Literature
M. Denis, ABC de la peinture, Paul Sérusier, Sa vie - son œuvre, Paris, 1942 (illustré).
M. Guicheteau, Paul Sérusier, Paris, 1976, vol. I, p. 260, no. 295 (illustré, p. 261).
Further Details
Depuis sa première rencontre avec Paul Gauguin à l’été 1888 à Pont-Aven, Paul Sérusier développe une fascination pour la Bretagne, et ce, tant pour la force de ses paysages naturels que pour ses habitants qui semblent avoir gardé une dimension plus primitive et spirituelle, voire mystique, qui les place à l’opposé des habitants des grandes métropoles industrielles. C’est au Bois d’Amour, proche de Pont-Aven, qu’il réalise, sur les conseils de Gauguin, le fameux tableau Talisman, conservé au Musée d'Orsay et qui deviendra une pierre angulaire de la formation du groupe des Nabis et de leurs recherches picturales. Prônant un art libéré des contraintes du naturalisme et de sa volonté d’imitation de la nature, ces artistes souhaitent produire une peinture plus intérieure et spirituelle qui serait ainsi plus proche d’une certaine vérité. Paul Sérusier, appelé le «Nabi à la barbe rutilante» peindra alors dès le début des années 1890 avec ses amis Nabis avec lesquels il échange régulièrement au sujet de leurs théories sur l’art et diverses réflexions spirituelles parfois teintées de christianisme, de symbolisme ou d’ésotérisme. Ils produiront une œuvre singulière qui fait le pont entre l’impressionnisme et les différents mouvements de l’art moderne qui ne tarderont pas à émerger.
Au fil de la décennie, les liens entre les artistes du groupe se distendront pour que chacun prenne un chemin qui lui est propre. Sérusier n’abandonnera pas pour autant la Bretagne qu’il apprécie tant et s’installera à Châteauneuf-du-Faou où il vivra près de trente ans, jusqu’à sa mort.
Sérusier, sur l’invitation de Jan Verkade «le Nabi obéliscal», se rend à plusieurs reprises à l’abbaye bénédictine de Beuron en Allemagne où il fit une expérience esthétique et spirituelle qui le marque profondément. Les moines de Beuron pensaient que la beauté était cachée dans la nature et que l’artiste pouvait s’en rapprocher par l’harmonie des formes et des proportions. Il reprendra ces théories à son compte et, si elles eurent une grande influence sur son art, elles seront partagées avec ses amis sans grand succès.
Sérusier, toujours avide de nourrir son art de diverses influences, étudia également avec intérêt les primitifs italiens, l’art Égyptien ainsi que les tapisseries médiévales.
Libations, Cinq figures dans une fôret mythique peint en 1912 pour décorer sa maison de Châteauneuf-du-Faou, qu’il construit en 1906, évoque en effet la multitude de références à ces arts anciens. Le sujet tout d’abord, la libation, est un acte rituel religieux pratiqué depuis l’antiquité et qui consiste à offrir «en sacrifice» un liquide à une divinité. Ensuite, par son grand format presque carré et la présence de nombreux feuillages d’où se détachent par contrastes les figures humaines, Libations, Cinq figures dans une fôret mythique n’est pas sans rappeler les tapisseries flamandes du XVIe siècle (fig. 1). Les profils et postures des femmes font quant à eux écho à l’art Égyptien et aux frises antiques. Et finalement, l’exotisme des femmes représentées sur cette scène sacrée dans un cadre idyllique peuvent être rapprochées des compositions tahitiennes de Gauguin (fig. 2), maître de Sérusier à ses débuts. Le présent tableau apparait donc comme une œuvre syncrétique issue d'un cheminement intellectuel complexe à l'image de la carrière aux multiples facettes de l’artiste.
It was after meeting Paul Gauguin for the first time in Pont-Aven, in the summer of 1888, that Paul Sérusier developed a fascination with Brittany. He was as captivated by the energy of its natural landscapes as he was by its people, who seemed to have retained a more primitive, spiritual and even mystical dimension that set them apart from the inhabitants of the big industrial cities. It was at the Bois d’Amour, near Pont-Aven, and on Gauguin’s advice, that he painted his famous Talisman, which hangs in the Musée d'Orsay. The painting went on to become a cornerstone in the foundation of the group of artists known as the Nabis and their pictorial explorations. The group advocated a style of art free from the shackles of naturalism and its aim of imitating nature. They wanted to paint in a more internal, spiritual way that would produce something closer to real truth. And so, from the early 1890s, Paul Sérusier, known as the "Nabi with the shiny red beard", would paint with his Nabi friends and regularly discuss various art theories with them. They would also touch on their spiritual musings, which were at times influenced by Christianity, symbolism and esoterism. The unique body of work they produced would form a bridge between impressionism and the various movements in modern art which emerged soon after.
As the decade progressed, the ties between the group’s artists began to dissolve, allowing each member to follow their own path. However, Sérusier never abandoned his beloved Brittany and would settle in Châteauneuf-du-Faou, where he lived for almost thirty years until his death.
Sérusier was invited several times by Jan Verkade, the "obeliscal Nabi", to visit him at the Benedictine abbey of Beuron in Germany. There, he had an aesthetic and spiritual experience that would have a profound impact on him. The Beuron monks believed that beauty was hidden in nature and that the artist could move closer to it through the harmony of shapes and proportions. Sérusier adopted these theories and they had a great influence on his art, although they did not resonate with his friends.
Always eager to cultivate his art through varied influences, he also took a keen interest in the Italian Primitives, Egyptian art and mediaeval tapestries.
Libations, Cinq figures dans une fôret mythique, which he painted in 1912 to decorate his house in Châteauneuf-du- Faou, built in 1906, is a fitting example of his many references to these ancient arts. Firstly, the subject, libation, is a religious ritual act practised since ancient times, consisting of offering up a liquid to a divinity as a "sacrifice". Then there is the large, almost square format and numerous elements of foliage contrasting with the human figures which stand out, reminiscent of 16th century Flemish tapestries (fig.1). Meanwhile, the women’s profiles and postures recall Egyptian art and ancient friezes. Lastly, the exoticism of the women depicted in this sacred scene in its idyllic setting can be compared with Tahitian compositions by Gauguin (fig. 2), who taught Sérusier in the early days. So this particular painting would appear to be a syncretic work reflecting the complex intellectual journey that was the artist’s multifaceted career.