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Le grand historien de l'impressionnisme John Rewald, auteur de la première monographie de Maillol en langue anglaise, décrit L'Action enchaînée comme l'une des « œuvres les plus remarquables » du sculpteur français. «L'allure noble et la pose fière de cette statue sont le symbole du triomphe dans l'adversité. La figure nue, penchée en avant, les mains attachées derrière le dos, semble suffisamment forte pour briser par le simple éclat de sa joie les chaînes qui endiguent la liberté» (in J. Rewald, Maillol, Paris, 1939, p. 16).
Le dynamisme, la puissance et la vigueur du sujet répondent de manière à la fois inspirée et réussie à la commande qui fut à l'origine de cette œuvre; ils attestent aussi l'ambition brûlante d'un Maillol décidé à se forger une réputation de sculpteur de monuments publics. En 1903, un comité dirigé par l'écrivain Octave Mirbeau avait écarté une proposition de Maillol pour un monument à Émile Zola – un échec amer pour l'artiste. Heureusement, Mirbeau, qui avait pris la défense de Maillol, allait se trouver deux ans plus tard dans les rangs d'une autre commission – avec Georges Clemenceau, Gustave Geffroy et Anatole France – à la recherche, cette fois, d'un sculpteur pour la conception d'une statue en hommage à Louis-Auguste Blanqui (1805-1881) dans le cadre du centenaire de sa naissance. Révolutionnaire acharné et défenseur infatigable des droits républicains face à la tyrannie, Blanqui avait passé trente-six ans de sa vie derrière les barreaux pour différentes peines. Rodin suggéra de confier le projet à Camille Claudel; or celle-ci présentait déjà des symptômes de la maladie mentale qui mettrait bientôt un terme à sa carrière. Aussi, l'idée émise par Maillol de cette imposante figure féminine acheva d'impressionner Clemenceau. Le sculpteur reçut une avance de sept mille francs pour réaliser L'Action enchaînée, bien qu'il dût finalement couvrir une importante partie des frais de sa poche.
Maillol se mit rapidement à la tâche dans son atelier de Banyuls. Il réalisa plusieurs études en moins de dix jours et livra la version finale avant la fin de l'année. Loin des sujets allégoriques féminins du XIXe siècle, avec leur alliage d'héroïsme, de fragilité et de souffrance, la vision de Maillol respire toute la robustesse de l'Amazone. Son élan la démarque d'ailleurs du reste de la production de l'artiste. Comme le note Bertrand Lorquin: «Image percutante d'une figure retenue de force, elle remplace par la colère et la révolte réprimée, la sérénité contemplative que l'on associe habituellement à Maillol. Tout dans cette sculpture repose sur le contraste entre le poids massif et la légèreté ; elle nous donne l'impression que le sculpteur s'est échiné à transformer la puissance de son mouvement en un geste à la fois souple et entravé» (in op.cit., p. 56, 58-59).
La version monumentale a été installée à Puget-Théniers, ville natale de Blanqui, en octobre 1908 – dans l'indifférence délibérée des pouvoirs publics de l'époque, soucieux de la réputation encore polémique du révolutionnaire socialiste. Dina Vierny a par ailleurs fait don d'une réplique en bronze à l’État français ; issue de la même édition que la présente œuvre, elle habite depuis 1964 le Jardin du Carrousel, aux Tuileries, parmi un ensemble de dix-sept autres sculptures majeures de l'artiste.
John Rewald, the great writer on Impressionism and the author of the first monograph in English on Maillol, has called L'Action enchaînée one of the sculptor's "greatest works...the noble bearing and the proud attitude of this statue are a symbol of triumph over every obstacle. The naked figure, bending forward with arms tied behind her back, appears strong enough to crush by the sheer radiance of her joy the forces which shackle liberty" (in J. Rewald, Maillol, Paris, 1939, p. 16). The dynamism, power and strength of this figure represent both an inspired and successful realization of the commission for which Maillol executed it, and Maillol's own driving ambition to establish a reputation as a sculptor of monumental public works. In 1903 a committee led by the writer Octave Mirbeau rejected Maillol when choosing a sculptor for a monument to the novelist Emile Zola - it was a bitter blow to the sculptor. Mirbeau had dissented in his favor, and fortunately was on another committee two years later, with Georges Clemenceau, Gustave Geffroy and Anatole France, seeking a sculptor to create a monument dedicated to Louis-Auguste Blanqui (1805-1881) on the centennial of his birth. Blanqui, a lifetime revolutionary and a tireless advocate of republican rights in the face of tyranny, had spent 36 years in prison on various charges. Rodin had suggested Camille Claudel for the project, but she was already showing symptoms of the mental illness that would end her career. Maillol's conception based on a large female figure impressed Clemenceau, and the sculptor received an advance of seven thousand francs to undertake
L'Action enchaînée, although he ended up having to cover much of the cost out of his own pocket. Maillol worked quickly on his sculpture in his Banyuls studio and completed several studies within ten days. The final model was ready by the end of the year. In contrast to the 19th century conception of the heroic, but weak and suffering female allegorical figure, Maillol's version is robust and Amazonian. Indeed, its sense of movement is unique within Maillol's œuvre
. Bertrand Lorquin has observed, "A striking image of a figure being forcibly restrained, it substitutes anger and repressed rebelliousness for the characteristic contemplative serenity we usually associate with Maillol. Everything in this sculpture rests on the contrast between massive weight and lightness; the impression one gets is that the sculptor struggled to transform the power of its movement into a gesture at once flowing and fettered" (in op. cit., p. 56, 58-59). The monumental version was installed in Puget-Théniers, Blanqui's birthplace, in October 1908, although contemporary public officials, mindful of Blanqui's still controversial reputation, chose to ignore the event. A bronze cast from same edition as the present work was included in Dina Vierny's donation to the French state, and in 1964 was installed together with seventeen other important Maillol sculptures near the Carrousel in the Jardin des Tuileries.