EILEEN GRAY (1878-1976) ET SEIZO SOUGAWARA (1884-1937)
EILEEN GRAY (1878-1976) ET SEIZO SOUGAWARA (1884-1937)
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Alors qu’elle est étudiante à la Slade School of Fine Art de Londres, réputée pour son enseignement avant-gardiste, Eileen Gray fréquente régulièrement le Victoria and Albert Museum. C’est notamment au cours de ces visites qu’elle découvre l’art de la laque, qui va la fasciner. Désireuse d’en apprendre les secrets, c’est par une afiche publicitaire qu’elle prend connaissance de l’atelier de restauration de Dean Charles, spécialisé dans les paravents et objets en laque, installé à Soho. Il accepte de l’accueillir et de l’initier à un travail qui se révèle très fastidieux, long et rigoureux. Elle y apprend principalement les techniques de la laque de Chine appliquées à des procédés de fabrication occidentaux. En 1902, elle s’installe à Paris, attirée par la réputation beaucoup plus libérale de la capitale en matière de moeurs, comme de très nombreux artistes au tournant du siècle. Elle s’établit près de Montparnasse et évolue dans un milieu artistique alors exclusivement anglosaxon. Retrouvant ses proches amis de la Slade School de Londres, elle se lie aussi avec le portraitiste Gerald Fests Kelly, le poète occultiste Aleister Crowley, le photographe Stephen Haweis et la poétesse Mina Loy qui l’introduiront auprès d’Auguste Rodin et de Gertrude Stein. Réputée discrète et solitaire, Eileen Gray n’en est pas moins très déterminée, indépendante, désireuse de s’afranchir du cadre codifé de son éducation victorienne. Aspirant à une liberté d’être et de penser, elle saura imposer ses choix et mettre tout en en oeuvre pour mener sa vie selon ses propres valeurs et aspirations. Elle se consacrera principalement à la peinture jusqu’en 1905, date à laquelle elle rentre précipitamment en Angleterre auprès de sa mère soufrante. Elle y reste deux ans, reprenant contact avec le restaurateur de laque Dean Charles, désireuse de poursuivre son apprentissage. A son retour à Paris, âgée de 28 ans, elle s’installe défnitivement dans son appartement du 21, rue Bonaparte, choisissant cette fois de s’attacher à la maîtrise du travail de la laque. Ni les circonstances, ni l’année de sa rencontre avec le laqueur japonais Seizô Sougawara ne nous sont précisément connues. Mais il est probable que leurs premiers échanges se situent entre 1907 et 1908. Eileen Gray commencera par être son élève, avant de lui proposer de devenir son collaborateur, lorsqu’elle décide d’ouvrir en 1910 un atelier de laque, en parallèle à l’atelier de tapis qu’elle souhaite installer avec Evelyn Wyld cette même année. Eileen Gray et Seizô Sougawara travailleront ensemble jusqu’en 1927. La connaissance intime qu’Eileen Gray a acquis du travail de la laque va lui permettre d’expérimenter ses propres mélanges, afn de varier les efets de textures, et créer une nouvelle couleur, le bleu, inexistante jusque-là. C’est en 1913 qu’elle connaîtra sa première consécration en participant pour la première fois à l’exposition de la Société des Artistes Décorateurs, au Musée des Arts Décoratifs, Pavillon de Marsan. Elle y expose une série de panneaux décoratifs laqués, qui attirent l’attention de la critique, laquelle souligne la beauté de ses laques et la modernité avec laquelle Eileen Gray en renouvelle le genre. L'exposition connaît un réel succès commercial et la carrière d'Eileen Gray est lancée, tout comme la vogue de la laque moderne dans la décoration de luxe de l'époque. Si nous savons que le célèbre couturier et collectionneur Jacques Doucet découvre le travail d’Eileen Gray lors de ce salon de 1913, il est permis de penser que Jean et Georgette Henri-Labourdette ont pu faire de même. Issu d’une famille de carrossiers, Jean Henri-Labourdette reprend la direction de l’entreprise familiale fondée en 1858, en 1912. Très vite il va la transformer en l’une des plus célèbres de l’entre-deux-guerres, où tout est fait sur mesure, dans un très grand luxe. Il travaille notamment avec Jean Dunand, qui fournit des panneaux laqués, des nécessaires de fumeurs et autres accessoires en laque pour les aménagements intérieurs. Leurs réalisations communes seront exposées pour la première fois lors de l’Exposition Internationale des Arts Décoratifs de 1925. Son épouse, d’origine anglaise, est l’image même de la femme élégante des années 20. Elle s’habille chez Madeleine Vionnet et Elsa Schiaparelli, fréquente la modiste Madame Agnès, proche de Jean Dunand, Suzanne Talbot, amie d’Eileen Gray ou encore Jeanne Toussaint, créatrice de bijoux pour Cartier. Tous deux forment un couple cultivé, créatif, ouvert aux arts. Ils s’installent dans un appartement sis au 143, rue de la Pompe en 1912, redécoré par Jean Dunand à partir de 1925. Au fl des ans ils réunissent une importante collection et acquierrent plusieurs oeuvres d’Eileen Gray, qu’ils mélangent aux panneaux décoratifs de Jean Dunand. Le nombre d'oeuvres provenant de la collection des Labourdette est considérable. Le registre des ventes de la galerie Jean Désert, ouverte par Eileen Gray, nous ofre bon nombre d’informations concernant les acquisitions réalisées par le couple Labourdette, et plus particulièrement par Mme. Georgette Labourdette, généralement connue pour avoir façonné leur collection et pour l’ameublement de leur appartement situé rue de la Pompe. Mais l’histoire racontée par ce registre est incomplète, car la collection Labourdette comporte un nombre important d’oeuvres créées par Gray dont aucune trace n’a, pour certaines, subsisté. Une entrée du registre datant du 24 mars 1926 – la première qui fait référence aux époux Labourdette – nous indique que la somme de 20 000 francs est perçue, ce qui sous-entend une vente substantielle. Malheureusement, cette entrée ne donne aucune indication quant au contenu de cette vente, rien de plus que « Reçu complément facture Labourdette/Achat fait en octobre 1925/20 000 [Francs] ». D’autres entrées confrment l’acquisition de divers objets, parmi lesquels nous retrouvons « 2 tentures », enregistrée le 14 mai 1926, « 4 rideaux » le 11 décembre 1926, une « table à thé » le 2 janvier 1927, une « glace à main » le 4 mars 1927 et une « lanterne laque ou oeuf d’autruche » et des tapis en octobre 1927. D’autres acquisitions sont réalisées en 1930, lorsque la galerie ferme et que la plupart du stock restant est vendu, parfois même au rabais. Une photographie de l’appartement des Labourdette publiée dans L’Art d’aujourd’hui au printemps 1927 montre certaines pièces confectionnées par Gray pour lesquelles aucune vente n’a été enregistrée. C’est le cas par exemple du bureau noir, du vase en pin laqué et d’une console. Le lot présenté ici, non enregistré mais qui est conservé par la famille Labourdette jusqu’à sa mise aux enchères en 2003, à Paris, a sa place au sein de la colossale collection d’oeuvres qui confrme le rôle important joué par ces deux mécènes éclairés dans l’histoire de Gray.When she was a student at the Slade School of Fine Art in London, reputed for its teaching of avant-garde art, Eileen Gray was a regular visitor to the Victoria and Albert Museum. It was during these visits in particular that she discovered the art of lacquering, which was to fascinate her. Anxious to learn its secrets, she learned from an advertising poster of the restoration studio in Soho of Dean Charles, a specialist in lacquered screens and objects. He agreed to engage her and to initiate her into a type of work, which turned out to be very detailed, long and meticulous. There she learned in the main the techniques of Chinese lacquer applied with western production processes. Attracted like many artists at the turn of the century by the reputation of the capital for its more liberal attitudes, in 1902 she moved to Paris. She settled close to Montparnasse and developed her skills in an artistic milieu, which was then exclusively Anglo-Saxon. Once more finding herself among her friends from the London Slade School, she also became friends with other English artists, such as the portrait painter Gerald Fests Kelly, the occult poet Aleister Crowley, the photographer Stephen Haweis and the poetess Mina Loy, who would introduce her to Auguste Rodin and Gertrude Stein. With a reputation for being unobtrusive and solitary, Eileen Gray was nonetheless very determined, independent and anxious to free herself from the codifed system of her Victorian upbringing. Yearning for freedom to be and to think, she knew how to get her own way and to organise things in order to lead her life in accordance with her own values and ambitions. She devoted herself principally to painting until 1905, when she had to return suddenly to England to be with her sick mother. She stayed there for two years, during which she made contact once more with the lacquer restorer, Dean Charles, because she wished to continue her apprenticeship. On her return to Paris, at the age of 28, she settled permanently in her apartment at 21, Rue Bonaparte, choosing this time to devote herself to mastering working with lacquer. We are not entirely sure of the circumstances, nor of the year, in which she encountered the Japanese varnisher, Seizô Sougawara, but it is probable that their frst meetings were between 1907 and 1908. Eileen Gray started out as his pupil, before suggesting to him that she become his collaborator, when in 1910 she decided to open a lacquer studio, in parallel with the carpet studio, which she wished to establish with Evelyn Wyld in that same year. Eileen Gray and Seizo Sougawara worked together until 1927. They shared a real bond, the same respect for the traditional Japanese techniques for working with lacquer, to which they remained faithful. They enjoyed a great mutual respect, developing a real afection, each for the other. Because of the intimate knowledge that Eileen Gray had acquired of working with lacquer she was able to experiment with her own mixes, in order to vary the textures, to create a new blue colour, which had not existed until then. It was in 1913 that she received her frst accolade, when she participated for the frst time in the Société des Artistes Décorateurs exhibition at the Musée des Arts Décoratifs, Pavillon de Marsan. There she exhibited a series of decorative, lacquered panels, which attracted critical attention, stressing the beauty of her lacquers and the modernity with which Eileen Gray was refreshing the genre. The exhibition was a commercial success and started the trend of modern lacquer. Eileen Gray’s career was launched, together with the vogue for modern lacquer in the luxury decoration of the period. Although we know that the famous couturier and collector, Jacques Doucet discovered Eileen Gray’s work at the exhibition of 1913, the same could be said of Jean and Georgette Henri-Labourdette. Born into a family of coach makers, in 1912 Jean Henri-Labourdette took over the management of the family firm, founded in 1858, having worked in it for several years. He very quickly transformed it into one of most famous coach makers in the inter-war period, where everything was made to measure to a high degree of luxury. He worked in particular with Jean Dunand, who supplied the lacquered panels, the necessaries for the smokers and other lacquered accessories for the interior furnishings. Their joint creations were exhibited for the frst time at the International Exhibition of Decorative Arts in 1925. His wife, an Englishwoman, was the very image of the elegant 1920s woman. She bought her outfts from Madeleine Vionnet and Elsa Schiaparelli, frequented the milliner, Madame Agnès, and was a close acquaintance of Jean Dunand, Suzanne Talbot, a friend of Eileen Gray and Jeanne Toussaint, who created jewellery for Cartier. Together, they formed a cultivated, creative couple, open to the arts. In 1912 they moved into an apartment located at 143, Rue de la Pompe, which they asked Jean Dunand to redecorate from 1925 onwards. Over the course of the years they amassed a fne collection and acquired several works by Eileen Gray, which they mingled with panels from Jean Dunand. The Labourdette provenance is an important one. The sales ledger of Eileen Gray’s gallery Jean Désert gives us a certain amount of information about purchases made by the Labourdette couple and specifcally by Mme Georgette Labourdette, who is generally credited with shaping their collection and the furnishing of their rue de la Pompe apartment. But the story the ledger tells is an incomplete one, for the Labourdette collection included a signifcant group of works by Gray though for a number of these no purchase records survive. A ledger entry for March 24th 1926 – the frst that references Labourdette – tells of the receipt of 20,000 Francs, implying a substantial purchase. Tantalisingly, the entry gives no indication of what this comprised, noting only 'Reçu complément facture Labourdette / achat fait en octobre 1925 / 20,000 [Francs]’ ('Balance received Labourdette invoice / purchases made in October 1925 / 20,000 [Francs]’). Subsequent entries confrm the purchase of further items. Among these we note '2 tentures’, recorded on May 14th 1926, '4 rideaux’ on December 11th 1926, a 'table à thé’ on January 2nd 1927, a 'glace à main’ on March 4th 1927, and a 'lanterne laque or oeuf d’autruche’ and carpets in October 1927. Further purchases were made in 1930 when the gallery closed and when much of the remaining stock was sold, sometimes at discounted prices. A photograph of the Labourdette apartment published in the spring of 1927 in L’Art d’aujourd’hui shows pieces by Gray for which there is no known transaction record, notably the black desk, the lacquered pine vase, and the console table. The present panel, unrecorded but preserved in the Labourdette family until its appearance at auction in Paris in 2003, has its place among the impressive array of works that confrm the importance of these enlightened patrons in Gray’s story.
EILEEN GRAY (1878-1976)

PANNEAU ‘AUM MANE PADME AUM' (SALUT A TOI, O JOYAU DANS LE LOTUS), VERS 1912

Details
EILEEN GRAY (1878-1976)
PANNEAU ‘AUM MANE PADME AUM' (SALUT A TOI, O JOYAU DANS LE LOTUS), VERS 1912
En bois laqué gravé façon Coromandel et incrusté de nacre ; cadre d’origine
Avec cadre : H.: 86 cm. (33 7/8 in.) ; L.: 102 cm. (40 1/8 in.)
Sans cadre : H.: 64,5 cm. (25 3/8 in.) ; L.: 81 cm. (31 7/8 in.)
Portant la signature et les caractères japonais apocryphes de Seizô Sougawara sur le panneau (au revers)
Provenance
Collection Jean et Georgette Henri-Labourdette, Paris.
Beaussant Lefèvre, Paris, 3 décembre 2003, lot 85.
Literature
M. P. Verneuil, 'Le Salon des Artistes Décorateurs en 1913', Art et Décoration, janvier-juin 1913, p. 96 pour la première version du panneau.
P. Garner, Eileen Gray. Designer and Architect, Taschen, Cologne, 1993, p. 39, n. 1, pour une version laquée bleu de notre modèle.
C. Constant, Eileen Gray, Phaïdon, Paris, 2003, p. 22, pour une version laquée bleu de notre modèle.
P. Adam, Eileen Gray, éditions de la Différence, Paris, 2012, vol. II, p. 9, pour une version laquée bleu de notre modèle.
C. Pitiot, Eileen Gray, catalogue d'exposition, éditions du centre Pompidou, 20 février-20 mai 2013, Paris, p. 144, pour notre exemplaire.
C. Pitiot, Eileen Gray. L'exposition, éditions du centre Pompidou, 20 février-20 mai 2013, Paris, p. 13, pour notre exemplaire.
J. Goff, Eileen Gray. Her Work and Her World, Irish Academic Press-National Museum of Ireland, Newbridge, 2016, p. 133, pour une version laquée bleu de notre modèle.
Exhibited
Centre Pompidou, Paris, Eileen Gray, 20 février-20 mai 2013, pour notre exemplaire.
Further Details
'AUM MANE PADME AUM', A POLYCHROME LACQUERED WOODEN PANEL WITH MOTHER OF PEARL INLAYS IN ITS ORIGINAL LACQUERED FRAME BY EILEEN GRAY AND SEIZO SOUGAWARA, CIRCA 1912
《六字真言》,彩繪塗漆木板,原裝貝母鑲嵌塗漆畫框由製,1912年作

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Nathalie Honnay
Nathalie Honnay

Lot Essay

PANNEAU ‘AUM MANE PADME AUM’

Notre panneau, Aum Mane Padme Aum [Salut à toi, ô joyau dans le lotus], connu aussi sous le nom Le Magicien de la nuit, illustre le thème de la transmutation alchimique dans l’hindouisme : une humble figure masculine ofre une feur de lotus – symbole de la purifcation du corps, de la parole et de l’esprit – au bodhisattva de la compassion infnie, Avalokiteshvara, alors que son assistant lui retire son manteau, le révélant ainsi dans sa vérité nue. Trois versions nous en sont connues, dont celle-ci semble être l’exemplaire le plus proche des premières réalisations d’Eileen Gray inspirées par l’Orient, au chromatisme encore classique, comme le panneau Oriental Mountbanks (ill. 6). On note ici l’utilisation d’une gamme de couleurs commune, où les visages et la peau sont encore traités de façon réaliste, dans un ton évoquant la couleur de la chair. A contrario, les deux autres versions connues sont toutes d’une seule teinte uniforme, hormis la feur de lotus inscrite à chaque fois de façon contrastée dans la composition. D’une grande épure, ces oeuvres – mêmes si nous ne les connaissons pour la plupart que sur photos – sont très oniriques et restent mystérieuses. La version exposée dans le cadre du Salon des Artistes Décorateurs de 1913, décrite également comme dessus de cheminée, semble être la première version totalement détachée de toute traitement classique. Elle n’est connue que par une photo en noir et blanc. La coife de l’assistant est un simple turban sans élément décoratif, contrairement aux autres panneaux. Une version de couleur uniforme bleu nuit montrant une feur de lotus en nacre, a fait partie de la collection de Madame Mathieu-Lévy. Femme résolument moderne, en prise avec son époque, Eileen Gray dispose de sources d’inspiration très variées, qu’elle sait synthétiser de façon parfaitement harmonieuse. Elle est nourrie des diférents mouvements littéraires et artistiques anglais, puis européens du tournant du siècle, tout comme de ceux des années 1910-20. Elle baigne dans la créativité de son époque. C’est le règne de Paul Poiret, dont la mode est largement inspirée d’un Orient rêvé et stylisé (ill. 4), qui fait écho à la révolution apportée aux arts du spectacle par la modernité des Ballets Russes de Diaghilev et les costumes de Léon Bakst, introduits à Paris en 1909 (ill. 5). Le dessin et le choix des tenues des protagonistes de cette scène sont nourris d’autant de références assimilées. La magie d’Eileen Gray est de retranscrire ce foisonnement dans une expression tout aussi minimaliste, que luxueuse et sophistiquée.

Our panel Aum Mane Padme Aum (Greetings, Oh Jewel in the Lotus), which as well known by the title, Le Magicien de la nuit [The Magician of the Night], illustrates the theme of alchemical transmutation in Hinduism: a humble male fgure ofers a lotus fower – the symbol of the purifcation of the body, the word and the spirit – to the infnitely compassionate bodhisattva, Avalokiteshvara, while his assistant removes his cloak, thus revealing him in his naked truth. Three versions of this are known to us; this one seems the example closest to Eileen Gray’s initial creations inspired by the Orient, with still classic chromatism, like the panel, Oriental Mountbanks (ill. 6). In this, one can see the use of a range of colours in common, in which the faces and the skin are still treated realistically, in a tone evoking the colour of fesh. Conversely, the other two known versions are all in one single uniform shade, apart from the lotus fower, which in each case is engraved as a contrast in the composition. Even although we know most of these works only through photos, their great purity and dreamlike quality lend them lasting mystery. The version exhibited in the Decorative Artists Salon in 1913, also described as a mantel, seems to be the first version completely free of any classic treatment. It is known only by a black and white photograph. The assistant’s head is covered by a simple turban with no decorative element, in contrast to the other panels. A version in a uniform blue colour shows a lotus fower in mother-of-pearl It was part of Mrs Mathieu-Lévy's collection. A resolutely modern woman, in touch with her era, Eileen Gray found her inspiration in a great variety of sources, which she was able to synthesise with perfect harmony. She was nurtured on various English, and later on European literary and artistic movements from the turn of the century, as well as those of the years 1910-20. She basked in the creativity of her period. This was the reign of Paul Poiret, whose fashion was largely inspired by the stylised Orient of dreams (ill. 4 ), which echoed the revolution brought to the performing arts by the modernity of Diaghilev’s Russian Ballet and Léon Bakst’s costumes, introduced to Paris in 1909 (ill. 5). The design and the choice of costume for the protagonists in this scene are nurtured by such assimilated references. Eileen Gray’s magic lies in her translation of this profusion into an expression as minimalist as it is luxurious and sophisticated.

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