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Par l’emploi de la taille directe, Zadkine rend hommage à « l’antique tradition de ces tailleurs de pierre et de bois qui, partis de la forêt, chantaient librement leurs rêves d’oiseaux fantastiques et de grands fûts d’arbres » tout en participant au renouveau de la sculpture au début du XXème siècle. Pierre calcaire, granit, albâtre, marbre, lave sont autant de matériaux divers que Zadkine utilisera pour ses sculptures en pierre. La plus ancienne sculpture et sans doute la première qu’il ait taillée vers 1909, en Russie, « dans un gros morceau de granit jaune et rouge abandonné dans un champ par un glacier arctique » est la Tête héroïque, des collections du Musée Zadkine à Paris. Une des particularités de Zadkine réside dans le fait qu’il soit un artiste « complet » et qu’il maitrise parfaitement les pratiques et techniques artisanales traditionnelles. Il comprend ainsi les matières, et connait leur pouvoir symbolique et métamorphique. Il peut se livrer à toutes les tentatives de transmutation en bronze, du bois, de la pierre, du marbre, et de la terre cuite et du plâtre.
Dans Tête d’homme, Zadkine semble s’affranchir de la sévérité associée au style cubiste qui, selon l’artiste, laissait trop peu d’espace à l’émotion humaine. Si certains des codes de la géométrie épurée du cubisme restent visibles dans le modelé audacieux qui forme le nez et la courbe des yeux, de cette sculpture émane avant tout une expressivité saisissante. Par la taille directe du granite, l’artiste révèle des plans concaves et convexes, des creux et des saillies distribuant ainsi les zones d’ombre et de lumière. La présente sculpture rappelle en outre la stylisation caractéristique d’Amedeo Modigliani évoquée ici par les yeux en amande du modèle et le caractère imposant du cou ou du rendu capillaire, propre aux cariatides de ce dernier. Si les deux artistes partagent une même passion pour le travail de la pierre et une même curiosité pour la beauté et la noblesse des formes archaïques, cette prédilection pour ce matériau et ce lien intime avec la nature sont venus, pour Zadkine, de son enfance passée sur les bords du Dniepr.
Tête d’homme, réalisé vers 1935-37, fait partie d’un groupe de deux granites rosés réalisés par l’artiste et qui a longtemps été référencé par Sylvain Lecombre comme ayant été exécuté une décennie plus tôt, en 1927. Ce que nous pouvons considérer comme son pendant féminin est aujourd’hui dans les collections de la Fondation Hannema-De-Stuers, à Heino aux Pays-Bas.
Cette Tête d’homme a fait partie des collections de Marc du Plantier pendant au moins trente ans, et ce dernier l’avait très certainement acquise auprès de l’artiste pour son appartement de la rue du Belvédère à Boulogne. Le décorateur, contemporain de Jean-Michel Frank et Max Jacob, cultivait un certain amour pour la production de l’artiste et s’était entouré de plusieurs de ses œuvres, telles que l’Oiseau d’Or, plâtre peint à la feuille d’or exécuté en 1924, ou encore le plâtre original de Rebecca ou La grande porteuse d’eau de 1927, toutes deux aujourd’hui conservées dans les collections du Musée Zadkine à Paris. « L’Homme doit vivre au milieu d’un certain merveilleux » se plaisait à dire Marc du Plantier à propos de l’agencement et de la décoration de son appartement à Boulogne. Le granite fut par la suite, très probablement cédé par le décorateur à la famille du propriétaire actuel dans les années 1970, famille qui résidait également rue du Belvédère à Boulogne, dans l’appartement au-dessus du sien.
In choosing the direct carving technique, Zadkine was honouring the "ancient tradition of stone and wood carvers who went into the woods, heartily singing their dreams of fantastical birds and giant tree trunks" while also reinvigorating sculpture at the dawn of the 20th century. Limestone, granite, alabaster, marble and lava were some of the varied materials Zadkine would use for his stone sculptures. The oldest and undoubtedly the first sculpture he carved ‒ around 1909 in Russia ‒ "in a big hunk of yellow and red granite abandoned in a field by an arctic glacier" was Tête héroïque in the collection of the Zadkine Museum in Paris. One of the characteristics that sets Zadkine apart is that he was an "all-around" artist who had a complete mastery of traditional artisanal practices and techniques. He understood materials and was familiar with their symbolic and metamorphic power. He could experiment with any kind of transmutation in bronze, wood, stone, marble, terra cotta or plaster.
In Tête d’homme, Zadkine seems to escape the severity associated with the cubist style which, according to the artist, did not leave enough room for human emotion. While some of the pared down geometric codes of cubism are still apparent in the bold shaping which forms the nose and the curve of the eyes, this sculpture conveys above all a striking expressiveness. By carving directly in granite, the artist uncovers convex and concave planes, with depressions and protrusions creating areas of shadow and light. In addition, this sculpture calls to mind the characteristic stylings of Amedeo Modigliani, evoked here by the model's almond-shaped eyes and the imposing nature of the neck or the rendering of the hair, which was found in Modigliani's caryatids. While the two artists shared the same passion for working with stone and the same curiosity for the beauty and nobleness of archaic forms, Zadkine's predilection for such materials and his intimate relationship with nature came from a childhood spent on the banks of the Dnieper.
Tête d’homme, executed circa 1935-37, is part of a group of two pink granite pieces created by the artist that, for a long time, was listed by Sylvain Lecombre as having been produced a decade earlier, in 1927. What can be considered as its female counterpart is now in the collections of the Hannema-De-Stuers Foundation in Heino (Netherlands).
The present work was in the collection of Marc du Plantier for at least 30 years; it is quite certain that he had acquired it from the artist for his apartment on Rue du Belvédère in Boulogne. The decorator, who was a contemporary of Jean-Michel Frank and Max Jacob, had a certain affection for the artist's output and surrounded himself with several of Zadkine's works, such as Oiseau d’Or, in plaster and gold leaf (1924), the original plaster of Rebecca, and La grande porteuse d’eau (1927), both of which are now held in the collection of the Zadkine Museum in Paris. "Man must live amidst a certain wonder," Marc du Plantier was fond of saying about the interior design and décor of his Boulogne apartment. The granite piece was most likely given by the decorator to the family of the current owner in the 1970s, a family which also lived on Rue du Belvédère in Boulogne in the apartment above his.