Juan Gris (1887-1927)
Ancienne collection Michel Couturier
Juan Gris (1887-1927)

La Bouteille de vin

Details
Juan Gris (1887-1927)
La Bouteille de vin
huile sur toile
41 x 23.7 cm.
Peint en décembre 1913-janvier 1914

oil on canvas
16 ¼ x 9 ½ in.
Painted in December 1913 - January 1914
Provenance
Galerie Kahnweiler, Paris.
Gösta Stenman, Finlande (acquis auprès de celle-ci probablement en 1914).
Dr Oscar Stern, Stockholm (avant 1952).
Galerie Europe (Michel Couturier), Bruxelles.
Puis par descendance au propriétaire actuel.
Literature
C. Faerber, éd., Konst i svenska hem, Gothenburg, 1942, vol. IV, p. 171.
D. Cooper, Juan Gris, Catalogue raisonné de l'œuvre peint, Paris, 1977, vol. I, p. 124, no. 74 (illustré, p. 125).
Exhibited
Stockholm, Svensk-Franska Konstgalleriet, Ur Oscar Sterns samling av fransk konst, septembre 1952, p. 6, no. 22 (titré 'Bouteille et verre').
Stockholm, Liljevalchs Konsthall, Cézanne till Picasso, Fransk konst i svensk ägo, septembre 1954, p. 77, no. 150 (titré 'Bouteille et verre').
Further Details
Amorcée à Paris au tournant de l'année 1913 et achevée début 1914, La Bouteille de vin préfigure le tournant artistique que Juan Gris entreprendra dès la fin de l'année 1914.
En 1914, il faut déjà se rendre à l'évidence: contrairement à l'optimisme des premiers pronostics, la boucherie qui fait rage à la frontière franco-allemande ne va guère s'achever par une victoire expéditive. Marc Rosenthal note d'ailleurs au sujet des cubistes que devant «les privations de l'Europe déchirée par la guerre, leurs collages ludiques et réflexifs ont dû leur paraître en décalage avec leur temps» (cité in Juan Gris, cat. exp., University Art Museum, Berkeley, 1983, p. 65).
Dans une lettre à Maurice Raynal datée du 20 décembre 1914, Gris confie d'ailleurs: «Ma vie actuelle est fade, indécise et stérile, je ne prends même plus plaisir à lire les journaux tellement je suis déprimé et terrifié par ce qui se passe» (cité in Lettres, XXV).
Si Braque, Picasso et Gris partagent une même volonté de retranscrire à la peinture à l'huile les effets obtenus par les papiers collés après le début de la guerre, aucun d'entre eux, toutefois, ne le fit de manière aussi radicale et irrévocable que Gris, qui abandonne définitivement cette technique après plus d'un an d'immersion totale du collage.
Ce répit est tout sauf un renoncement; c'est au contraire le début d'une période durant laquelle l'artiste donne à voir l'immense potentiel de la peinture à l'huile, et l'audace, la virtuosité avec laquelle il la maîtrise. Traduire en peinture les vertus des papiers collés, après les avoir étudiés dix-huit mois durant, devient prétexte à mettre ses talents d'illusionniste à l'épreuve.
Sous son pinceau, Gris reprend et retravaille les propriétés et les techniques du collage, savourant la couche supplémentaire de fiction qu'offre leur adaptation à la peinture. Durant cette période, il étudie plus que jamais la superposition des plans, obéissant à la surface plane de la toile, et délaissant volontiers la palette limitée des papiers collés pour reconquérir des couleurs plus vives et plus variées, comme en témoigne la présente œuvre.
La Bouteille de vin incarne par ailleurs certains des matériaux et motifs que Gris privilégiait dans ses papiers collés, désormais apprivoisés par l'huile: le papier peint à rayures et les nervures du faux bois qu'il avait pris l'habitude de glisser dans ses œuvres se retrouvent soudain figés par la peinture. Dans une mise en scène stylisée qui ne cherche à tromper l'œil de personne, les nervures du bois déploient leurs artifices avec une ironie décomplexée tandis que le papier peint exhibe ses sillons grattés, triturés, comme pour mieux souligner l'évidence des coups de pinceau.

Painted in Paris at the very end of 1913 and the start of 1914, La Bouteille de vin preludes the start of Juan Gris’ change of direction towards a way of working at the end of 1914.
By 1914, it was clear from the murderous battles on the western front, that victory would not come any time soon, as many at first had assumed. Marc Rosenthal has noted regarding cubist painters that "the privations of war-torn Europe must have made their reflexive collage games seem out of step with the times" (in Juan Gris, exh. cat., University Art Museum, Berkeley, 1983, p. 65). In a letter to Maurice Raynal dated 20 December 1914, Gris wrote, "My present life is flat, undecided and sterile and I don't even like reading the newspapers because I am so depressed and terrified by what is happening" (quoted in Letters, XXV).
Rosenthal's analysis is applicable to the Cubism of Picasso, Braque and Gris, in that all of them followed their exploration of pasted papers with the transcription of their effects into oil paint. None did this more comprehensively, nor more irrevocably, than Gris: after spending a year exploring the potential of papier-collé, he turned in this work back to an exclusive use of oil paint - and he never returned to the techniques of cut-and-paste again. Yet this recuperation was anything but a retreat; rather, it opened a period of Gris' work that amounts to a sustained and bravura display of the rich representative potential of oil paint and of its virtuoso handling, offering an excuse, in the transcription of the arsenal of pasted-paper effects that he had explored over the previous eighteen months, for putting painterly illusionism through its paces.
Gris recapitulates and re-works the qualities and devices of his pasted-paper pictures, delighting in the additional layer of illusionism that their rendition in oil paint affords. He further experimented with the layering of planes, with deference to the flatness of the picture plane, and left behind, however, the limited tonalities of the collages, and now worked again in rich, varied colours as the present work testifies.
La Bouteille de vin transcribes several of Gris' favourite pasted-paper materials and patterns into the medium of oils: the striped wallpaper and the woodgraining that appear in several of his works of the same period are here rendered in paint, the woodgrain lusciously and with an ironic obviousness, a stylisation of mimesis that he knows could never fool the eye, the wallpaper with scratched striations that emphasise its unmistakably painted character.

Brought to you by

Paul Nyzam
Paul Nyzam Head of Department

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