Lot Essay
JAN et JOËL MARTEL, ou L’ART DU MOUVEMENT
La période Art Déco fut avant tout celle du mouvement. Les automobiles sont désormais fuselées et les avions vont très loin, de plus en plus loin, rapprochant les continents. Les frères jumeaux Martel, sculpteurs d’un métier exercé à quatre mains, accompagnent ce phénomène avec un brio inégalé. Les architectes de leurs amis, Tony Garnier, Jacques Carlu, Jean Burkhalter et surtout Rob Mallet-Stevens, en charge des nouveaux chantiers du moment, gares, garages, stades, ports transatlantiques, aérogares, salles de théâtres, cinémas, bars, routes et pistes d’envol, apprécient et utilisent leur rare talent. Plus que les autres artistes, le duo Martel est apte à exprimer la vitesse, les nouveaux exploits, les voyages, le tourisme et toute la modernité d’une époque trépidante. Certaines automobiles qui leurs sont confiées reçoivent alors des bouchons de radiateurs ou « mascottes » qui évoquent des démarrages en trombe.
Adhérents de la première heure de l’Union des Artistes Modernes (U.A.M), Jan et Joël Martel mettent un point d’honneur à utiliser les matériaux contemporains : ciment, pierre reconstituée, béton, lakarmé, fer, verre ou zinc. Ils en feront bon usage pour leurs œuvres les plus célèbres : béton pour les arbres cubistes de l’Exposition de 1925, zinc pour leur Lion de Belfort ; aluminium pour une Locomotive des chemins de fer français ; lakarmé pour un spectaculaire profil de femme de 1925, annonçant, très en avance, le mouvement américain du Streamline. Du laiton pour le socle, du verre pour une évocation des vagues, du bois pour des canots automobiles filant à vive allure et surfant sur ces dernières, Le Challenge des Héspérides de 1934 est un condensé de leur savoir faire, de leur créativité et de leur état d’esprit. Il est, aujourd’hui, considéré comme un chef d’œuvre de la sculpture moderniste.
Le mouvement n’est pas seulement mécanique, et pour ces amoureux de la musique et de la danse, classique ou folklorique, la gageure est d’attraper le geste humain et de tenter de figurer le rythme, multipliant des croquis d’études très vivants, avant de transcrire tout cela dans le plâtre puis dans la pierre. Pour leur célèbre Monument à Debussy, toujours en place à Paris, mélange de bas-reliefs et de ronde bosse, ils font poser dans leur atelier construit par Mallet-Stevens, une série de gloires de la période : les danseurs Jean Börlin, Vaslav Nijinsky et François Malkovsky, la danseuse Nana de Herrera ou la sculptrice Fanny Messan. Sculptés ou gravés par les Martel, ces derniers deviennent danseurs classiques ou modernes, trio d’orchestre, joueuse de viole, héros de légendes tels Pélléas ou Mélisande ou bien encore ce couple de danseurs de l’Ile d’Avalon, pays de l’éternelle jeunesse.
Pour le Pavillon du Tourisme de 1925 et pour le casino de Saint-Jean de Luz de Mallet Stevens, pour le Pavillon de l’U.A.M de 1937, pour le Palais de Chaillot de Jacques Carlu, pour nombre d’églises, les Martel, à l’aise dans le monumental, ont conçu d’admirables bas-reliefs et des grandes figures convaincantes : grands nus de femmes, maternités ou baigneuses ou Trinité, étonnant totem figurant un couple avec enfant. Le grand plâtre spectaculaire de cette dernière oeuvre est conservé au Musée des Années 30 de Boulogne-Billancourt, témoignage d’un esprit synthétique et très original.
L’époque Art Déco a été celle aussi du petit objet manufacturé susceptible d’intégrer les intérieurs modernistes. Pour la Manufacture de Sèvres, pour Jean Born (Robj), pour André Fau et Marcel Guillard (Fogui), Jan et Joël Martel ont permis que l’on reproduise certains de leurs modèles : accordéonistes, faucheurs, danseurs vendéens ou bocains , danseurs modernes tels Malkovsky ou Jean Börlin. Admirateurs de Pompon, ils ont créé également tout un bestiaire expressif composé de pigeon écossais, pigeon boulant, chat assis, hermine ou belette. C’était une manière efficace de populariser leur sculpture et ces pièces de qualité, aussi intéressantes que celles de Paul Jouve ou d’Edouard Sandoz, trouvèrent à l’époque plus d’un amateur.
Programmer une exposition sur l’Art Déco, monter une collection de musée ou privée, ne peut se faire sans la présentation d’une ou plusieurs pièces des frères Martel, tant ces sculpteurs ont été talentueux et représentatifs de leur époque. C’est ainsi que nombre de chefs d’œuvres de la collection de Florence Langer-Martel nous ont accompagné aux quatre coins du monde de Madrid à Rio de Janeiro, de Paris à New-York, Tokyo ou Hong Kong. Le prêteur était toujours amical et généreux.
Emmanuel Bréon
Président d’Art Déco de France
La période Art Déco fut avant tout celle du mouvement. Les automobiles sont désormais fuselées et les avions vont très loin, de plus en plus loin, rapprochant les continents. Les frères jumeaux Martel, sculpteurs d’un métier exercé à quatre mains, accompagnent ce phénomène avec un brio inégalé. Les architectes de leurs amis, Tony Garnier, Jacques Carlu, Jean Burkhalter et surtout Rob Mallet-Stevens, en charge des nouveaux chantiers du moment, gares, garages, stades, ports transatlantiques, aérogares, salles de théâtres, cinémas, bars, routes et pistes d’envol, apprécient et utilisent leur rare talent. Plus que les autres artistes, le duo Martel est apte à exprimer la vitesse, les nouveaux exploits, les voyages, le tourisme et toute la modernité d’une époque trépidante. Certaines automobiles qui leurs sont confiées reçoivent alors des bouchons de radiateurs ou « mascottes » qui évoquent des démarrages en trombe.
Adhérents de la première heure de l’Union des Artistes Modernes (U.A.M), Jan et Joël Martel mettent un point d’honneur à utiliser les matériaux contemporains : ciment, pierre reconstituée, béton, lakarmé, fer, verre ou zinc. Ils en feront bon usage pour leurs œuvres les plus célèbres : béton pour les arbres cubistes de l’Exposition de 1925, zinc pour leur Lion de Belfort ; aluminium pour une Locomotive des chemins de fer français ; lakarmé pour un spectaculaire profil de femme de 1925, annonçant, très en avance, le mouvement américain du Streamline. Du laiton pour le socle, du verre pour une évocation des vagues, du bois pour des canots automobiles filant à vive allure et surfant sur ces dernières, Le Challenge des Héspérides de 1934 est un condensé de leur savoir faire, de leur créativité et de leur état d’esprit. Il est, aujourd’hui, considéré comme un chef d’œuvre de la sculpture moderniste.
Le mouvement n’est pas seulement mécanique, et pour ces amoureux de la musique et de la danse, classique ou folklorique, la gageure est d’attraper le geste humain et de tenter de figurer le rythme, multipliant des croquis d’études très vivants, avant de transcrire tout cela dans le plâtre puis dans la pierre. Pour leur célèbre Monument à Debussy, toujours en place à Paris, mélange de bas-reliefs et de ronde bosse, ils font poser dans leur atelier construit par Mallet-Stevens, une série de gloires de la période : les danseurs Jean Börlin, Vaslav Nijinsky et François Malkovsky, la danseuse Nana de Herrera ou la sculptrice Fanny Messan. Sculptés ou gravés par les Martel, ces derniers deviennent danseurs classiques ou modernes, trio d’orchestre, joueuse de viole, héros de légendes tels Pélléas ou Mélisande ou bien encore ce couple de danseurs de l’Ile d’Avalon, pays de l’éternelle jeunesse.
Pour le Pavillon du Tourisme de 1925 et pour le casino de Saint-Jean de Luz de Mallet Stevens, pour le Pavillon de l’U.A.M de 1937, pour le Palais de Chaillot de Jacques Carlu, pour nombre d’églises, les Martel, à l’aise dans le monumental, ont conçu d’admirables bas-reliefs et des grandes figures convaincantes : grands nus de femmes, maternités ou baigneuses ou Trinité, étonnant totem figurant un couple avec enfant. Le grand plâtre spectaculaire de cette dernière oeuvre est conservé au Musée des Années 30 de Boulogne-Billancourt, témoignage d’un esprit synthétique et très original.
L’époque Art Déco a été celle aussi du petit objet manufacturé susceptible d’intégrer les intérieurs modernistes. Pour la Manufacture de Sèvres, pour Jean Born (Robj), pour André Fau et Marcel Guillard (Fogui), Jan et Joël Martel ont permis que l’on reproduise certains de leurs modèles : accordéonistes, faucheurs, danseurs vendéens ou bocains , danseurs modernes tels Malkovsky ou Jean Börlin. Admirateurs de Pompon, ils ont créé également tout un bestiaire expressif composé de pigeon écossais, pigeon boulant, chat assis, hermine ou belette. C’était une manière efficace de populariser leur sculpture et ces pièces de qualité, aussi intéressantes que celles de Paul Jouve ou d’Edouard Sandoz, trouvèrent à l’époque plus d’un amateur.
Programmer une exposition sur l’Art Déco, monter une collection de musée ou privée, ne peut se faire sans la présentation d’une ou plusieurs pièces des frères Martel, tant ces sculpteurs ont été talentueux et représentatifs de leur époque. C’est ainsi que nombre de chefs d’œuvres de la collection de Florence Langer-Martel nous ont accompagné aux quatre coins du monde de Madrid à Rio de Janeiro, de Paris à New-York, Tokyo ou Hong Kong. Le prêteur était toujours amical et généreux.
Emmanuel Bréon
Président d’Art Déco de France