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« Ce qui me semble le plus important dans notre mouvement [impressionniste], c'est que nous avons libéré la peinture du sujet. Je peux peindre des fleurs, et les appeler tout simplement fleurs, sans qu'elles aient une histoire » (P.-A. Renoir, cité in P. Mitchell, European Flower Painters, Londres, 1973, p. 211-12).
Réalisées au crépuscule de sa vie, les natures mortes aux roses de Renoir, avec leurs fleurs duveteuses aux nuances chaudes, sont autant d'hommages à son art et à son jardin et constituent, en quelque sorte, une réflexion sur sa propre vie. Imprégnés d'une riche palette de jaunes et de roses, ici les coups de pinceau de l'artiste animent la surface de la toile avec leur douceur et leur délicatesse emblématiques, laissant aux empâtements plus épais le soin de modeler les pétales du bouquet. Ce qui frappe le plus dans ce tableau floral peint aux alentours de 1915, c'est peut-être la pureté des pigments qui, associée au dynamisme de la touche, vient emplir de vie la nature morte. Si Renoir a conçu tout au long de sa carrière d'ambitieuses et complexes compositions de baigneuses, de danseuses, de bistrots et de paysages urbains, marins ou bucoliques, Roses témoigne d'une volonté tardive de revenir à des thématiques plus simples pour mieux saisir la quintessence du sujet. Mis en valeur par la sobriété de la composition – six roses bulbeuses fraîchement cueillies, disposées sur un fond très légèrement coloré – le bouquet de la présente toile monopolise le regard de l'observateur, tout en étant l'élément central à travers lequel Renoir va explorer en toute exclusivité la richesse chromatique de la nature et les reflets de la lumière.
Tant par son exécution que par son sujet, cette œuvre renvoie aux débuts précoces du peintre né à Limoges, capitale française de la porcelaine. À l'âge de treize ans, le jeune Renoir quitte les bancs de l'école pour devenir apprenti dans l'atelier des frères Lévy à Paris, rue Vieille-du-Temple, en 1854. Il y apprend à décorer assiettes, lampes et théières avec des ornements de fleurs, d'oiseaux ou de bergeries, à la manière des céramistes de Sèvres du XVIIIe siècle, dont la rose était l'un des motifs phares. Par la suite, les roses feront des apparitions récurrentes dans l'ensemble de son œuvre, qu'elles figurent en attributs de portraits comme Blonde à la rose (1915-17 ; Musée de l’Orangerie, Paris), qu'elles peuplent des jardins à la façon de Claude Monet peignant dans son jardin à Argenteuil (1873 ; Wadsworth Atheneum Museum of Art, Hartford) ou qu'elles soient présentées sous forme de bouquet, comme dans une autre œuvre datée de 1915, aujourd'hui conservée au musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon.
Au moment où Renoir exécute le présent tableau, il est déjà installé dans sa villa de Cagnes-sur-Mer, Les Colettes, dont il est devenu l'heureux propriétaire en 1908, étant tombé sous le charme de son jardin planté d'oliviers. L'air doux du Midi est censé soulager son rhumatisme aigu, dont les maux l'handicaperont cruellement au cours des vingt dernières années de sa vie, sans jamais l'empêcher de peindre pour autant. En 1915, en pleine Première Guerre mondiale, des souffrances plus graves encore vont toutefois éclipser les problèmes de santé du peintre : le décès de sa femme, Aline Charigot (1859-1915), le 27 juin, et les traumatismes subis par ses fils Jean (1894-1979) et Pierre (1885-1952), tous deux grièvement blessés au combat au printemps de la même année. Or l'amour que Renoir voue à la peinture, à la lumière et à la nature – notamment aux plantes, et particulièrement aux roses – aura raison de toute cette morosité. Un triomphe qu'incarne parfaitement cette toile aux fleurs sensuelles, rayonnante de lumière, de vie et sans doute aussi de tendresse de l'artiste pour sa défunte épouse.
"What seems to me most significant about our movement [Impressionism] is that we have freed painting from the importance of the subject. I am at liberty to paint flowers and call them flowers, without their needing to tell a story".
P.-A. Renoir, quoted in P. Mitchell, European Flower Painters, London, 1973, p. 211-12.
Painted in the last few years of his life, Renoir’s still-life of velvety pink and yellow roses are a tribute to his oeuvre and to his garden, and to some extent, a reflection on his own life. Renoir’s soft signature brushstrokes, loaded with a wide range of pink and yellow colour tones, gracefully animate the surface of the canvas, leaving the rich impasto touches model the flowers’ petals. What is most striking in this charming canvas of roses dated circa 1915, are the pigments’ freshness and the brushstrokes liveliness, as if bringing to life this still-life of roses. Having realized some highly ambitious complex compositions of bathers, dancers, diners, as well as cityscapes, seascapes and other landscapes throughout his artistic career, Roses embodies the artist’s will to return to simpler subjects, and to depict the essence of his subjects. The purity of the composition – six bulbous roses freshly-cut set against a thinly painted background – consequently puts the roses at the centre of the viewer’s attention, as well as becoming the artist’s focus to explore the richness of nature’s colours and reflections of light.
The execution as well as the subject go back to the young thirteen year-old Renoir, born in the French capital of ceramic, Limoges, when he dropped out of school to train as a ceramics’ painted in the Lévy brothers’ studio located rue Vieille-du-Temple in Paris in 1854. There he learned how to decorate plates, lamps and teapots, with flowers, birds and ‘bergeries’, very much in the renowned 18th century-style Sèvres porcelain, the star motif of which was often a pink rose. Roses are very much present throughout Renoir’s œuvre, whether used as attributes for a portrait, such as in Blonde woman with a rose (1915-17; Musée de l’Orangerie, Paris), or in garden views, such as in Claude Monet Painting in His Garden at Argenteuil (1873; Wadsworth Atheneum Museum of Art, Hartford), or presented in a bouquet, such as in the one also dated 1915, housed in the collections of the Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, Besançon.
By the time Renoir executed this work, he had settled in his beloved villa in Cagnes-sur-Mer, Les Collettes, which he purchased in 1908, having fallen in love with its garden full of olive trees. He had also moved South of France, given that the warmer weather was supposed to help ease his acute rheumatism pain, which proved to be a serious handicap during the last twenty years of his life, although never stopping him from painting. By 1915, at the heart of World War One, Renoir was suffering a lot from these health issues, but suffered even more so from the death of his wife, Aline Charigot (1859-1915), on 27th June 1915, and from the trauma of his sons Jean (1894-1979) and Pierre (1885-1952) being both seriously injured during the spring of 1915 whilst fighting on the Front. Yet amidst all this darkness, Renoir’s love for painting, for light, for nature – and in particular for flowers, namely roses – triumphs, as incarnated in this painting of sensuous roses emanating light, life and most probably love for his deceased wife.