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« Manège électrique.
C’est un tableau que j’ai fait trois fois.
Une fois en 1907 (refusé au Salon d’Automne) [sic] et détruit.
Une fois en 1912 (refusé aux « Artistes Français ») et détruit.
Une autre fois après la guerre (aux Indépendants). Prisme électrique ; dissonances et concordance de couleurs ; une orchestration mouvementée voulant obtenir un grand éclat ; inspiré d’une vision de foire populaire voulant donner un rythme violent […] les couleurs froides et chaudes se coupent, se recoupent en violence, créant des ruptures, des harmoniques par rapport à l’harmonique traditionnelle de l’école. »
Robert Delaunay, cité in G. Habasque, op. cit., p. 89.
Durant la période 1906-09, Robert Delaunay élabore trois grands thèmes qu’il continuera d’explorer tout au long de sa carrière, parmi lesquels figure le Manège de Cochons et dont la présente gouache en est l’une des rares études et parmi les plus abouties.
C’est en 1906 qu’il réalise pour la première fois une toile sur ce motif forain. Refusée par le jury du Salon d’Automne, l’œuvre que l’on croyait détruite a été partiellement retrouvée au revers de la Fenêtre sur la ville no. 3 conservée au Solomon R. Guggenheim Museum de New York. « Cette toile fournissait un des points de départ de l’imagination créatrice de Robert Delaunay. On sait, du moins, que les halos des globes électriques étaient représentés sous forme de disques. » (cité in G. Habasque, op. cit., p. 19). L’artiste reprend ce thème sept ans plus tard, alors en pleine exploration orphiste sur la lumière, pour le présenter au Salon des Artistes français de 1913. La toile est à nouveau refusée et détruite.
Il exécutera une dernière version de ce sujet de prédilection en 1922 - aujourd’hui conservée au Centre Georges Pompidou à Paris – et dont la présente œuvre est très proche stylistiquement.
Deux préoccupations essentielles de Delaunay, la décomposition de la lumière et la représentation synthétique du mouvement, en même temps que son goût pour le dynamisme de la vie moderne, l’ont conduit à s’intéresser au thème du manège de foire tournant sous les lampes multicolores.
Si Delaunay est fasciné par ce sujet, « c’est parce qu’il associe étroitement vitesse, lumière et vertige scopique. […] À la surenchère des bruits qui animent les foires s’ajoute l’éclat des lumières artificielles […] Les manèges de cochons – le plus connu d’entre eux est installé à cette époque, aux abords du Moulin Rouge – tournent aux sons criards d’un « orchestrophone » dont l’outrance, combinée à celle des couleurs dissonantes, finit par former une « harmonie de contraste » que Delaunay, en marge des préceptes de Chevreul, développe dans ses peintures urbaines » cité in Robert Delaunay, De l’Impressionnisme à l’abstraction, cat. exp., Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou, p. 82).
Modernistes convaincus, les Delaunay étaient fascinés par la possibilité d’exprimer une expérience de la modernité à la fois synesthétique et subjective. Dans leur domicile adjacent à la Place Saint-Michel, Sonia et Robert Delaunay, qui furent les témoins privilégiés du remplacement de l’éclairage au gaz par les lampes électriques, furent particulièrement ébloui par l’intensité spécifique du halo qui entourait ces nouvelles sources de lumière. Robert, en particulier, remarqua combien l’effet était proche de celui que l’on peut observer avec la lune.
Si le potentiel autocinétique de la couleur séduit Robert Delaunay, il entreprend dans son œuvre, d’unir l’activité de la ville et l’individu au travers des valeurs véhiculées par le contraste de couleurs simultanées. À l’instar de la version conservée au Centre Georges Pompidou, la présente gouache peut être considérée comme l’une des œuvres déterminantes de la carrière de l’artiste en cela qu’elle consacre toutes ses expérimentations les plus avant-gardistes ; les halos – qui ne sont pas sans évoquer la forme des soleils et des planètes – et les plans de couleurs qui s’interpénètrent reviendront en effet dans les autres sujets les plus célébrés de l’artiste.
“This painting of an electric carnival ride...
I created it three different times.
The first one in 1907 (refused at the Salon d’Automne) [sic], which was destroyed.
The second one in 1912 (refused at the ‘Artistes Français’), also destroyed.
And the third one after the war (at Salon des Indépendants). It is a prism of electric light; colour dissonance and accordance; a tumultuous orchestration seeking to create a great explosion; inspired by a vision of the fairground designed to set a violent pace […] cold and warm shades forcibly intersect and converge, creating breaks and harmonics with regard to the school’s traditional consonance.”
Robert Delaunay, quoted in G. Habasque, op. cit., p. 89.
From 1906 to 1909, Robert Delaunay developed three major themes which he went on to explore throughout his entire career. Manège de Cochons features one of these, and this gouache is one of the rarest and most elaborate studies for that work.
In 1906, he first executed a painting on the theme of the fairground. Refused by the selection panel of Le Salon d’Automne, the work – believed to have been destroyed – was partially recovered on the back of Fenêtre sur la ville no. 3, housed at the Solomon R. Guggenheim Museum of New York City. “This painting provided one of the departure points for Robert Delaunay’s creative imagination. We know, at least, that the halos of electric globes were portrayed as disk shapes.” (quoted in G. Habasque, op. cit., p. 19). The artist took the theme up again seven years later, in the midst of his Orphic exploration of light, to present it at Le Salon des Artistes français of 1913. Once again, the painting was rejected and destroyed.
He executed one last version of this favourite subject in 1922 – today kept at the Pompidou Centre in Paris –, of which this work is stylistically very similar.
Two of Delaunay’s essential concerns, the dispersion of light and the synthetic representation of movement, together with his taste for the dynamic energy of modern life, led him to delve into the theme of carnival rides spinning under multicoloured lights.
Delaunay was fascinated by the subject “because it closely links speed, light and visual vertigo. […] The overwhelming noise of the fair was heightened by their explosions of artificial lights […] Carnival rides – of which the most famous of the day stood just off the Moulin Rouge – spun to the deafening sounds of an ‘orchestrophone’, of which the outrageous noise blended with the shock of dissonant colours to form a ‘harmony of contrast’ that Delaunay developed in his urban paintings in addition to the precepts of Chevreul” (quoted in Robert Delaunay, De l’Impressionnisme à l’abstraction, exh. cat., Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou, p. 82).
Both Delaunay and his wife were adamant modernists, and they were fascinated by the possibility of expressing a modern experience in a subjective, synaesthetic way. In their home adjacent to Place Saint-Michel, Sonia and Robert Delaunay were in an excellent position to witness the replacement of gas-powered street lights by electric ones. They were particularly dazzled by the specific intensity of the halo that surrounded these new sources of light. Robert, in particular, would notice how much this effect resembled the halo effect of the moon.
While the auto-kinetic potential of colour attracted Robert Delaunay, he endeavoured through his work to combine the activity of the city with that of the individual, through values conveyed by the contrast of simultaneous hues. Like the version kept at the Pompidou Centre, this gouache may be considered one of the determining works of the artist’s career, in that it establishes all his most avant-gardist experimentations. Halos – which might bring to mind the shapes of suns and planets – and intersecting expanses of colour reappear in the artist’s other most famous subjects.