Lot Essay
Pendant les années cinquante, Max Ernst s'aventure vers de nouveaux territoires plastiques. Sans jamais se convertir à l'art abstrait, il épouse un certain degré d'abstraction dans son œuvre tout au long de la décennie, cultivant des rapports ambigus entre des aplats de couleurs riches et des formes dépouillées, énigmatiques, pour concevoir toute une série de compositions fantasmagoriques dont le sujet demeure invariablement nébuleux. Plutôt que de créer l'illusion d'un espace profond sur lequel il puisse apposer son imagerie ou de recourir à la géométrie, voire à des formes cubistes, pour composer son arrière-plan, Ernst adopte volontiers l'approche de l'art abstrait américain d'après-guerre, traitant la toile comme une surface totalement plane sur laquelle il vient appliquer des signes et des traces.
Enseigne pour une école des cristaux utilise la technique du « grattage » – à raison de hachures dynamiques qui rappellent par ailleurs ses peintures de coquillages des années 1920 – pour invoquer une sorte de cosmologie mystique. En grattant la couche encore fraîche de peinture blanche, Ernst révèle de formidables effets de relief qui dotent son tableau d'une texture et d'une matière saisissantes. Les lignes droites entrecroisées tissent un réseau de formes tridimensionnelles biseautées, comme autant de cristaux de glace aux proportions gigantesques qui dominent un vaste panorama. L'ensemble nous transporte vers une sorte d'horizon d'icebergs ou, pourquoi pas, vers un paysage de science-fiction constellé de châteaux de cristal, quelque part ailleurs, sur une autre planète. Quant à cet intitulé insolite, Enseigne pour une école des cristaux : Ernst explique que ce genre de titre poétique ne lui venait à l'esprit qu'une fois qu'il avait terminé une œuvre et pris le temps de contempler la composition qui avait émergé au cours du procédé quasi-automatique : « Jamais je n’impose un titre à un tableau : j’attends que le titre s’impose à moi. Après l’avoir peint, je reste souvent – parfois longtemps – sous la hantise du tableau, et l’obsession cesse seulement au moment où le titre apparaît comme par magie » (M. Ernst, 'Max Ernst La nudité de la femme est plus sage que l'enseignement du philosophe', in Max Ernst, Sculptures, cat. exp., Milan, 1996, p. 39).
From the 1950s, Max Ernst began to explore new avenues in his art. Although he was never an abstract artist, Ernst embraced a certain degree of abstraction in his work throughout the 50s, focusing on the ambiguous relationships between flat planes of rich colour and simplified, enigmatic forms to generate a series of otherworldly compositions in which the subject matter remains elusive. Instead of placing his imagery in a deep, illusionistic space, or using geometry or elements of cubism to compose the picture plane, he increasingly adopted the practice of American post-war abstraction in treating the canvas as an absolutely flat surface on which the artist posited marks or signs.
Enseigne pour une école des cristaux uses grattage in a dynamic hatching technique reminiscent of the artist’s coquillage paintings of the 1920s to invoke a mystical sense of cosmology. Ernst scraped away the still wet white paint layer, revealing a great effect of relief, lending the surface impressive texture and substance. The intersecting straight lines build a series of three-dimensional jagged, recalling ice crystals, massive in scale on the large panoramic canvas, one is drawn into the world of icebergs or a sci-fi landscape of crystal castles on distant planets.
As for the enigmatic title, Enseigne pour une école des cristaux (Sign for a crystal-school), Ernst explained that such poetic names emerged only after the completion of his works, after he had time to muse on the forms which had emerged during his semi-automatic process: ‘I never impose a title on a picture; I wait until a title comes to me. When I have completed a picture it often follows me around – often, for a very long time – and only stops tormenting me at the very moment when a title suggests itself, as if by magic’ (M. Ernst, ‘Woman’s nakedness is wiser than the teachings of the philosophers,’ in Max Ernst, Sculptures, exh. cat., Milan, 1996, p. 39).
Enseigne pour une école des cristaux utilise la technique du « grattage » – à raison de hachures dynamiques qui rappellent par ailleurs ses peintures de coquillages des années 1920 – pour invoquer une sorte de cosmologie mystique. En grattant la couche encore fraîche de peinture blanche, Ernst révèle de formidables effets de relief qui dotent son tableau d'une texture et d'une matière saisissantes. Les lignes droites entrecroisées tissent un réseau de formes tridimensionnelles biseautées, comme autant de cristaux de glace aux proportions gigantesques qui dominent un vaste panorama. L'ensemble nous transporte vers une sorte d'horizon d'icebergs ou, pourquoi pas, vers un paysage de science-fiction constellé de châteaux de cristal, quelque part ailleurs, sur une autre planète. Quant à cet intitulé insolite, Enseigne pour une école des cristaux : Ernst explique que ce genre de titre poétique ne lui venait à l'esprit qu'une fois qu'il avait terminé une œuvre et pris le temps de contempler la composition qui avait émergé au cours du procédé quasi-automatique : « Jamais je n’impose un titre à un tableau : j’attends que le titre s’impose à moi. Après l’avoir peint, je reste souvent – parfois longtemps – sous la hantise du tableau, et l’obsession cesse seulement au moment où le titre apparaît comme par magie » (M. Ernst, 'Max Ernst La nudité de la femme est plus sage que l'enseignement du philosophe', in Max Ernst, Sculptures, cat. exp., Milan, 1996, p. 39).
From the 1950s, Max Ernst began to explore new avenues in his art. Although he was never an abstract artist, Ernst embraced a certain degree of abstraction in his work throughout the 50s, focusing on the ambiguous relationships between flat planes of rich colour and simplified, enigmatic forms to generate a series of otherworldly compositions in which the subject matter remains elusive. Instead of placing his imagery in a deep, illusionistic space, or using geometry or elements of cubism to compose the picture plane, he increasingly adopted the practice of American post-war abstraction in treating the canvas as an absolutely flat surface on which the artist posited marks or signs.
Enseigne pour une école des cristaux uses grattage in a dynamic hatching technique reminiscent of the artist’s coquillage paintings of the 1920s to invoke a mystical sense of cosmology. Ernst scraped away the still wet white paint layer, revealing a great effect of relief, lending the surface impressive texture and substance. The intersecting straight lines build a series of three-dimensional jagged, recalling ice crystals, massive in scale on the large panoramic canvas, one is drawn into the world of icebergs or a sci-fi landscape of crystal castles on distant planets.
As for the enigmatic title, Enseigne pour une école des cristaux (Sign for a crystal-school), Ernst explained that such poetic names emerged only after the completion of his works, after he had time to muse on the forms which had emerged during his semi-automatic process: ‘I never impose a title on a picture; I wait until a title comes to me. When I have completed a picture it often follows me around – often, for a very long time – and only stops tormenting me at the very moment when a title suggests itself, as if by magic’ (M. Ernst, ‘Woman’s nakedness is wiser than the teachings of the philosophers,’ in Max Ernst, Sculptures, exh. cat., Milan, 1996, p. 39).