Exhibited
New York, Whitney Museum of American Art, Keith Haring, juin-septembre 1997, p. 293 (illustré en couleurs au catalogue d'exposition pp. 230-231).
Paris, Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris (avril-août); San Francisco, de Young Museum (novembre-février); Munich, Kunsthalle der Hypo-Kulturstiftung (mai-août); Rotterdam, Kunsthal Rotterdam (septembre-février), Keith Haring, The Political Line, 2013-2016 No. 199 (illustré au catalogue d'exposition p. 237).
Further Details
« Ce ne sont pas de simples dessins, mais de véritables ‘panneaux de signalisation’. Toutefois, cette polysémie des figures individuelles n’est qu’un aspect parmi d’autres dans le processus opératoire de Haring. La force de son œuvre résulte de la combinaison de l’ensemble de ces éléments : le contexte, le médium, l’iconographie et enfin leur infiltration dans la conscience urbaine. »
‘They are not just drawings but “signs.” But these rings of meaning around the individual figures are only part of the Haring process. The work’s full impact results from a mélange of all these elements: context, medium, imagery; and their infiltration into the urban consciousness’
Jeffrey Deitch
Peint en 1988, Untitled est un exemple monumental et audacieux du langage graphique iconique de Keith Haring. Dans cette composition saisissante réalisée en blanc sur un fond noir, on retrouve le trait vivant et humoristique si caractéristique de sa pratique. Sur la droite, une figure humaine lève les bras sur toute la hauteur de cette toile de trois mètres. Elle est entravée par une corde blanche qui se déploie sur l’ensemble de la surface peinte pour former une boucle passant à travers les bras levés de deux autres figures sur la gauche. Ces deux dernières sont réunies par la taille en une paire de ciseaux géante, dont les lames viennent de couper le morceau de corde qui les relie, comme l’indiquent clairement des pointillés éclatés à la manière des bandes dessinées. Par son échelle murale et son langage clair et direct, cette œuvre dégage une force comparable aux peintures funéraires de l’Égypte ancienne. La composition de Haring est immédiatement lisible, l’image joyeuse exprimant un slogan à la simplicité désarmante : en unissant nos forces, nous pouvons aider notre prochain.
Haring a commencé à dessiner dans le métro de New York au début des années 1980. Créant parfois jusqu’à quarante images par jour, Il dessinait à la craie sur les surfaces noires formées par les emplacements publicitaires vacants – un mode d’expression auquel le caractère monochrome de cette œuvre fait écho. Alliant l’humour subversif des dessinateurs de graffiti à une culture éclectique, Haring a su développer une pratique éloquente parfaitement en prise avec les questions contemporaines, grâce à des panneaux d’une grande richesse sémiologique. Il produisait un art accessible, intuitif et engageant, dans l’idée « plus holistique et fondamentale de chercher à incorporer [l’art] dans tous les aspects de la vie, moins comme une activité narcissique, mais d’une manière plus naturelle. Je ne sais pas comment l’expliquer précisément. Faire descendre l’art de son piédestal. Je veux le rendre aux gens, je suppose » (K. Haring, cité dans D. Drenger, « Art and Life: An Interview with Keith Haring », in Columbia Art Review, printemps 1988, p. 53).
Tout en dialoguant avec la culture populaire et l’actualité socio-politique de son temps, son style faussement simple cachait de multiples références à des siècles d’histoire de l’art, découlant des nombreuses heures qu’il avait passées au Metropolitan Museum de New York. Haring savait canaliser toutes ces influences avec un grand sens de l’improvisation, concevant ses personnages telles les unités d’un plus vaste ensemble linguistique, susceptibles d’être désassemblées, fragmentées et reconfigurées à loisir en fonction du flux poétique propre à sa logique personnelle. D’ailleurs, le motif hybride de l’homme-ciseaux repéré dans Untitled sera repris dans plusieurs œuvres, dont une immense peinture murale sur la façade d’une église de Pise, réalisée en 1989 et intitulée Tuttomondo. On retrouve ce motif la même année dans sa célèbre affiche « Stop Aids », dans laquelle ces ciseaux coupent le corps d’un serpent en deux. Si certaines de ses œuvres à grande échelle dépeignent des visions grouillantes de la civilisation à la manière d’un Jérôme Bosch, marquées par une activité fébrile et des références mythologiques, Untitled se distingue par une très grande économie de moyens. Haring livre ici une image emblématique de l’entraide et de la solidarité entre les hommes. Créée deux ans seulement avant sa mort prématurée, cette toile apparaît comme une synthèse puissante et lucide de l’ensemble de son œuvre.
Painted in 1988, Untitled is a bold and monumental example of Keith Haring’s iconic graphic language. Haring distils the lively, cartoonish line characteristic of his practice to a striking composition in white on black. To the right, a human figure stretches his arms to the full three-metre height of the canvas. He is bound in a white rope, which unwinds across the painting to loop through the upheld arms of two further figures to the left. This duo are joined at the hip into the form of a giant pair of scissors, whose blades – as is made clear by a dynamic, comic-strip burst of line – have snipped through the rope which runs between them. With its mural scale and clear, frontal impact, the work has the immediate power of an Ancient Egyptian tomb painting. The composition is instantly legible, animating Haring’s joyous visual wit with a powerfully simple social message: by working together, we can help our fellow man.
Haring began drawing on New York’s subways in the early 1980s. Sometimes creating up to forty pictures a day, he would chalk in white on the blacked-out surfaces of empty advertisement spaces – a mode of expression echoed in the present work’s monochrome. Combining a graffitist’s subversive humour with sharp cultural intelligence, he developed an eloquent practice that engaged with contemporary issues through rich semiotic tableaux. Haring made art that was accessible, intuitive and open, seeking ‘a more holistic and basic idea of wanting to incorporate [art] into every part of life, less as an egotistical exercise and more natural somehow. I don’t know how to exactly explain it. Taking it off the pedestal. I’m giving it back to the people, I guess’ (K. Haring, quoted in D. Drenger, ‘Art and Life: An Interview with Keith Haring’, Columbia Art Review, Spring 1988, p. 53).
While alluding to Pop culture and socio-political affairs, Haring’s deceptively straightforward style was underpinned by references to centuries of art history, derived from hours spent in New York’s Metropolitan Museum of Art. He channelled these myriad influences with improvisatory flair, conceiving his characters as parts of a larger linguistic whole which could be dissembled, disassociated and rearranged according to the poetic flow of the artist’s logic. Indeed, the hybrid human-scissor motif of Untitled would recur in several other works, including his major 1989 church mural Tuttomondo in Pisa, Italy, and his iconic ‘Stop AIDS’ poster design of the same year, in which the blades sever the body of a serpent. Where some of his large-scale works display teeming, almost Bosch-like visions of civilisation – crowded with feverish activity and mythic references – Untitled sees Haring at his most economical, delivering a totemic picture of human care and cooperation. Created just two years before his untimely death, it is a powerful and clear-eyed summation of his work.