractérisent son œuvre de cette période. Sa sensibilité à la couleur est résolument concrète dans la présente œuvre où la construction est fondée sur une série de formes géométriques coloriées de couleurs primaires, noires ou blanches.
Affichant fièrement les couleurs du drapeau tricolore dans la partie supérieure gauche, La Fresnaye donne à cette œuvre une dimension patriotique évidente au moment de son exécution à l’aube de la Première Guerre Mondiale. La carrière de Roger de La Fresnaye sera tragiquement brisée dix ans plus tard, emportant la possibilité d’une évolution encore plus novice dans sa réflexion visuelle, et laissant derrière lui un ensemble abrégé dont Le Quatorze juillet, œuvre emblématique.
Painted in 1914 at the height of his career, Le Quatorze juillet counts as one of Roger de La Fresnaye’s most ambitious paintings. Alongside his La conquête de l’air (fig. 1) executed one year previously, the present painting demonstrates the success of his cubist experiments undertaken since 1910. Academics have defined these two works as occupying a central space in the history of Avant-Garde painting due to the innovatory approach to colour which they exhibit, exemplifying the principles being developed in parallel by Robert Delaunay.
The years 1910-14 were the most prolific and progressive for the artist. Beginning in 1910, de La Fresnaye began to explore the formal possibilities of Cubism, exhibiting annually at both the Salon des Independants and the Salon d’Automne. The Salon d’Automne of 1910 proved crucial to the foundation of the Puteaux Group comprised primarily of painters of the "Cubist School". Between the winter of 1910 and early 1911, Albert Gleizes and Roger de La Fresnaye along with Fernand Léger, Jean Metzinger, Henri Le Fauconnier and Robert and Sonia Delaunay met regularly at the home of Alexandre Mercereau, poet, impresario and former member of the Abbaye de Creteil group whom Marinetti referred to as the “Lyrical evangeliste, the Electric Hub of Modern letters” (F. T. Marinetti, Le Futurisme mondiale, 1924) for his uncanny ability to galvanise the avant-garde. They exhibited together at the spring Salon des Independants by controlling the voting for the hanging committee. It was not, however, until the Salon d’Automne of 1911, that the Duchamp brothers- painters Marcel Duchamp and Jacques Villon and architect/designer Raymond Duchamp-Villon- together with Francis Picabia, all formerly of the Société Normande de Peinture Moderne, discovered the stylistic interests they shared with the Gleizes-La Fresnaye group. Weekly meetings held at Jacques Villon’s studio in the Parisian suburb of Puteaux marked the formation of the seminal Section d’Or, of which Roger de La Fresnaye was a principle and a founding member. The American essayist and arguably the most influential art critic of the 20th century, Clement Greenberg believed de La Fresnaye was a pioneer in his own manner due to his absorption of all that he had learned from Picasso and Braque’s developments in cubism, but which he then proceeded to render elegant, decorative and optimistic. De La Fresnaye was one of the first, along with Robert Delaunay, to explore the possibilities of cubism as quasi-abstract decoration and his paintings of the period 1913-14 achieved in their delicacy one of the early culminations of cubist style (see Clement Greenberg,
The Collected Essays and Criticism, Volume 2: Arrogant Purpose, 1945-1949, Chicago, 1986). Although de La Fresnaye incorporated Cubist techniques into his paintings, he retained a naturalistic style, never fully embracing a radical analysis of form.
Le Quatorze juillet offers a prime example of de La Fresnaye’s idiosyncratic experimentations with Cubism, and can be seen as evidence of a significantly transitional moment in the artist’s career. In 1913 he began to embrace Delaunays’ abstract and colour orientated Orphic Cubism. While de La Fresnaye’s compositions remained resolutely representational, he was the first to inject high colour into the flat, roughly blocked out shapes characteristic of his work at the time. De La Fresnaye’s sensitivity to colour is palpably present in the composition employed for Le quatorze juillet whose construction is built around a series of geometric shapes in either primary colours, or in black or white.
Executed at the outbreak of the First World War and proudly parading the colours of the Tricolour in the upper left quadrant, the artist gave the present painting an unapologetically patriotic dimension. Roger de La Fresnaye ’s career would be tragically truncated ten years later, removing the opportunity for him to further develop his visual innovations, and leaving behind a restricted group of works, within which Le quatorze juillet occupies an emblematic place.